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“L’islam nous déteste” ou comment mal mettre le doigt sur une vraie peur de l’Occident (et pourquoi on ne devrait surtout pas laisser à Donald Trump et ses analyses primaires le monopole sur le sujet)
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Peur véritable

Alors que Donald Trump a déclaré ce mercredi que "l'islam nous déteste", la question des rapports entre cette religion et les sociétés occidentales fait toujours autant parler. Habitué des formules chocs et provocations de tout poil, le milliardaire américain pose cela dit le doigt sur un réel problème de société.

Malik Bezouh

Malik Bezouh

Malik Bezouh est président de l'association Mémoire et Renaissance, qui travaille à une meilleure connaissance de l'histoire de France à des fins intégrationnistes. Il est l'auteur des livres Crise de la conscience arabo-musulmane, pour la Fondation pour l'innovation politique (Fondapol),  France-Islam le choc des préjugés (éditions Plon) et Je vais dire à tout le monde que tu es juif (Jourdan éditions, 2021). Physicien de formation, Malik Bezouh est un spécialiste de la question de l'islam de France, de ses représentations sociales dans la société française et des processus historiques à l’origine de l’émergence de l’islamisme.

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Alexandre del Valle

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle est un géopolitologue et essayiste franco-italien. Ancien éditorialiste (France SoirIl Liberal, etc.), il intervient dans des institutions patronales et européennes, et est chercheur associé au Cpfa (Center of Foreign and Political Affairs). Il a publié plusieurs essais en France et en Italie sur la faiblesse des démocraties, les guerres balkaniques, l'islamisme, la Turquie, la persécution des chrétiens, la Syrie et le terrorisme. 

Son dernier ouvrage, coécrit avec Jacques Soppelsa, Vers un choc global ? La mondialisation dangereuse, est paru en 2023 aux Editions de l'Artilleur. 

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Atlantico : Le candidat à la primaire américaine des Républicains, Donald Trump, a déclaré mercredi : "Je pense que l'islam nous déteste". Immédiatement, de nombreuses réactions ont évoqué un nouveau "dérapage". Dans quelle mesure peut-on qualifier ainsi cette énième phrase choc du milliardaire qui fait campagne ?

Alexandre Del Valle : S’il a effectivement dit "l’islam nous déteste", il s’agit d’une confusion et d’une ambiguïté du discours car une religion ne déteste personne, elle a des dogmes et ou des croyances auxquelles les hommes adhèrent s’ils veulent et suivant multiples interprétations possibles. Il est possible, en fonction de certains dogmes ou préjugés et motifs, de détester un groupe, mais cette détestation est le fait d’humains et non d’une religion en elle-même, qui n’est pas un être vivant. Ce mélange entre les notions forts différentes de religion et de co-religionnaires favorise bien entendu la provocation dans la mesure où, plutôt que de stigmatiser et d’accuser de haine les adeptes de la tendance la plus extrême de l’islam, Trump cible la religion en elle-même comme étant créatrice de fanatiques. C’est une provocation envers tous ceux qui sont attachés à l’islam orthodoxe mais aussi et peut être encore plus, selon moi, envers le système de pensée multiculturaliste et politiquement correct qui voit dans l’islam la religion par excellence des persécutés et des exclus. 

Je pense par conséquent que, par cette déclaration et ces propos populistes, Donald Trump attaque surtout l’idéologie dominante bien-pensante à laquelle adhère l’ensemble de la classe dirigeante politico-médiatique et l’establishment. Il est clair que de ce fait, en désignant l’islam en tant que religion plus encore que les islamistes ou les musulmans, Donald Trump veut montrer qu’il n’a peur ni des islamistes ni de critiquer une religion car il n’y a pas de raison qu’une religion ne soit pas critiquable, et cette posture est aujourd’hui très porteuse en Occident en terme de popularité et d’électeurs, puis en termes de buzz pour attirer l'attention. Sa stratégie est certes cynique et populiste, mais assez intelligente et stratégiquement efficace, car elle vise à faire de Trump le héros anti-establishment et de la majorité blanche-Wasp chrétienne qui se sent menacée par le multiculturalisme. Selon nombre d’Américains qui se reconnaissent dans les propos de Trump, qui fait lui-même écho à ceux d’Huntington certes de manière plus vulgaire, le White Anglo Saxon Protestant (WASP) blanc chrétien est toujours le suspect tandis que les minorités sont toujours considérées comme victimes et donc intouchables. C’est donc ce phénomène que Donald Trump heurte, plus que l’islam en lui-même.

