La résistance aux antibiotiques, une menace plus dangereuse que le cancer : à qui profite la grande peur déclenchée au FMI ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La résistance aux antibiotiques pourrait représenter un danger plus élevé que le cancer d'ici 2050.
La résistance aux antibiotiques pourrait représenter un danger plus élevé que le cancer d'ici 2050.
©Reuters

Au loup, au loup !

Le ministre des Finances anglais George Osbourne estime que la résistance aux antibiotiques pourrait représenter un danger plus élevé que le cancer d'ici 2050. Si le problème est réel, il semble exagéré par l'homme politique, au point que nous pourrions nous demander s'il ne s'agit pas d'une manœuvre.

Nicole  Delépine

Nicole Delépine

Nicole Delépine ancienne responsable de l'unité de cancérologie pédiatrique de l'hôpital universitaire Raymond Poincaré à Garches( APHP ). Fille de l'un des fondateurs de la Sécurité Sociale, elle a récemment publié La face cachée des médicaments, Le cancer, un fléau qui rapporte et Neuf petits lits sur le trottoir, qui relate la fermeture musclée du dernier service indépendant de cancérologie pédiatrique. Retraitée, elle poursuit son combat pour la liberté de soigner et d’être soigné, le respect du serment d’Hippocrate et du code de Nuremberg en défendant le caractère absolu du consentement éclairé du patient.

Elle publiera le 4 mai 2016  un ouvrage coécrit avec le DR Gérard Delépine chirurgien oncologue et statisticien « Cancer, les bonnes questions à poser à mon médecin » chez Michalon Ed. Egalement publié en 2016, "Soigner ou guérir" paru chez Fauves Editions.

 

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Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : Selon le ministre des Finances anglais George Osborne, la résistance aux antibiotiques pourrait devenir "une menace pour l'humanité encore plus grande que le cancer d'ici 2050" et risque de "réduire le PIB mondial de 3,5 %". Ces prédictions vous semblent-elles réalistes ?

Nicole Delépine : Faire régner la peur, la grande arme des politiciens ! Machiavel n’est pas mort. Je ne suis pas économiste et ne possède pas de boule de cristal, mais l’expérience des 20 dernières années montre que les prévisions portées au-delà de 10-15 ans se sont révélées inexactes dans la quasi-totalité des cas. Elles ne prévoient ni les crises boursières ni les conséquences économiques des progrès techniques à venir et encore moins les changements politiques radicaux qui peuvent intervenir dans les trente prochaines années dans notre monde très agité... Comme le rappelle B. Shaws, "les seules prévisions exactes que nous pouvons porter sont celles qui concernent le passé".

Dans le domaine de la santé, ces erreurs de prévisions se sont révélées particulièrement frappantes en cancérologie et lourdes de conséquences pour les malades privés des traitements rodés et efficaces. La découverte du génome humain dans la deuxième moitié du XXe siècle a conduit à une nouvelle "ruée vers l’or"  et toutes les start-up du monde se sont jetées corps et âme sans oublier la Bourse, sur le traitement du cancer par les molécules ciblées sur les mutations génétiques du patient. On allait voir ce qu’on allait voir. Rappelez-vous les interviews aux journaux télévisés des années 2004 -05 des "grands professeurs" de retour de la grand-messe annuelle de cancérologie aux USA, affirmant sans rire que c’en était fini des vilaines chimiothérapies qui font vomir et perdre les cheveux et s’injectent dans vos pauvres veines. On allait avant 2010 supprimer tout cela et les remplacer par de jolies pilules visant seulement l’anomalie génétique, à prendre par la bouche et sans effet secondaire ou presque puisque "ciblée". C’était beau comme un film de douce science-fiction et pourtant ces prévisions sont complètement démenties dès maintenant. Les oncologues du monde entier appellent à la vigilance sur ces traitements trop chers et de plus si peu efficaces et dangereux.

Mais cet enthousiasme n’était peut-être pas si innocent quand on voit que ces médicaments miracles ont transformé l’industrie pharmaceutique en le domaine le plus rentable en Bourse. Bon pour vos actions en Bourse mais pas tant que cela pour vos cancers. Mais c’est là un autre et vaste sujet. Il s’agit d’argent aussi ici et ces phénomènes sont comparables. Utilisation d’une "peur" qu’on rend vite générale grâce aux réseaux sociaux et aux médias complices pour permettre la diffusion de techniques rentables. Il convient de trouver où est l’argent dans cette annonce mensongère et tonitruante. S’agit-il d’une tentative de nouvelle ruée vers l’or via les antibiotiques tandis que les molécules innovantes en cancérologie ou immunologie perdent de leur splendeur ?

