Bloomberg président des Etats-Unis ? L’improbable hypothèse de la victoire d’un candidat hybride, issu de l’élite politique mais non aligné<!-- --> | Atlantico.fr
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Comme Bloomberg est un centriste, il prendrait des voix à la fois aux Républicains et aux Démocrates.
Comme Bloomberg est un centriste, il prendrait des voix à la fois aux Républicains et aux Démocrates.
©Reuters

J’ai fait un rêve...

Les rumeurs vont bon train outre-Atlantique au sujet d'une candidature potentielle de l’ancien maire de New York, Michael Bloomberg. Une ambition présidentielle qui ne semble plus si crédible au regard des derniers résultats des primaires. Le temps jouerait aussi contre le milliardaire.

Anne Deysine

Anne Deysine

Anne Deysine est juriste (Paris II) et américaniste. Spécialiste des questions politiques et juridiques aux Etats-Unis, elle est professeur à l'université Paris-Ouest Nanterre. Enseignant aussi à l'étranger, elle intervient régulièrement sur les ondes d'Europe 1, RFI, France 24, LCI... Auteur de plusieurs ouvrages, dont "La Cour suprême des Etats-Unis" aux éditions Dalloz, ses travaux sont consultables sur son site Internet : deysine.com.

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En quoi l'hypothèse d'une candidature de l’ancien maire de New York, Michael Bloomberg, est-elle crédible ? Quelles conditions permettraient la confirmation de cette hypothèse ? Alors que les pronostics ont invariablement sous estimé les candidatures de Trump et Sanders, que penser du potentiel de Michael Bloomberg ?

Anne Deysine : Je n’y crois pas tellement. L’une des conditions à la candidature de Bloomberg aurait été que Bernie Sanders soit le candidat démocrate. Or, on est bien parti pour que ce soit Hillary Clinton. A partir du moment où Sanders a largement perdu en Caroline du Sud (50 points d’écart), cela implique qu’il va perdre de beaucoup dans les six Etats du sud. Il gagnera surement quelques délégués. Il gagnera le Vermont, il gagnera peut-être le Colorado, le Minnesota et le Michigan mais cela ne lui donnera pas un nombre suffisant de délégués, d’autant plus que la grande majorité des super délégués - 700 environ - qui ne sont pas élus pendant les caucus ou les primaires(mais voteront lors de la convention du parti démocrate), sont presque tous rangés derrière Hillary Clinton. A partir du moment où l’on sait - et des personnalités de son entourage m’ont confié être assez sereines à ce sujet - qu’Hillary Clinton va obtenir l’investiture démocrate, Bloomberg ne devrait pas se lancer.

Je n’ai pas non plus le sentiment que Bloomberg soit très motivé. Il devrait se lancer dans une véritable course pour s'inscrire dans chacun des Etats. Or, la date limite c’est mars, c’est un parcours du combattant ! Le fait qu’il ait tant attendu laisse penser qu’il ne se lancera pas. 

On ne peut pas se baser sur des hypothèses mais même si il y avait un miracle, et si Sanders était investi, on ne le saurait que dans quinze jours ou trois semaines et ce serait trop tard ensuite. 

Bloomberg l'a probablement sérieusement envisagé il y a un mois mais c’est fini maintenant.

Bloomberg étant à la fois issu du sérail politique (crédibilité "système") et non-aligné (crédibilité "antisystème"), quels risques ferait peser sa candidature, aussi bien sur le camp démocrate que sur le camp républicain ?

Comme Bloomberg est un centriste, il prendrait des voix à la fois aux Républicains et aux Démocrates. J’ignore si Trump et Bloomberg ont des relations. Par exemple, Forbes connaît bien Trump et il en a une vision beaucoup moins négative que celle que nous avons en France. 

Les Républicains pourraient avoir une réaction de rejet face à l'arrivée d'un nouveau candidat milliardaire. Quant aux Démocrates, il est possible qu'ils ne voient pas l'intérêt d'une candidature de Bloomberg dans la mesure où ses idées centristes sont proches de celles d’Hillary Clinton. ll n’a pas vraiment de créneau.

Bloomberg doit probablement considérer qu'il s'agit d'une élection exceptionnelle et inédite. Cela fait six mois qu’on dit que Trump va exploser en vol ! Or, maintenant, on est pratiquement assuré qu'il va obtenir l’investiture républicaine. Que fait l’establishment républicain ? Une partie résiste encore à coup de publicités indirectes négatives. Une autre est en train de se rallier. Le premier à avoir soutenu Trump est Chris Christie, un très bon procureur général, un bon gouverneur, pas très sympathique, mais compétent. C’est rassurant pour les électeurs américains de savoir que Trump sait s’entourer et obtenir des ralliements d’hommes politiques classiques capables de prendre les rênes du pouvoir. En cas de victoire, Trump devra bien nommer un secretary of state (équivalent du ministre des Affaires étrangères), une personne au Trésor, en résumé des personnes compétentes à la tête des ministères clés !

Quels sont les forces et les faiblesses de Michael Bloomberg ? Qu'apporterait-il par rapport aux candidatures actuelles ? 

Tous les candidats ont de l’argent, sont mégalos et se disent qu’ils peuvent sauver la planète. Ce qui est intéressant chez Trump, c’est qu'il est allé au bout de son rêve mégalo : il est candidat et en plus ça marche. Bloomberg doit se dire que contre Trump, il n’a pas tellement d’atouts. Il n’aura pas le bagout, le sans-gêne de Trump etc.

Il est vraiment très peu probable que Bloomberg se présente. C’est un cirque d’enfer une élection. Il n’aura plus de vie pendant les dix mois qui viennent. Il va dépenser beaucoup de son argent personnel. Il a ce qu’il faut mais je ne suis pas certaine que cela vaille la peine.

Que fera-t-il de plus ? Trump nous paraît fou, débile mais c’est quand même un homme qui a gagné beaucoup d’argent et qui est capable de rassurer une grande partie de l’électorat sur la grandeur de l’Amérique. On peut le regretter mais c’est un animal politique à l'inverse de Bloomberg.

Le fonctionnement des élections américaines favorise-t-il une candidature indépendante de tout parti ? Un candidat indépendant n’est-il pas plus à même de gagner une élection américaine qui appelle près de 125 millions de personnes aux urnes, dont une majorité est silencieuse, non militante, et n’a pas participé aux primaires ?    

Le système du bipartisme n’est pas favorable à une élection de Bloomberg. Il y a eu très peu d’exemples où un candidat non aligné l’a emporté. La présence d’un autre candidat, comme en 1992 avec le cas de Ross Perot (en plus de Bill Clinton et de Georges H.W. Bush), déséquilibre ou rééquilibre les forces en présence. Cela avait permis à Clinton de gagner.

Il obtiendrait hypothétiquement l’investiture d’un parti indépendant avec très peu de scrutins. Les Américains sont lassés par les publicités et les élections. On ne parle que de ça. Le jour du caucus de l’Iowa, les journalistes étaient tout excités, ils frétillaient et s'exclamaient "happy caucus day !" . Bloomberg doit prendre cela en considération. Si il se lançait, il devrait matraquer les médias pour rattraper son retard, une telle offensive serait contre productive face au ras-le-bol de la population américaine.

Propos recueillis par Victor Bertin

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