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Etrange semaine : la gauche fracassée, les agriculteurs en colère et le fiasco financier d'Areva dont personne n'ose parler… L'opinion est écœurée, il y a de quoi …
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L'édito de Jean-Marc Sylvestre

La semaine a encore été chahutée. Martine Aubry a piqué une crise, les agriculteurs attendent François Hollande et, cerise sur le gâteau, on a découvert qu'Areva allait virer au scandale d'état.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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L'opinion publique est découragée par la classe politique et il y a de quoi ! La semaine a été terrifiante.

Elle aurait pu être calme, le président avait pris des vacances d'hiver en voyageant au soleil de l'hémisphère sud. Les ministres auraient pu en profiter pour décompresser un peu. Accompagner leurs enfants à la montagne par exemple. Eh bien non, ils se sont déchaînés. Les intérêts personnels et les égos se sont bousculés aux portes des médias.  

Pendant tout ce temps, le monde des affaires a ouvert la saison des résultats financiers dans l'indifférence générale ; alors que globalement les résultats des grandes entreprises sont plutôt bons. Les patrons auraient voulu profiter de cette fenêtre de communication pour faire la pédagogie de leur fonctionnement. On aurait voulu dire chez Peugeot par exemple que le redressement financier était imputable aux efforts faits en interne, mais aussi au dynamisme des marchés étrangers, puis à l'amélioration de la compétitivité, accords de compétitivité avec les syndicats avec le versement  du CICE. On aurait aussi voulu dire que les salariés allaient toucher une prime exceptionnelle de 2000 euros, puis accessoirement que les actionnaires n'allaient pas recevoir de dividendes. On aurait voulu dire les réformes dont l'industrie a besoin, mais chez Peugeot, on craint de ne pas avoir été audible.

La plupart des grandes entreprises françaises sont dans le même cas. Sceptiques quant aux effets des efforts qu'elles font. Inquiètes de voir les marchés français s'étouffer et l'écosystème incapable de se reformer et de s'adapter. Trois affaires, trois exemples de blocage absolu de la société française.

Première affaire très politique celle là, quand Martine Aubry pète un câble et essaie d'assassiner Manuel Valls en direct, elle ne fait rien d'autre que de fracasser la gauche en deux.  Le réquisitoire de Martine Aubry (co-signé par un échantillon assez peu homogène de politiciens et d'intellectuels en mal de prébendes), s'est évidemment retourné contre son auteur. Il était trop violent, trop personnel et surtout il ne débouchait sur rien d'autre que sur une tentative d'assassinat politique sur la personne de Manuel Valls.

Le monde de l'entreprise est tombé de haut et ne s'est pas remis de ce spectacle lamentable. Pour deux raisons. 

Martine Aubry avait gardé une certaine audience dans le milieu des affaires. Les patrons lui faisaient crédit, en dépit de ses sorties de routes. Bref ils la pensaient solide et responsable, capable de conjuguer une idéologie gauchisante avec les contraintes du marché ou de l'Europe.

Cette semaine le monde des affaires a sifflé le hors jeu. La contribution de Martine Aubry apparaît tellement outrancière sans aucune proposition au débat concernant les conditions de travail, qu'elle s'est décrédibilisée.

Le projet El Khomri n'est pas parfait. Il est bourré de maladresses, de provocations, mais il correspond dans ses grandes lignes à des réformes incontournables que ce pays n'avait jamais eu le courage de lancer. La droite, elle-même, ne l'avait jamais imaginé. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle beaucoup de dirigeants de l'opposition vont la voter.

La seule conséquence forte de la sortie de Martine Aubry aura été de fracasser la gauche française en deux parties et de souligner l'existence d'une gauche très conservatrice qui refuse la mutation imposée par l'évolution du monde.

Deuxième affaire, récurrente celle-ci, la colère des agriculteurs qui s'est transportée ce weekend dans la capitale au sein du salon de l'agriculture. Le salon de l'agriculture va donc accueillir le défilé des politiques et la longue plainte des organisations agricoles. Le président de la République et tous les ministres qui vont se rendre à la porte de Versailles vont se faire bousculer mais ils le savent. La situation des agriculteurs n'est pas bonne. La conjoncture est désordre, l'état n'a pas toujours, pris ses responsabilités, il a chargé les exploitations de contraintes administratives, de normes et de charges qui sont difficiles à supporter. L'Europe n'a pas non plus pris toutes ses responsabilités. En enterrant la PAC, l'Europe n'a pas mis un système de régulation capable d'amortir l'effet des crises conjoncturelles.

Ceci dit, la colère des agriculteurs et le spectacle du salon vont aussi mettre en évidence deux caractéristiques de cette activité dont personne ne veut parler.

La première implique directement les agriculteurs français qui pour la plupart refusent les mutations qui s'imposent à tous. La concurrence internationale a laquelle on n'échappe pas, la compétitivité nécessaire qui pousse à la concentration des exploitations et que les exploitants refusent de gérer.

La deuxième caractéristique implique le consommateur. Un consommateur complètement contradictoire, qui défend les agriculteurs et la beauté de leur métier, mais qui refuse très souvent de payer le juste prix de ce qu'il a acheté. Le consommateur pousse à la baisse des prix, sans savoir que la baisse des prix agricoles dégrade la qualité des produits.

Tout le monde est responsable. L'industrie, la distribution mais aussi et surtout les agriculteurs qui n'interpellent pas assez fort leur vrai client et leur vrai client, c'est le consommateur final.

Aucun politique ne mettra en cause les agriculteurs ou les consommateurs. Trop risqué.

La troisième affaire dont personne ne veut parler, c'est l'affaire Areva. Le champion du nucléaire a encore enregistré plus de 2 milliards de pertes en 2015… La note est tellement salée qu'on a pris 24 heures de retard pour l'annoncer officiellement. Après avoir acté l'an dernier une augmentation de capital de 5 milliards d'euros. L'EDF et l‘Etat français en prendront chacun la moitié à leur compte. Mais quelle ardoise ! C'est grosso modo aussi lourd pour le contribuable français que jadis l'affaire du Crédit Lyonnais. L'affaire du Crédit Lyonnais avait provoqué un véritable scandale d'état. L'affaire Areva est soigneusement étouffée dans les cabinets ministériels.

Alors on sait maintenant pourquoi Areva a perdu autant d'argent. La construction des EPR, Flamanville et la Norvège ont pris du retard et coûtent extrêmement cher. Et puis il y cette mine d'uranium achetée en Afrique à prix d'or et qui s'est révélée stérile ou vide.

Le problème est qu'on n'a pas cerné les responsabilités. On ne veut pas dénoncer les liaisons dangereuses entre l'état et l'entreprise. Entre les amis du pouvoir à la tête de l'entreprise et le pouvoir politique lui-même.

Tout le monde se tait dans un silence coupable. A droite comme à gauche. On a tellement peur de donner des arguments aux anti-nucléaires. On a tellement peur de déstabiliser un système opaque.

Le seul à avoir parlé, c'est le président de l'EDF, Jean Bernard Levy. Lui va devoir régler certaines factures et participer à la restructuration de la filière nucléaire. Il fait le job. En sachant qu'au final c'est l'actionnaire d'EDF qui paiera et l'actionnaire c'est l'état. Si l'état ne paie pas, il faudra que ce soit le client consommateur d'électricité.

L'arbitrage est du ressort du pouvoir politique. Ou on augmente les tarifs, ou on augmente la contribution au capital. Ou on fait appel au consommateur, ou on fait appel au contribuable.

Le pouvoir politique a tendance à se taire pour ne pas prendre ses responsabilités. Une fois de plus. Quel pays !

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