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Projet de loi El-Khomri : la gauche a-t-elle trouvé son iceberg ?
©capture d'écran de The Telegraph

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Une réforme de plus à droite, cela commence à peser sur l'identité du premier parti de gauche. La question des 35h est un jalon supplémentaire qui risque de provoquer de grands remous au Parti Socialiste, et selon les avis, pourrait avoir un rôle déterminant pour la présidentielle.

Claude  Askolovitch

Claude Askolovitch

Claude Askolovitch est journaliste à iTélé.

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Denis  Sieffert

Denis Sieffert

Denis Sieffert est Président, directeur de la publication et directeur de la rédaction de l'hebdomadaire Politis.

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Atlantico : François Hollande et Manuel Valls viennent, à nouveau, de se lancer dans une bataille difficile. Après la loi Macron, après la déchéance de nationalité, en décidant de détricoter les 35h, ils s'attaquent  à un nouveau totem de la gauche. Pourquoi?

Denis Sieffert : Cette loi ne s'inscrit pas dans une logique politique mais dans une logique économique libérale que suit le gouvernement de Manuel Valls depuis le début du quinquennat. Cet alignement vise à renforcer la compétitivité des entreprises françaises. Cette loi se positionne donc sur une ligne très libérale qui heurte violemment les idéaux et les traditions de la gauche. 

Je pense que nous sommes au cœur de la politique du gouvernement qui n'est plus du tout de gauche et vise à satisfaire les appétits du Medef.

Claude Askolovitch : La gauche au pouvoir sort encore une fois la panoplie d'un social libéralisme. C'est une gauche qui décide que pour être de gauche il faut faire, globalement, ce que demande le représentant des entreprises. Rien de nouveau… Ils font cela depuis le début du quinquennat. Comme, en parallèle, la question des primaires pour 2017 n'a pas encore été tranché au sein du PS, les élus de la gauche de la gauche se sentent lésés. Les socialistes reliquats qui croyaient en ce qu'ils disaient auparavant (défense des acquis sociaux notamment) sont en porte à faux avec leur gouvernement.

Le gouvernement menace d'ores et déjà d'utiliser le 49.3 en cas de difficultés. Peuvent-ils espérer emporter cette bataille sans 49.3? Le 49.3, s'il est utilisé, peut-il être voté par la droite?

Denis Sieffert : Nous ne pouvons pas faire de pronostics hasardeux. Ce qui est certain, c'est que le gouvernement aura vent debout le PS,  front de gauche, les communistes et probablement les verts.

Cette histoire des 35 heures s'inscrit dans l'histoire de la gauche, qui a réellement milité pour la réduction du temps de travail depuis 150 ans. Le libéralisme heurte une logique du progrès humain.

La droite pourrait et devrait  d'ailleurs voter cette mesure. Elle s'est toujours revendiquée contre les 35 heures. Cependant, les politiques de droite considèreront peut-être que le gouvernement ne va pas assez loin et qu'il faudrait réellement acter que les 35 heures n'existent plus. Or, ce n'est pas tout à fait le cas -quand bien même le résultat n'en est pas trop éloigné, puisque les tarifs des heures supplémentaires seront drastiquement revus à la baisse. De fait, nous allons vers une suppression des 35 heures. La droite peut malgré tout s'y opposer, sous prétexte que ce n'est pas suffisant mais un certain nombre de parlementaires peuvent néanmoins considérer qu'il s'agit d'un premier pas intéressant.

Cette menace du 49.3 est-elle un nouveau moyen de piéger la droite? De la forcer à se rallier à la gauche comme ce fut le cas lors du vote sur la déchéance? Est-ce une manière de déposséder la droite de son corpus idéologique ?

Denis Sieffert : Ce qui peut être un piège pour la droite, c'est que la gauche du gouvernement fait la politique de la droite et lui vole ainsi ses sujets. Il y a un rapprochement spectaculaire de la politique de cette gauche avec la doctrine économique de la droite traditionnelle et le paysage politique continue à être concurrentiel avec une droite réelle et une gauche fictive. Du point de vue idéologique nous pouvons ainsi parler d'une superposition. Le voilà le piège. Le résultat est donc la conséquence de la droitisation de la politique économique de la gauche au pouvoir.

Pour comprendre le fait que la gauche dépossède la droite de son corpus idéologique, il faut passer par ces analyses économiques et comprendre également les pressions exercées par le MEDEF.

Claude Askolovitch : Le gouvernement poursuit la même séquence observée lors de la loi Macron. Et cela durera aussi longtemps que ce quinquennat durera. Vous aurez toujours une partie des socialistes qui considèrent qu'ils sont totalement trahis par l'équipe au pouvoir, qui, elle, agira toujours dans ce qu'elle pense être l'intérêt de l'économie française.

Est-ce un moyen de créer une rupture définitive avec les frondeurs? Dans quel but? La gauche s'en relèvera-t-elle avant 2017?

Claude Askolovitch : On va globalement vers un statu quo. Le rapport de force peut évoluer mais à la marge. Ce clivage demeurera. Tantôt ils seront 80 à s'opposer à la ligne gouvernementale, tantôt ils seront 20. Mais la ligne dominante du pouvoir de Hollande et de Valls est sociale-libérale. Elle applique avec un peu d'édulcorant le programme du Medef, alors que les socialistes ont été éduqués depuis toujours à penser que le Medef (et non les entreprises) était l'ennemi, en tout cas que ses solutions étaient mauvaises. C'est pourquoi l'on constate ces tensions à gauche depuis le début du quinquennat. Mais ils ne prennent pas un risque particulier dans le sens où ils ne vont pas jusqu'à risquer le renversement du gouvernement. Encore une fois, comme sur la loi Macron, on parle du 49.3. On est donc dans la même logique, celle d'une loi Macron 2.    

Denis Sieffert : La gauche n'a jamais connue une telle situation. Jamais, une gauche de gouvernement n'est allée aussi à droite sur les questions économiques et sociales. Effectivement, cela peut tuer la gauche sociale mais aussi à terme lui libérer un espace très important. Il ne tient qu'à elle désormais de jouer et de convaincre qu'elle est une véritable alternative, et qu'il n'y a pas que l'abstention et la FN. Cela, ce n'est pas gagné. Il s'agit vraiment de l'enjeu des prochains mois.

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