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Quand la France dégringole dans le classement des partenaires commerciaux de l’Allemagne au profit des Etats Unis : Berlin a-t-elle encore besoin de l’Europe ?
©Reuters

Fin d'une époque ?

Au cours de l'année 2015, l'Allemagne a vu sa balance commerciale progresser de plus de 30 milliards d'euros pour atteindre un record absolu de 247 milliards. Mais derrière cette forte hausse se cache une forte disparité concernant les partenaires économiques du pays, dont la dépendance à l'égard de la zone euro est de moins en moins prononcée.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Atlantico : Selon l'office national de statistiques Destatis, la France a perdu sa place de premier partenaire commercial de l'Allemagne, et ce, au profit des Etats Unis. L'économie allemande est-elle en voie de pouvoir s'affranchir de l'économie européenne ?

Nicolas Goetzmann : Les échanges commerciaux entre l'Allemagne et la France sont restés stables au cours de cette dernière année, soit une progression de 0.4% pour atteindre 170 milliards d'euros. La France n'est donc pas reléguée au deuxième rang des partenaires commerciaux de l'Allemagne en raison d'un décrochage, mais en raison de la spectaculaire hausse du commerce entre l'Allemagne et Etats Unis. Entre 2014 et 2015, les échanges entre les deux pays ont progressé de 20%. Les exportations vers les Etats Unis se sont accrues de 18 milliards d'euros, alors que les importations vers l'Allemagne ont progressé de 11 milliards, pour en arriver à une balance commerciale favorable à l'Allemagne de 54 milliards d'euros. Il est également à noter que les relations commerciales entre Allemagne et Royaume Uni se sont révélées favorables à Berlin, avec une balance excédentaire qui s'affiche à 51 milliards d'euros pour cette année 2015, soit 10 milliards de plus qu'en 2014.

Concernant l'affranchissement européen de l'Allemagne, la problématique est double. D'un point de vue "stock", la balance commerciale allemande reste très largement excédentaire vis-à-vis de la zone euro ; les échanges avec la France, l'Italie, l'Espagne, l'Autriche, le Luxembourg, le Portugal, et la Grèce permettent en effet à Berlin d'engranger 90 milliards d'excédents. Au sein de la zone euro, seuls les Pays bas, l'Irlande et la Slovaquie sont capables de présenter un bilan favorable vis-à-vis de l'Allemagne, mais pour un montant total de 15 milliards d'euros. La balance commerciale allemande reste donc très largement dépendante de la zone euro. Mais c'est là où le second point intervient, car c'est la croissance des échanges commerciaux entre Allemagne et zone euro qui est décevante. La forte progression de l'excédent allemand au cours de ces dernières années doit tout à ses relations extra zone-euro. Si l'Allemagne ne compte plus sur ses voisins pour la croissance de ses exportations, elle va tout de même chercher à conserver son avantage européen.  

Comment expliquer la croissance du commerce américano-allemand et germano-britannique au cours de ces dernières années ? Comment l'Allemagne parvient-elle à de tels résultats ?

Deux facteurs permettent d'expliquer ce phénomène. En premier lieu, au cours des deux dernières années, l'euro a chuté de 20% par rapport au dollar, ce qui a entraîné une plus grande attractivité des produits européens pour les Etats Unis. Puis, en second lieu, les Etats Unis et le Royaume Uni ont tous deux mis en place des politiques de soutien de leurs économies, ce qui a permis de voir leurs croissances respectives atteindre des niveaux très satisfaisants ; ils ont ainsi accru leurs dépenses en biens européens. Inversement, les Européens ont été plus que timides en termes de relance, ce qui a provoqué une plus faible progression des importations en provenance des Etats Unis, tout comme du Royaume Uni. La situation avec Londres est édifiante à ce titre. Entre 2012 et 2015, les importations en provenance du Royaume Uni et à destination de l'Allemagne ont baissé de 12%. A l'inverse, les exportations ont suivi une hausse de 23%. L'Allemagne continue d'appliquer son modèle habituel, qui repose sur une faible consommation et une large production, ce qui conduit le pays à exporter ce qu'il ne peut absorber seul. Si certains y voient un exemple, il est plus logique d'y voir un pays en état de sous consommation. Avec un tel modèle, il ne faut pas trop s'étonner de voir la croissance de la zone euro stagner depuis 2008.

Inversement, la balance commerciale allemande a fortement chuté vis-à-vis de la Chine. Au-delà des Etats Unis et du Royaume Uni, quels sont les relais de croissance des exportations allemandes ?

Le ralentissement de la croissance chinoise pèse lourdement dans les chiffres allemands. Les exportations à destination de la Chine ont chuté de 4% en 2015, alors que les importations ont progressé de 15%. Si l'Allemagne affichait une balance commerciale déficitaire de 5 milliards d'euros avec la Chine en 2014, le chiffre atteint 20 milliards pour 2015. L'Allemagne peut donc remercier les Etats Unis et le Royaume Uni d'avoir plus qu'absorber le trou qui était en train de se creuser avec le partenaire chinois. Mais cela devrait être un sérieux avertissement pour l'Allemagne. Car les Etats Unis et le Royaume Uni représentent à eux seuls 66% de la croissance des excédents allemands au cours de la dernière année. Si l'Allemagne veut éviter d'être trop largement dépendante vis-à-vis de ses partenaires, c'est un changement de modèle qui s'impose, en se dirigeant vers une économie tournée vers son marché intérieur. En termes de marchés potentiels pour l'Allemagne, les Européens sont déjà saturés, la Chine a basculé, et les Etats Unis ne vont pas pouvoir absorber indéfiniment les excédents allemands. L'économie allemande repose à 50% sur ses exportations, ce qui la rend particulièrement vulnérable aux à-coups du contexte mondial.

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