Stéphane Gayet : Il serait insensé de prétendre que la résistance des bactéries aux antibiotiques n’est pas un important problème mondial actuellement. Ce phénomène est observé dans la plupart des pays du monde. C’est en effet une forte préoccupation pour l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Mais il n’est pas anodin que ce nouveau cri d’alarme soit poussé par le Royaume-Uni. Les taux de résistance des bactéries aux antibiotiques sont fort élevés chez les Britanniques et cela plus que dans bon nombre d’autres pays européens. Leur système et leur politique de santé sont nettement moins dispendieux que les nôtres. Mais leur efficacité en termes de santé publique laisse souvent à désirer et, de fait, les conséquences sont là. Cette alerte s’adresse donc déjà à eux-mêmes et de sérieux efforts de rationalisation des consommations d’antibiotiques doivent être réalisés outre-Manche. Nous n’avons pas tellement de leçons à recevoir de leur part dans ce domaine, bien que la France ne soit pas exemplaire.

Quant à savoir s'il est pertinent de comparer la résistance antibiotique des bactéries aux cancers, ce n’est pas du tout certain. Sur le plan des répercussions strictement sanitaires de ce phénomène de résistance bactérienne, beaucoup de statistiques concernent en réalité le nombre de personnes porteuses de bactéries résistantes et non celui de personnes malades de ces bactéries. Si être porteur d’une souche résistante est une chose, en être malade en est une autre. Cela nous amène à bien distinguer la colonisation bactérienne de l’infection bactérienne. Quand on est simplement colonisé ou encore porteur sain d’une souche résistante, on n’en est pas malade. Notre santé n’en est nullement affectée. Quand il y a une infection, c’est différent, il s’agit d’un phénomène morbide, une maladie en somme.

Pourquoi beaucoup de personnes sont-elles simplement colonisées par ces bactéries résistant aux antibiotiques ? Non seulement il n’existe pas de corrélation entre le caractère pathogène d’une souche bactérienne et sa résistance aux antibiotiques, mais il existe souvent une corrélation inverse. C’est comme s’il existait une sorte d’équilibre naturel. Bien sûr, il existe des souches à la fois vraiment pathogènes et résistantes aux antibiotiques, mais ce n’est pas le cas généralement. Il faut également préciser que l’on a tendance à faire beaucoup de prélèvements bactériologiques aujourd’hui, plus qu’il y a 10 ou 15 ans. Les techniques de bactériologie sont devenues rapides et performantes et on a tendance à multiplier les examens. Il n’est donc pas étonnant que l’on découvre beaucoup de souches résistantes, y compris chez des personnes qui n’en souffrent pas forcément. Quand on analyse un prélèvement bactériologique au laboratoire, on identifie l’espèce bactérienne trouvée et on évalue sa sensibilité aux différents antibiotiques par des tests simples dont le résultat d’ensemble constitue l’antibiogramme de la souche. Mais on ne sait pas de manière simple évaluer le caractère réellement pathogène de cette souche.

Au contraire, les cancers sont toujours graves et leur fréquence augmente.

Un cancer ne guérit pas spontanément et sa vitesse de progression s’accélère au cours du temps. Le décès est la conclusion logique de l’histoire naturelle d’un cancer non traité. De nombreux cancers voient leur fréquence augmenter et on attribue cette augmentation à la pollution qui est multiforme et se trouve partout : dans notre alimentation, notre eau et notre air. Cette pollution est la rançon de notre mode de vie moderne : les produits chimiques et les rayonnements électromagnétiques sont de plus en plus nombreux et ubiquitaires. De très nombreuses substances se révèlent être des facteurs de carcinogenèse ou des perturbateurs endocriniens ou autres.

Pour ce qui est de l’impact financier des bactéries résistantes aux antibiotiques, on peut dire qu’il n’est pas raisonnable de vouloir le chiffrer aujourd’hui et encore moins en 2050. Beaucoup de pays se mobilisent en faveur de la réduction de la résistance bactérienne aux antibiotiques. De nouvelles méthodes thérapeutiques antibactériennes verront probablement le jour, car il n’y aura pas éternellement que les antibiotiques pour traiter les infections bactériennes. Il est certain que ce phénomène a une incidence sur l’augmentation des dépenses de santé, car les antibiotiques haut de gamme sont nettement plus coûteux que les molécules habituelles qui ne suffisent plus pour traiter une personne infectée par une souche bactérienne multirésistante aux antibiotiques. Mais ce taux d’augmentation de 3,5% du PIB mondial est plus un pavé lancé dans la mare qu’une simulation scientifiquement valide.

Par ailleurs, si l’on commençait tout traitement antibiotique par une bithérapie, c’est-à-dire deux antibiotiques, on diminuerait énormément l’émergence des résistances. Bien sûr, cela coûterait plus cher et augmenterait le nombre d’effets secondaires. Mais cette option n’est malheureusement jamais discutée. Son efficacité est cependant avérée, sous réserve évidemment d’une bonne observance lors des traitements en ambulatoire (domicile).

Récemment, des chercheurs de l'Université de Bristol et de l'Imperial College de Londres ont découvert que la résistance à certains des antibiotiques les plus courants affecte la moitié des enfants, ce qui fait craindre que les traitements futurs deviendraient "inefficaces". N'avons-nous pas abusé des antibiotiques comme le redoutent certains médecins ?

Nicole Delépine : La résistance croissante aux antibiotiques est effectivement un problème réel et connu contre lequel les médecins se battent depuis au moins une vingtaine d’années. "Les antibiotiques, c’est pas automatique", etc. Cependant, faire croire que la résistance aux antibiotiques est principalement due aux traitements délivrés à l’homme est une erreur constamment mise en avant pour faire oublier la responsabilité bien plus colossale de l’agriculture industrielle dans ce phénomène. Et l'on approche ici du fond du désastre sous-jacent mais caché, le domaine agro-alimentaire.

Lorsque le médecin donne un traitement antibiotique à visée curative à l’homme, il tente d’atteindre une dose bactéricide qui tue la bactérie et expose peu à la création d’antibio-résistance. Au contraire, les traitements antibiotiques administrés de manière systématique aux animaux pour prévenir d’éventuelles maladies ou simplement les faire grossir plus rapidement utilisent habituellement de faibles doses qui "habituent" les bactéries aux antibiotiques sans les tuer et les mettent dans les meilleures conditions pour leur apprendre à résister. Et il suffit qu’une seule bactérie ait trouvé un moyen de résistance pour qu’elle crée une souche résistante et éventuellement transmette sa résistance à d’autres types de bactéries par échanges de matériel génétique.

Le ministre lance une mise en garde sous  la forme d’un film catastrophe pour frapper l’opinion et demande le développement de nouveaux antibiotiques pour remplacer les anciens. Et après ? Pourtant, le NICE anglais, équivalent de notre agence du médicament, contrôle voire sanctionne les médecins qui abuseraient d’antibiotiques chez leurs patients alors que dans l’agroalimentaire, il n’en est rien. Tout est libre ! Deux tiers des antibiotiques consommés en Europe le sont par l’élevage animal, dont 45% en Angleterre, et 80% des antibiotiques aux USA sont consommés par les animaux ! Les remarques de Kerry McCarthy, membre du cabinet fantôme, dans son commentaire à la déclaration d’Osborne, sont pleines de bon sens. C’est là que se situe le problème réel de la surconsommation massive d’antibiotiques : dans l’élevage intensif à des fins financières débouchant sur la malbouffe généralisée menaçant l’efficacité des antibiotiques et donc la santé publique.

Stéphane Gayet : La résistance des bactéries aux antibiotiques se manifeste d’autant plus que l’on consomme beaucoup d’antibiotiques. C’est lié à ce qu’il est convenu d’appeler la pression de sélection. Il est indéniable que ce phénomène augmente d’année en année et qu’il croît avec leur usage. Il existe deux processus concomitants. D’une part, le niveau de résistance antibiotique des bactéries augmente dans une population avec la consommation d’antibiotiques par cette population. D’autre part, la probabilité pour qu’un individu donné devienne porteur de bactéries résistantes aux antibiotiques augmente avec sa propre consommation d’antibiotiques. Étant donné que les enfants en bas âge figurent parmi les personnes qui reçoivent le plus d’antibiotiques en raison de leurs infections respiratoires à répétition, il est attendu qu’ils appartiennent à la tranche d’âge la plus touchée par la résistance bactérienne aux antibiotiques.