Rappelons que le politically correctness est né aux Etats-Unis pour créer des mots "adoucissants" visant à ne pas stigmatiser certaines minorités supposées brimées ou rejetées par le majorité blanche-chrétienne-WASP. Or depuis des années, aux Etats-Unis, la minorité par excellence, au sens ethnolinguistique et religieux, c’est l’islam encore plus que les Hispaniques et les Noirs, qui sont tout de même de même religion que les Blancs anglo-saxons. Alors que le politically correctness consiste à ne jamais stigmatiser une minorité, Donald Trump choisit à l’inverse de ne pas ménager les minorités et de défendre la majorité chrétienne. Il surfe sur le ras-le-bol du politiquement correct. En effet, la bien-pensance américaine pro-minorités a été très critiquée ces dernières années car il y a eu énormément d’abus de deux poids deux mesures, notamment en matière d’islam et de christianisme, le premier ne pouvant pas être ridiculisé ou insulté et le second pouvant l’être impunément, ceci alors même que les terroristes sont bien plus musulmans que chrétiens. Ce politiquement correct christianophobe et islamophile propre à la bien-pensance tant en Europe qu’aux Etats-Unis a empêché de parler plus des Noirs, des Asiatiques, parfois bien plus brimés que les musulmans en tant que tels, car issus de minorités visibles. 

Malik Bezouh : Cette phrase ne relève pas, à proprement parler, de la provocation outrancière à l'instar de celle, par exemple, appelant à tuer la famille des terroristes. Il s'agirait plutôt d'un propos globalisant, sans nuance, contenant néanmoins une certaine réserve caractérisée par l'usage de l'expression "je pense". En conséquence de quoi, je reprocherai essentiellement à Monsieur Trump, ici, son approche essentialisante consistant à faire du monde musulman un bloc homogène dont l'une des caractéristiques serait la haine de l'Occident.

>>>> A lire aussi :  “L’Irak, une erreur gravissime” : comment Donald Trump bouleverse l’ADN des Républicains en assumant sa rupture avec les néoconservateurs

A l'inverse, dans quelle mesure la religion musulmane porte-t-elle en elle-même un rejet de l'Occident ? Que signifie le fait que tant de drapeaux du "Grand Satan" américain soient brûlés publiquement dans les pays arabo-musulmans (sachant qu'Hillary Clinton, elle, distribue les excuses à tous ces pays au moindre Coran brûlé par un pasteur intégriste) ?

Alexandre Del Valle : Parler d’une opposition Islam/Occident est une confusion de langage très répandue dans les médias et ailleurs. Or, on ne peut pas opposer islam et Occident, car s’il y avait une opposition à faire, ce serait plutôt entre le Moyen-Orient ou le monde arabo-musulman d’une part et, de l’autre, le monde occidental-judéo-chrétien, ou encore entre l’islam et la chrétienté. Mais opposer une religion, qui est abstraite, à une entité géopolitique faite d’hommes, c’est une confusion, c’est mettre en parallèle deux catégories différentes. 

En réalité, une partie du monde musulman a été radicalisée suite au succès des actions menées par les Saoudiens pour répandre un islam violent et radical, puis suite aux différentes guerres malheureuses menées par les Etats-Unis ou l’Occident en terre d’islam et qui ont rappelé les Croisades et le colonialisme, à tort ou à raison. Mais la partie du monde musulman qui a été fanatisée ne s’en prend pas qu’à l’Occident : elle s’en prend en premier lieu aux musulmans mécréants, modérés, soufis, progressistes, chiites, etc. En effet, le premier ennemi de cet islam radical salafiste, ce n’est pas l’Occident mais le mécréant et le monde "infidèle" dans son ensemble, ce qui inclut l’Inde, la Chine, les idéologies non-islamiques, mais aussi et d’abord les minorités non sunnites-salafistes en terre musulmane : alaouites, chiites, soufis, druzes, sans oublier les communistes, les nationalistes, les socialistes et tous ceux qui adhèrent à une idéologie non-sunnite orthodoxe. 

L’opposition établie entre islam et Occident est selon moi fallacieuse et c’est une preuve d’occidentalo-centrisme que de penser que les seules victimes ou cibles absolues du totalitarisme islamiste sont les anciens colonisateurs ou "impérialistes" occidentaux. En outre, encore une fois, on ne peut pas opposer un monde concret à une idée, une idéologie. On peut opposer deux mondes ou deux idéologies hostiles, antagonistes. Or, l’islamisme menace et défie le reste de l’Humanité non soumise à son système totalitaire impérialiste… Les islamistes font exploser des nombres, mitraillent et coupent des têtes en Afrique, en Inde, en Chine, en Russie et pas seulement chez nous...

