La Manif Pour Tous a-t-elle définitivement échoué à transformer son succès citoyen en influence politique réelle ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
La Manif Pour Tous a-t-elle définitivement échoué à transformer son succès citoyen en influence politique réelle ?
©Reuters

Et ils sont où ?

La Manif Pour Tous peine à imposer ses revendications aux futurs candidats de la primaire de droite qui, par manque de courage et peur de cliver, ne souhaitent pas abroger la loi Taubira. Le revirement de Nicolas Sarkozy est assez symptomatique. Cette absence de prise de position décontenance les sympathisants de la Manif Pour Tous à tel point que certains songent à reporter leur vote sur le FN.

Ludovine de La Rochère

Ludovine de La Rochère

Ludovine de la Rochère est présidente du Syndicat de la famille (anciennement «la Manif pour tous»).

Voir la bio »

Atlantico : Comment expliquez-vous qu'un mouvement social de contestation aussi important (et d'une ampleur inédite) n'ait pas réussi à peser autrement que de façon anecdotique sur les orientations des programmes politiques ?

Ludovine de la Rochère : Nous avons eu une influence dans la mesure où la proposition de loi autorité parentale et intérêt de l'enfant est en suspens depuis un an et demi et où le projet de loi de Dominique Bertinotti a été retiré le lendemain de notre manifestation.

Du côté de la droite, les futurs candidats à la primaire qui ont déjà défini leurs positions sur la question de la loi Taubira, même si beaucoup ont manifesté, manquent, et c'est malheureux, de courage pour assumer un retour au mariage homme-femme et à la filiation père-mère-enfant. Je pense qu'ils n'ont pas compris qu'il s'agit d'un sujet majeur et qu'ils ont peur de la polémique, peur de cliver, de ne pas être politiquement correct.  De plus, trop souvent, quand la gauche fait passer une loi importante, la droite n'ose pas toucher au sujet et la réviser. On le voit également dans le domaine économique, je pense par exemple aux 35h.

Cela étant dit, je sais que certains candidats réfléchissent encore et consultent à ce sujet. Ainsi, pour le moment, François Fillon n'a pas pris position publiquement. Tout n'est donc pas plié, loin s'en faut. Par ailleurs, le parti Les Républicains en tant que tel n'a pas encore pris position.

Certains leaders de droite n'ont pas compris que la loi Taubira est un marqueur et que leurs positions sont attendues. Au-delà de la loi Taubira elle-même, leur position sera un marqueur de leur crédibilité et de leur cohérence. Ils ont intérêt à prendre ce sujet au sérieux et à s'y intéresser vraiment. Je pense notamment à Nicolas Sarkozy qui ne semble pas avoir compris tous les tenants et les aboutissants de cette loi. