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Des contrats de travail plus flexibles ? Une aubaine pour les jeunes... à condition d'assouplir les règles forçant leurs propriétaires à exiger qu'ils soient en CDI
©NobMouse

Bonnes feuilles

Chômage, dépenses de santé, financement des retraites, formation : l'approche générationnelle permet de penser différemment les blocages de notre société, et de bâtir de nouvelles formes de cohésion. Extrait de "France, le désarroi d'une jeunesse - 4 propositions pour un nouveau contrat entre générations", de Jean-Hervé Lorenzi, Alain Villemeur et Hélène Xuan 2/2

Hélène Xuan

Hélène Xuan

Hélène Xuan est la Directrice scientifique de la Chaire Transitions Démographiques, Transitions Économiques. Elle est titulaire d’un doctorat en sciences Économiques qui a porté sur le vieillissement démographique et la croissance.

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Alain Villemeur

Alain Villemeur

Alain Villemeur est docteur en économie, directeur scientifique de la chaire Transitions démographiques, transitions économiques, essayiste.

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Jean-Hervé Lorenzi

Jean-Hervé Lorenzi

Jean-Hervé Lorenzi est professeur d'économie à l'université Paris-Dauphine et président du Cercle des économistes.

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L’incitation au travail restera lettre morte si les jeunes ne peuvent accéder au logement sans détenir une position durable sur le marché du travail. Comment rebattre les cartes pour sortir de ce cercle vicieux où les jeunes, condamnés en partie à des emplois précaires ou atypiques, ont les plus grandes difficultés à obtenir un logement ? Seul le CDI arrive à convaincre les bailleurs, au moment où 70 % des jeunes commencent leur activité avec un CDD. Le contrat à droit progressif serait-il une réponse à cette impasse ? 

Sur ce sujet, rien n’est aisé. L’échec du contrat première embauche (CPE) n’incite guère au courage politique. Prévu par la loi du 2 avril 2006, le CPE ciblait les jeunes de moins de 26 ans et prévoyait de compléter la période d’essai avec une période de consolidation d’une durée de deux ans durant laquelle le jeune salarié pouvait être licencié sans motif. Le fait d’ajouter de la flexibilité pour " soigner " la précarité des jeunes a fait descendre dans les rues des centaines de milliers de personnes, car, et à juste titre, personne ne voyait comment le CPE pouvait remplacer le CDI dans l’accès au logement et au crédit.

Une manière de résoudre cette double contrainte posée par le contrat de travail pourrait venir du marché locatif français. En effet, sa réglementation protège le locataire contre les abus du propriétaire. D’un même coup, le propriétaire, affaibli dans ses droits de propriété sur le logement à louer, exige en contrepartie des garanties, en demandant un contrat de travail rémunérateur et stable, un CDI. Or c’est là où l’ordre des priorités doit s’inverser. Toute réforme du contrat de travail n’aurait guère d’effet sur l’émancipation des jeunes, alors qu’une réforme du marché locatif diminuerait le formalisme procédural et autoriserait vraisemblablement le loueur à accepter une réduction de la protection de l’emploi. Cette réforme serait gagnante pour l’insertion des jeunes et leur émancipation. Elle permettrait également de prendre en compte leur mobilité géographique. Les jeunes sont la seule classe d’âge dont la mobilité a progressé depuis les années 2000, et ce pour une raison simple : la probabilité de sortir du chômage augmente avec des prix de loyers élevés. On sait désormais que les jeunes ont un avantage à aller travailler dans les villes où les loyers sont chers, car ils y ont un avantage comparatif par rapport aux plus vieux.

La réforme des contrats de travail devrait donc s’accompagner d’une réforme du marché du logement, et en particulier du marché locatif. L’objectif de cette réforme serait de réduire la valorisation excessive que notre société accorde à la stabilité des emplois et d’inciter davantage les jeunes à considérer l’intérêt de contrats permanents, mais plus flexibles qu’ils ne le sont aujourd’hui.

La réforme préalable du marché locatif doit être de grande ampleur. Un rapport du CAE propose d’étendre l’éventail des motifs de fin de bail, de permettre au propriétaire de contrôler l’état du logement et de favoriser la libre durée du bail par accord entre propriétaires et locataires. Or, les locataires font face à des accidents de la vie ou du travail qui peuvent remettre en cause leur capacité à honorer leur loyer, d’où la nécessité d’une assurance qui devrait être couverte par l’assureur public et non par le propriétaire, comme c’est le cas aujourd’hui. Certes, les phénomènes d’aléa moral risquent de peser lourdement sur le financement public de la garantie universelle des loyers (GUL), et les défauts de paiement seraient toujours plus fréquents en l’absence d’assurance. Mais, comme le montre le rapport du CAE, le gain social serait net. Si l’introduction de la GUL peut entraîner un surcoût pour les finances publiques, elle permettrait de réformer le marché du travail en réduisant la demande sociale pour les CDI et rendrait aussi plus acceptable, en diminuant les contreparties exigibles du logement, une plus grande flexibilité des contrats. Ainsi, des mécanismes sont à développer tant du côté du contrat de travail que du côté du marché locatif, pour résoudre le problème d’accès au logement et au travail des jeunes.

Extrait de France, le désarroi d'une jeunesse - 4 propositions pour un nouveau contrat entre générations, de Jean-Hervé Lorenzi, Alain Villemeur et Hélène Xuan, publié aux éditions Eyrolles, mars 2016. 

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