François Hollande trahi par son art de ne rien dire<!-- --> | Atlantico.fr
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La tribune de Hollande dans Libération ressemble à une dissertation un peu trop fade.
La tribune de Hollande dans Libération ressemble à une dissertation un peu trop fade.
©Reuters

Rentrée scolaire

La tribune de François Hollande publiée ce mardi en Une de Libération a suscité de nombreuses réactions. Analyse des termes et expressions employés par le candidat PS.

Gaspard Koenig

Gaspard Koenig

Gaspard Koenig a fondé en 2013 le think-tank libéral GenerationLibre. Il enseigne la philosophie à Sciences Po Paris. Il a travaillé précédemment au cabinet de Christine Lagarde à Bercy, et à la BERD à Londres. Il est l’auteur de romans et d’essais, et apparaît régulièrement dans les médias, notamment à travers ses chroniques dans Les Echos et l’Opinion. 

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C’est sans doute la première fois qu’un article aussi plat fait la Une de Libé. Hollande vante "nos ouvriers, nos techniciens, nos ingénieurs, nos chercheurs, nos savants, nos fonctionnaires parmi les meilleurs du monde". Que ne va-t-il leur parler pour trouver des idées, du style et l’inspiration un peu hybrique qui, pour le meilleur comme pour le pire, n’a jamais fait défaut aux Présidents de la Vème République ? Au lieu de cela, il nous propose une piètre dissertation de deuxième année de Sciences-Po. On sent le candidat qui sue pour ne surtout pas froisser l’examinateur anonyme et qui se demande en regardant sa montre comment il va bien pouvoir remplir les six pages réglementaires sans avoir rien à dire. Puisqu’il nous prend pour un jury de concours grincheux, relisons un peu sa copie.

Le brave candidat utilise consciencieusement les chevilles les plus éculées de la dissertation à la française. Intro : "Posons d’ores et déjà la bonne question"… Évitement inquiet du hors sujet : "ce n’est pas ici le lieu d’analyser…". Exposé du plan : "quatre principes m’inspireront" (et il les énumère !). Subtil usage des adverbes de coordination en tête de paragraphes : "aussi", "enfin"…

Le style ne vaut pas mieux. Si Hollande a un livre de chevet, ce doit être le Dictionnaire des idées reçues de Flaubert. Car sous sa plume, les choix sont "décisifs", la recherche "féconde", les engagements "forts". La vie intellectuelle française "suscite l’admiration des peuples", les générations se transmettent le "flambeau du progrès", et la droite est bien entendu "liée aux puissances de l’argent" … Je passe sur le "rêve français", une formule que même Justin Bieber trouverait trop niaise. Espérons que Hollande recrute vite un nègre, ou nous risquons de subir la campagne la plus ennuyeuse depuis le petit père Queuille (dont Hollande est d’ailleurs le digne héritier en Corrèze).

Soyons clément. Le candidat est peut-être un peu balourd, mais ses idées peuvent être intéressantes. En fait, elles le sont tellement qu’on ne peut s’y opposer. Qui, à part quelques têtes brûlées nietzschéennes, choisit le mensonge contre la "vérité" ? La cruauté contre la "justice" ? Le désespoir contre "l’espérance" ? Le déclin contre le "progrès" ? La guerre civile contre "la paix et la sécurité" ? Et quand Hollande, bien embêté, se trouve forcé de prendre position, c’est pour la nuancer immédiatement. L’Europe, oui, mais non : "réorientée" (vers où ? mystère). La mondialisation, oui, mais non : car il faut "maîtriser notre destin". Dépasser les clivages partisans, oui, mais non : car "la gauche et la droite, ce n’est pas la même chose". Les entrepreneurs, oui, mais les fonctionnaires ? Aussi. Après le "ni, ni" de François Mitterrand, Hollande s’essaye au "et, et". Il ne déplaît à personne. Mais à qui peut-il donc plaire ?

Pourtant, comme tous les candidats trop appliqués, Hollande a laissé passer un formidable lapsus, qui en dit bien plus long sur l’inconscient socialiste que ce fatras de mots vides. Regardons un peu à qui l’auteur s’adresse. C’est à "vous". Du début à la fin, Hollande interpelle directement l’électeur. Sauf à un endroit : lorsqu’il en vient à ceux "issus des classes populaires". Soudain, le "vous" devient "eux". "Je leur parlerai net"… "J’entends leur colère"… Autant dire qu’ "ils" ne sont pas supposés lire Libé. Hollande vous parle à "vous", heureux bobo, qui partagez les mêmes codes surannés, la même langue insipide, les mêmes bonnes intentions fumeuses. "Vous" allez m’aider à ramener les brebis égarées, ces pauvres travailleurs entraînés malgré eux dans les ornières des extrêmes. Rarement un homme politique aura aussi ingénument tourné le dos à ceux qu’il prétend représenter.

Le hasard a voulu que, la veille de la publication de sa tribune, j’aperçoive Hollande dans un restaurant que connaît bien le tout-Paris, le Récamier. Sa spécialité : le soufflé. Voilà un plat qui va encore mieux à Hollande que le “Flanby” auquel Montebourg l’avait jadis comparé. Comme un soufflé, Hollande a démesurément gonflé. Mais plongez votre cuillère : c’est fade et ça ne nourrit pas. Et on attend toujours, au menu des offres politiques actuelles, des idées à se mettre sous la dent.

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