Pourquoi certaines villes raflent la mise en matière de créations d’emplois<!-- --> | Atlantico.fr
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Seattle, ville en situation de déclin au cours des années 1970, a su se transformer en un important centre d’innovations américain, notamment en raison de l’émergence de Microsoft.
Seattle, ville en situation de déclin au cours des années 1970, a su se transformer en un important centre d’innovations américain, notamment en raison de l’émergence de Microsoft.
©wikipédia

Déshabiller Paul pour habiller Pierre

Si la croissance du marché de l’emploi aux Etats-Unis est marquée par une forte dynamique avec la création de 2,7 millions de postes l’an passé, elle est par ailleurs caractérisée par une forte inégalité géographique. Alors que certaines zones disposant des "bons" secteurs industriels créent un maximum d’emplois, d’autres zones sont sinistrées.

Olivier Bouba-Olga

Olivier Bouba-Olga

Olivier Bouba-Olga est professeur des Universités en Aménagement de l'Espace et Urbanisme à la Faculté de Sciences économiques de Poitiers et chargé d'enseignement à Sciences-Po Paris (premier cycle ibéro-américain). 

Il a notamment développé la thématique du « Made in Monde » qu’il oppose régulièrement à celle du Made in France.  

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Atlantico : Est-il possible d’observer le même phénomène d'inégalité géographique en matière d'emploi sur le territoire français ? Si les centres d’innovation américains sont San Francisco, New York, Boston et Austin, quels sont les bassins d’emplois français ?

Olivier Bouba-Olga :Si l'idée est de dire que l'emploi se crée massivement en France dans quelques très grandes villes, je nuancerais fortement ! Quelles que soient les données sur lesquelles j'ai pu travailler, on n'observe pas de lien significatif entre taille des villes et croissance de l'emploi. A titre d'illustration, les aires urbaines françaises de plus de 20 000 habitants qui ont connu la plus forte croissance de l'emploi privé entre 2009 et 2014 sont Arcachon, Figeac, Vitré, Manosque, Vire, Issoire... On trouve aussi deux grandes agglomérations dans la liste des vingt aires les plus dynamiques (Toulouse et Nantes), mais sinon ce sont plutôt des villes moyennes.

Ceci ne signifie pas qu'il n'y a pas d'inégalités territoriales : globalement, la croissance est plus forte sur tout le littoral et dans la partie Sud de la France, ce sont donc moins des villes que de grands ensembles régionaux qui s'en sortent le mieux. A l'inverse, le grand quart Nord Est est sensiblement moins dynamique.

En quoi le niveau d’éducation de la population, et sa répartition hétérogène sur le territoire, peut influer sur ce phénomène ?

Il est clair que le problème économique majeur auquel est confrontée la France est celui du chômage de masse, qui touche particulièrement les personnes peu ou pas qualifiées. L'enjeu d'éducation et de formation est donc essentiel, qu'il s'agisse de formation initiale ou de formation continue. Dans cette perspective, il convient de veiller au maintien d'un bon niveau d'équipement de l'ensemble des régions françaises en offre de formation.

Or, en matière d'enseignement supérieur, la "mode" est plutôt aux discours prônant une concentration dans quelques grands campus, ce qui de mon point de vue serait calamiteux, car on sait que la mobilité géographique est faible en France. Si l'on ferme des antennes universitaires, voire certaines universités, l'objectif de faire monter le niveau général de formation ne pourra pas être atteint...

Comment les politiques publiques doivent-elles réagir à ce type de tendance ? S’agit-il plus d’aider à une meilleure répartition de ces industries sur le territoire, ou à faciliter l’accès aux zones les plus innovantes ?

S'agissant de l'activité publique, compte-tenu encore une fois de la faible mobilité des personnes, je considère que la meilleure stratégie consiste à maintenir un bon équipement des territoires, même si bien sûr il faut veiller à innover en matière d'organisation pour que ce bon niveau d'équipement soit budgétairement tenable.

Pour l'activité privée, sa géographie ne se décrète pas ! Mais la France a une géographie moins inégalitaire que d'autres, même si elle se caractérise par une hypertrophie de la région capitale. Dans mes travaux, je plaide plutôt pour faire du sur-mesure : ne pas chercher à appliquer sur tous les territoires le même modèle de développement, analyser plutôt les contextes territoriaux, identifier les menaces et opportunités qui pèsent sur tel ou tel secteur d'activité et brancher alors les bonnes politiques. Dans certains cas, c'est un enjeu de formation des personnes, dans d'autres de soutien à l'innovation, dans d'autres encore, c'est des problèmes de gestion du foncier auxquels il faut répondre.

Seattle, ville en situation de déclin au cours des années 1970, a su se transformer en un important centre d’innovations américain, notamment en raison de l’émergence de Microsoft.  Comment permettre ce type de transformation ?

Je crois peu à l'idée consistant à focaliser l'effort sur quelques territoires, quelques secteurs d'activité ou quelques entreprises pour une raison évidente liée à la forte incertitude qui pèse sur les activités d'innovation. Comme on ne sait pas où vont naître les pépites de demain, autant encourager l'effort d'innovation partout où on l'observe. Ce type de préconisation a mauvaise presse actuellement, on l'associe trop systématiquement au saupoudrage, ce que je trouve dommage, car c'est sans doute une des caractéristiques majeures de l'économie américaine, qui explique sa réussite indéniable dans certains secteurs très innovants : encourager les initiatives et ne pas stigmatiser ceux qui, inévitablement, vont échouer ; leur donner une nouvelle chance, plutôt.

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