Quant aux positions d’Hillary Clinton, elles relèvent de la logique inverse de celle de Trump tout en utilisant le même moteur mais inversé, celui du politiquement correct et de la polarisation autour du thème de l’islam et du multiculturalisme. En effet, Hillary Clinton, comme Donald Trump, a l’air de parler de l’islam, lui en étant très populiste et caricatural ; elle en faisant du politiquement correct. Mais en réalité, l’un comme l’autre ne s’intéressent pas tant à l’islam en tant que tel ou aux musulmans qu’à l’idéologie dominante multiculturaliste. L’islam symbolise par excellence la minorité, la communauté différente des WASP. Le cœur du politiquement correct consiste à défendre les minorités contre la majorité européenne-chrétienne. Donald Trump surfe sur la vague devenue à la mode de l’anti politiquement correct (phénomène que l’on constate aussi en France au vu du succès de personnalités comme Zemmour ou Houellebecq) et fait du buzz négatif, tandis qu’Hillary Clinton pense que c’est encore un fonds de commerce que de surfer sur le politiquement correct qui permet de stigmatiser son adversaire en le diabolisant, ce que ce dernier assume avec ironie et art consommé de la provoc.

Je ne suis donc pas sûr qu’en leur for intérieur, Trump soit aussi anti-musulman qu’il le revendique et Clinton aussi pro-musulmane qu’elle le dit : les valeurs progressistes d’Hillary Clinton étant très mal vues dans l’islam orthodoxe et inversement, en certains aspects. Quant à Trump, il ne voit peut-être pas dans l’islam une religion si horrible qu’il ne le laisse entendre, mais l’islamophobie est porteuse électoralement et surtout médiatiquement depuis que les lobbies islamiques ont réussi à faire passer les musulmans pour l’équivalent des juifs d'hier et l’islamophobie pour l’équivalent de l'antisémitisme, donc une forme de généalogie nazie-fasciste. Tous les deux instrumentalisent donc l’islam pour ringardiser l’adversaire et s’adresser au public électoral et au monde. Ce niveau d’analyse me semble être le plus pertinent et est un peu plus élevé que l’analyse primaire qui consiste à diviser entre d’un côté les gentils pro-musulmans et de l’autre les méchants anti-musulmans, car la société américaine est traversée depuis des années par un vaste débat sur le multiculturalisme et la remise en question de l’idéologie politiquement correct, dont l’islamiquement correct est le nouveau centre névralgique et clivant.

Dans son dernier ouvrage Qui nous sommes (paru après Le choc des civilisations), Samuel Huntington considérait lui aussi que la société américaine est défiée depuis les années 1990 par un problème selon lui qui ne se résume pas à l’islam mais concerne le multiculturalisme de façon générale et l’avenir de l’identité européo-judéo-chrétienne majoritaire menacée démographiquement par des non-Européens ou des non-chrétiens. Dans son livre, Huntington pose plusieurs questions : allons-nous rester une société majoritairement anglo-saxonne et protestante ou allons-nous devenir une société à dominante hispanique et noire et de plus en plus islamique ? Va-t-on rester une société monoculturelle ou allons-nous perdre notre identité euro-anglo-saxonne protestante ? Il s’agit, selon moi, du cœur du grand débat qui oppose identitairement la société américaine aujourd’hui.

Malik Bezouh : Notons tout d'abord que le préjugé est une donnée universelle. Par suite, aucun groupe humain ne peut échapper à cette tendance consistant à réduire l'altérité à un ensemble de stéréotypes. C'est vrai pour l'Occident vis à vis de l'Orient musulman et c'est vrai pour l'Orient musulman vis à vis de l'Occident. Et dans le cas qui nous préoccupe, en l'occurrence le regard de l'Orient musulman sur l'Occident, l'on ne peut nier qu'une fraction de l'Orient musulman a développé des sentiments, imbibés de colère, voire d'hostilité, pour l'occident, jadis croisé, hier colonisateur, aujourd'hui matérialiste.