Il faut préciser que la résistance des bactéries aux antibiotiques n’est pas binaire.

Prenons le cas d’une souche d’Haemophilus influenzae, bactérie fréquemment responsable d’infection bactérienne respiratoire chez le jeune enfant au cours ou au décours d’une infection virale qui en fait le lit. Si on a l’habitude de tester douze antibiotiques sur les souches d’Haemophilus influenzae couramment rencontrées, cette souche, pour chacun des douze antibiotiques, peut être très sensible, moyennement sensible, peu sensible, de sensibilité intermédiaire, résistante ou encore au maximum très résistante. Cela dépend du type d’antibiotique et du mécanisme de diminution de la sensibilité, bien sûr, mais il faut retenir que la résistance bactérienne aux antibiotiques n’est pas de type « tout ou rien ». Schématiquement, le laboratoire ne répond pas en six niveaux de sensibilité (S, MS, PS, I, R et TR), mais en trois niveaux (S, I et R), sans quoi ce serait illisible pour beaucoup de médecins. Cette nuance est vraie pour chacun des douze antibiotiques. En se limitant à trois niveaux de sensibilité pour chacun d’eux (S, I et R), cela fait tout de même beaucoup de possibilités avec douze antibiotiques.

La résistance des bactéries aux antibiotiques est le plus souvent réversible.

On constate que, lorsque diminue la pression de sélection des bactéries aux antibiotiques par la baisse de la consommation de ces médicaments, le niveau moyen de résistance tend à baisser. C’est comme si les souches résistantes à un antibiotique donné étaient chassées par les souches sensibles à cet antibiotique au fur et à mesure que baissent les consommations de cet antibiotique.

Avons-nous abusé des antibiotiques ?

La réponse est là encore à nuancer. Quand un enfant a une surinfection bactérienne sévère d’une infection virale des voies respiratoires supérieures, on ne peut pas laisser évoluer cette surinfection bactérienne qui peut être vraiment dangereuse. En revanche, donner systématiquement un antibiotique à un enfant qui a une infection fébrile des voies respiratoires supérieures sans approfondir son cas est une attitude abusive et néfaste. Chaque cas est particulier. Tel enfant fragile fera presque toujours une surinfection bactérienne et nécessitera le plus souvent un antibiotique, tel enfant non fragile n’en fera presque jamais et se passera très bien d’antibiotique.

On ne parle pas assez des antibiotiques présents dans notre assiette.

Beaucoup de résistances antibiotiques sont liées à l’élevage des volailles, des porcs, des veaux et des poissons, mais on n’en parle pratiquement pas. On a longtemps donné des antibiotiques aux veaux et aux porcelets pour les engraisser, car certains antibiotiques font fabriquer de la graisse. Cette pratique est aujourd’hui très réglementée, heureusement. Par ailleurs, les animaux élevés en grande promiscuité développent facilement des épidémies d’infection bactérienne et les éleveurs prennent les devants en leur donnant des antibiotiques de façon préventive et systématique. Beaucoup de ces antibiotiques sont ainsi retrouvés dans notre assiette et nous les ingérons. Nous pouvons également ingérer directement des bactéries résistantes aux antibiotiques et n’ayant pas été tuées par la cuisson. Cette contribution agroalimentaire à la résistance bactérienne est presque passée sous silence, ce qui n’est pas acceptable.

Comparer le phénomène de résistance aux antibiotiques au cancer, fléau majeur de notre époque, est-ce une manière de verser dans le catastrophisme ?

Nicole Delépine : Cette propagande de la peur a en fait peut-être pour seul but réel d’accorder à l’industrie du médicament de nouveaux crédits et avantages pour soi-disant rechercher de nouveaux antibiotiques et au passage de nouveaux subsides.

Une politique cohérente de prévention de la résistance aux antibiotiques nécessiterait  un contrôle strict de l’antibiothérapie animale et en particulier l’interdiction de la vente pour l’alimentation humaine d’animaux chez lesquels on retrouve des traces d’antibiotiques. On en est loin.

