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Déchéance de nationalité, dégressivité des allocations chômage, etc : mais sur quoi compte François Hollande pour convaincre ses électeurs qu’ils sont encore de gauche ?
©Reuters

Corde émotionnelle & camp du Bien

Désertée par les bobos après avoir abandonné l'électorat populaire, la Gauche se contente de revendiquer son pragmatisme, une position largement insuffisante pour susciter l'adhésion et surplomber des électorats bien éloignés.

Virginie Martin

Virginie Martin

Virginie Martin est Docteure en sciences politiques, habilitée à Diriger des Recherches en sciences de gestion, politiste, professeure à KEDGE Business School, co-responsable du comité scientifique de la Revue Politique et Parlementaire.

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Atlantico : Manuel Valls a confirmé ce matin à l’Assemblée l’égalité de tous devant l’exigence républicaine. Déchéance pour tous, dégressivité du chômage… La politique de Hollande et de Valls est plus proche du centre et de la droite. Un sentiment partagé par plus de de 2 Français sur 3 pour qui la politique de Valls et Hollande n’est pas de gauche. L’Électorat de gauche peut-il se contenter de telles mesures ? En quoi cet électorat est dans l'attente d'autre chose, que l'on pourrait qualifier de "romantisme de gauche", qui a notamment pu être incarné par Christiane Taubira, le discours du Bourget etc...

Virginie Martin :La Gauche a perdu son électorat populaire et n’a pas réussi à cristalliser l’électorat que l’on peut qualifier d’électorat "bobo-diversité-LGBT".

Les élections régionales illustrent un phénomène durable : au niveau des CSP les plus populaires (employés, ouvriers, gens au chômage), le FN arrive en tête. Le PS a perdu ses bases dans toute cette frange populaire. Le FN arrive également en tête chez les jeunes tandis que les Républicains sont 1er chez les plus de 65 ans.

La déchéance de nationalité, que je mettrais en contrepoids avec la promesse d’accorder le droit de vote aux étrangers aux élections locales qui n’a pas été tenue, montre qu’au lieu de s’ouvrir vers l’autre, telle que la Gauche aime se définir traditionnellement (accueil, ouverture, mondialisation, altérité), la Gauche fait des propositions de fermeture. Les populations d’origine immigrée des banlieues sont déçues par la déchéance de nationalité et par la concurrence accrue entre les communautés. Une rupture claire se dessine entre d’un côté ces populations d’origine immigrée et de l’autre le gouvernement et la Gauche.

De plus, jusqu’à lors, il restait une belle assise pour la Gauche chez les professions supérieures, les intellectuels, et en termes de statut au niveau du service public. Mais maintenant que Christiane Taubira est partie, les bobos s’en vont. La Gauche des altérités, des diversités n’était pas assez fidèle et a été perdue. On entend souvent "au moins il restera le mariage pour tous". Or, l’analyse du vote des populations homosexuelles masculines montre que les soutiens électoraux vont soit à la gauche, soit à la droite soit au FN. En effet, Marine Le Pen s’est tue sur le mariage gay et l’homosexualité de certains cadres comme Philippot est connue. Il y a ainsi des marqueurs "gay friendly" au FN.

Finalement, quand l’électorat bobo au sens large est perdu et que l’électorat populaire a depuis longtemps déserté les rangs de la Gauche, quel électorat reste-t-il ? On peut vraiment se poser la question.

Dans cette optique, quelles seraient les propositions susceptibles de convaincre un électorat a priori déboussolé ? La Gauche peut-elle gagner sans de telles propositions ?

Que dire aux populations les plus populaires ? Ces populations ont peur de la mondialisation, ne font plus confiance à l’Etat et se sentent en insécurité économique. Les questions de mariage gay, de genre, d’ouverture, de diversité ne séduisent pas ces populations. En effet, sur les questions de société, comme on a pu le voir avec le livre d’Eddy Belle Gueule sur l’interdiction de l’homosexualité dans les milieux populaires, ces populations peuvent être plus fermées qu’on ne peut le penser. Elles attendent des réponses économiques très sérieuses. Les propositions sur la dégressivité des allocations au chômage sont inquiétantes. Quand Manuel Valls adopte une ligne libérale puis s’oppose ensuite aux chauffeurs Uber qui font partie des couches populaires alors qu’il faut justement les séduire, il y a de quoi s’interroger. L’électorat populaire a besoin d’une réponse matérielle. Il faut créer un matérialisme de gauche. Or, je ne vois pas de mesures fortes, symboliques qui pourraient rassurer les franges populaires.

Au niveau de l’électorat bobo, il faut créer un roman, un ré enchantement de gauche. Cet électorat pourrait être séduit de nouveau par une génération Hollande comme il y a eu une génération Mitterand (dépénalisation de l’homosexualité, radios libres, fête de la musique, SOS racisme). En termes sociétaux, l’héritage de Mitterrand est révolutionnaire. Aujourd’hui quel roman de gauche écrit la gauche au pouvoir pour ré enchanter cet électorat ? Le mariage pour tous est d’une banalité crasse dans les autres pays européens, les questions de genre sont vraiment classiques dans les pays d’Europe du Nord, la question des "diverses diversités" est insuffisante. Il fallait raconter une histoire qui n’a pas été racontée et c’est une réalité assumée par le Premier Ministre pour qui la gauche en prise au réel est aux affaires. Mais est ce que la politique quand elle n’est que gestion arrive à susciter l’adhésion ? Le gouvernement et notamment Manuel Valls, n’ont comme story telling que le principe de réalité.  

Malgré tout et c’est malheureux, la Gauche peut gagner parce que les élections c’est de la mécanique. Si Hollande est face à Sarkozy et à Le Pen et si le rejet de Sarkozy continue à être aussi fort, Hollande peut mécaniquement, par défaut être élu. C’est d’ailleurs cela le problème, c’est de savoir que l’on peut être élu mécaniquement.

Finalement, l’électorat bobo est plus facile à "récupérer" que l’électorat populaire ?

Je ne sais pas, je ne voudrais pas caricaturer électorat populaire versus électorat bobo. Je me demande comment la Gauche pourrait surplomber ces électorats, réussir à les transcender pour arriver à créer une société nouvelle, celle qui est dans le digital, dans les frontières ouvertes, dans le Trans humanisme, dans la super technologie.

Si la Gauche prenait en charge ce story telling, elle pourrait rassurer l’électorat populaire et séduire l’électorat bobo. Par ailleurs, compte tenu du pragmatisme de Macron et Valls ; la Gauche pourrait même récupérer des électeurs de centre gauche et même de centre droit.

C’est le défi de la Gauche pour 2017.

Propos recueillis par Emilia Capitaine

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