Bien que multiples, les causes de ce ressentiment peuvent se réduire à ces deux éléments suivants. Le premier est d'ordre géopolitique. En effet, l'Orient musulman perçoit l'interventionisme occidental, en particulier en Irak, à travers ses différentes "guerres du Golf", comme le prolongement d'une politique post-coloniale qui ne dit pas son nom. Ces guerres du Golf » successives en Irak, aux motifs pour le moins discutables, ont eu des effets dramatiques : destruction d'un pays, hécatombe en termes de pertes civiles, germination de l'extrémisme musulman annonçant les groupes ultra-violents à l'image de Daesh. Notons en outre, que dans une partie monde arabe, l'Occident est perçu comme trop favorable à Israël. Second élément à présent dont la nature est de type civilisationnel. Il s'agit de l'inquiétude d'une partie du monde musulman face à un Occident dont la modernité, charriant l'hédonisme, le consumérisme, le libertarisme, la perte des valeurs familiales et la mise au banc de Dieu, suscite de nombreuses interrogations, pour ne pas dire des peurs profondes dans les sociétés musulmanes marquées encore par une forte prégnance de la transcendance et des valeurs traditionnelles. Ces peurs sont, notons-le, constituent l'un des moteurs de l'intégrisme musulman.

En ce qui concerne les drapeaux américains brûlés, rappelons que ces manifestations, condamnables, sont souvent le fait de nationalistes extrémistes ou d'islamistes radicaux. Par suite, elles ne sont pas forcément représentatives des opinions publiques, la plupart du temps muselées ou manipulées par des Etats tels que l'Iran ou la Syrie qui, depuis des années durant, font de l'Occident et d'Israël un exutoire dans lequel s'épanche toutes les frustrations de leur population ployant sous le poids du despotisme politique.

Quel danger y a-t-il par ailleurs à laisser un tel personnage notoirement outrancier mettre le doigt sur un sujet d'inquiétude majeure pour la population occidentale, au lieu de s'en emparer de façon raisonnable ?

Alexandre Del Valle :Outre-Atlantique, on ne peut pas interdire à des personnalités publiques ou privées de s’exprimer. Aux Etats-Unis, sauf en cas de violation de la Constitution et de la loi établie, le droit à la liberté d’expression est absolu : même les nazis et les pires sectes y ont le droit de s’exprimer. Il est donc impossible d’empêcher Donald Trump, par ailleurs candidat à la primaire, de parler. 

Par contre, il est déplorable qu’aujourd’hui en Europe comme aux Etats-Unis, seuls quelques provocateurs, populistes, ou leaders de partis d’extrême-droite osent encore aborder les thèmes tels que le drapeau, la sécurité, l’identité. Il suffit pour le comprendre de voir la diabolisation dont Nicolas Sarkozy a souffert pour avoir pris le risque de parler d’identité nationale et de lier ce thème avec ceux d’intégration et d’immigration comme s’il s’était agi d’une preuve de fascisme-raciste. Le politiquement correct a tellement terrorisé le discours et le langage qu’aujourd’hui seuls les extrêmes osent parler de certains thèmes qui pourtant concernent tout le monde : la peur de la perte de l’identité, l’immigration incontrôlée, l’islamisation, le multiculturalisme. Il serait beaucoup plus sain que des gens raisonnables s’emparent de ces thèmes et les traitent sans langue de bois, puis répondent aux préoccupations des citoyens majoritaires, mais malheureusement aujourd’hui, les gens raisonnables ont peur d’être critiqués et taxé d’extrémistes. En conséquence, il n’y a que les déraisonnables, ceux qui n’ont pas de limites et qui se nourrissent des provocations, qui font du buzz négatif et qui veulent à tout prix attirer des voix avec des moyens primaires pour aborder ces thèmes en répondant aux préoccupations des électeurs qui se sentent trahis par leurs élites plus préoccupées de réélection immédiate que de bien commun. Et pour les masses qui écoutent les populistes, il est clair que nos élites sont responsables de la prolifération des islamistes violents dans nos démocraties qui ne les ont pas neutralisés dans l’oeuf quand il était encore temps, ceci soi-disant au nom du respect du "droit à la différence" subverti.