De même, une politique de recherche de nouveaux antibiotiques ne peut pas reposer sur l’industrie pharmaceutique, dont le seul souci est la rentabilité à court terme pour augmenter les dividendes versés aux actionnaires (70 milliards en 2015, soit 95% du bénéfice net). Seule la recherche publique centrée sur la recherche fondamentale et le long terme est efficace, ainsi que l’a montré le combat contre le Sida dont 80% des médicaments utiles ont été mis au point par des organismes publics (qui ont vendu ensuite les brevets à l’industrie privée qui en a tiré les bénéfices). Ce n’est pas l’option proposée par le ministre qui veut augmenter les subventions à Big pharma si elle oriente la recherche vers de nouveaux antibiotiques qui poseront pourtant les mêmes problèmes de résistance quelques années plus tard. Mais entre-temps, que de bénéfices en Bourse…

Stéphane Gayet : Le cancer fait peur, parfois jusqu’à la phobie. C’est une maladie terrible, bien que l’on soit en mesure d’en guérir un bon nombre. Cette comparaison de la résistance bactérienne aux antibiotiques avec le cancer n’est pas rationnelle, pour les raisons que nous avons déjà indiquées.

Une chose est certaine, on ne peut pas laisser prescrire et consommer des antibiotiques librement sans régulation. Ce mot d’ordre mondial est entendu par beaucoup de pays qui ont mis en place des mesures d’accompagnement des prescripteurs et des consommateurs d’antibiotiques. Mais n’oublions pas que les antibiotiques ont permis de sauver de très nombreuses personnes à partir des années 1950 et que ce sont des médicaments qui ont vraiment révolutionné la médecine. Il faut surtout les prescrire et les consommer de façon rigoureuse, avec discernement. Mais les antibiotiques ne sont pas la fumée de cigarette et les bactéries résistantes aux antibiotiques ne sont pas comparables à des cellules cancéreuses. Le problème est très sérieux, mais cessons le catastrophisme. À force de culpabiliser les médecins généralistes avec les prescriptions d’antibiotiques, on voit de nouveau des cas graves d’infection à streptocoque A qui avaient pratiquement disparu, car cette bactérie reste souvent bien sensible aux antibiotiques. Or, la fièvre puerpérale peut être très grave jusqu’à entraîner le décès de la parturiente. Ne passons pas d’un excès à l’autre.

Quel intérêt politique aurait Osborne à mettre cette question sur le devant de la scène ?

Nicolas Delépine : Le ministre semble agir pour développer de nouveaux subsides pour Big pharma, inquiet de l’absence d’innovations réelles thérapeutiques et ne souhaitant pas en assumer la charge.

Les contradictions entre ses déclarations sur l’antibiothérapie et ses positions européennes dans les négociations visant à restreindre l’emploi des antibiotiques chez l’animal sont bien mis en exergue par la ministre de l’Environnement du "shadow cabinet" de l’opposition en Angleterre, Kerry McCarthy. On ne peut qu’approuver les remarques de cette dernière qui souligne l’incohérence de George Osborne qui agite une menace "plus sévère que le cancer" et, en même temps, s’oppose aux tentatives de limitation de l’antibiothérapie animale en Europe. McCarthy regrette la tolérance en milieu vétérinaire de ces pratiques abusives et déclare qu’il "semble illogique que le Gouvernement actuel fixe des objectifs de réduction mesurable de la consommation antibiotique pour la santé humaine, mais pas  en ce qui concerne l’ usage vétérinaire"

Il reproche au ministère actuel son attitude complaisante devant l’imminence de la crise et accuse les ministres en poste d'adopter une attitude négative dans les négociations de l'UE. Il s’agit bien ici de positions politiques au Parlement européen, au sein duquel certains se battent pour mettre fin à l'utilisation systématique d'antibiotiques préventifs dans l'agriculture.

McCarthy se bat pour une restriction de la consommation mondiale quand le chancelier Osborne appelle à un changement radical de politique mondiale envers Big pharma. Osborne plaide pour que les entreprises pharmaceutiques inventent des solutions à long terme avec promesse de nouvelles "subventions", financées à l'échelle mondiale, qui soutiendraient le développement d’antibiotiques innovants et assureraient l'accès aux antibiotiques dans les pays en développement. Encore des sous, des subventions pour Big pharma. On est ici devant le "toujours plus" de consommation, d’innovations qui rapportent à la Bourse, régi par l’agitation de la peur, versus une société de la décroissance. Les discussions en cours pour le TAFTA entre l’Europe et les USA  et au sein-même de l’Europe ne sont pas sans rapport avec cette prise de position d’Osborne et celles opposées du cabinet de l’ombre.

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