Ce ne sont donc pas ces personnes déraisonnables qui inventent ces problèmes, comme le radicalisme islamique anti-occidental. Etant donné que les "raisonnables" ne donnent pas de réponses et portent une lourde responsabilité dans les maux actuels, il n’est pas étonnant qu’en France Marine Le Pen progresse ou encore que dans les pays d’Europe du nord et de l’est les populistes et souverainistes soient de plus en plus populaires. Le grand tort des partis modérés de gauche et de droite est d’avoir laissé aux extrêmes les sujets d’identité et de sécurité qui préoccupent tant les citoyens lambda, n’en déplaise aux élites mondialisées chantres du "nomadisme bobo", luxe de privilégié. Aussi surprenant que cela puisse paraître, l’être humain est au moins autant intéressé par son identité et ses origines que par les questions matérielles et le chômage. Les sondages montrent d’ailleurs que le premier thème d’angoisse des Français, à égalité avec le chômage, c’est l’identité. Il en va de même aux Etats-Unis. Aujourd’hui, la classe politique traditionnelle, PS-Républicains-UDI-Communistes en France, et Démocrates et Républicains aux Etats-Unis, récolte ce qu’elle a semé, soit la désaffection pour les partis et idées établis au profits d’idées subversives et de partis outsiders. 

Pour revenir aux Etats-Unis et au candidat Trump, il faut quand même préciser que ce n’est pas lui qui a inventé le problème de l’islamisme. Pas plus que les populistes islamophobes européens, Trump et ses outrances n’ont pas précédé ou provoqué les actes islamo-terroristes. Les islamophobes ou autres blasphémateurs chrétiens occidentaux ou autres n’ont pas poussé récemment une femme musulmane en Russie à tuer un bébé et à brandir dans la rue sa tête coupée en accusant Poutine de bombarder les rebelles sunnites en Syrie. Ce ne sont pas plus les propos des populistes ou des extrêmes qui ont provoqué le 11 septembre ou le Bataclan, ni les films anti Mahomet "blasphémateurs" qui auraient suscité la haine et les crimes barbares des islamistes commis sur des terrasses de café ou dans des salles de concert. Les propos populistes sont une réaction à une très forte inquiétude des masses occidentales et ils sont une aubaine pour les terroristes car cela leur permet de justifier a posteriori leurs actes barbares alors que leur barbarie sans pitié précède ces propos. Seuls les naïfs ou ceux qui ne connaissent pas le fonctionnement du terrorisme ignorent le fait que les islamistes tuent pour des raisons foncièrement géopolitiques et non en "réaction" à la stigmatisation de l’islam qu’ils souillent bien plus par leurs crimes envers les musulmans innocents et autres infidèles que ne le font les propos "islamophobes" de Trump, Wilders ou Houellebecq.

Ce n’est ni Trump ni les autres populistes et "islamophobes" qui provoquent la crispation identitaire des islamistes mais l’inverse : ce sont les islamistes qui, par leur barbarie, suscitent des réactions de méfiance ou même d’hostilité chez les Européens. En effet, ces derniers se rendent compte que les politiques modérés qui dirigent l’Europe depuis 30 ou 40 ans (et non les populistes) n’ont rien fait pour empêcher l’islamisation radicale, la pénétration des réseaux islamistes sponsorisés par les "alliés" du Golfe, etc, et qui ont donc laissé les imams les plus radicaux s’exprimer et recruter les futurs Mohamed Merah, Coulibaly et Abdeslam….  Cela signifie que même si l’on faisait taire Trump, les islamistes tueraient autant et haïraient autant les Etats-Unis. En réalité, l’appui des administrations Carter et Reagan aux islamistes ancêtres d’Al-Qaïda et Talibans en Afghanistan sous la Guerre froide contre la Russie, puis depuis les années 1990 les guerres irresponsables menées par les très islamiquement corrects Bush Père, Clinton, Bush fils et Obama en Irak, Afghanistan, Somalie et Libye, ont plus fait pour radicaliser le monde musulman contre nous que les propos insignifiants de quelques célébrités populistes ou auteurs "islamophobes"...

Malik Bezouh : C'est une question fondamentale qui engage l'avenir des rapports entre l'Orient musulman et l'Occident sécularisé. Il appartient à ceux qui sont amenés à prendre en main la destinée des grandes nations occidentales de faire preuve d'intelligence. C'est vrai aussi pour les responsables des grands pays de l'Orient musulman. Aujourd'hui, force est de constater que les préjugés ultra-réducteurs créent un biais dans la façon dont les uns et les autres perçoivent l'altérité. Nous devons d'une part dépasser nos visions caricaturales et d'autre part traiter avec pédagogie les difficultés. Elles sont nombreuses, il est vrai. Le plus grand risque serait d'abandonner ces questions fondamentales aux populistes et autres démagogues. L'illustre général de Gaulle avait dit : "Vers l'Orient compliqué, je partais avec des idées simples". Le drame avec Trump, c'est que ce dernier ignore jusqu'à l'existence même de cette complexité...

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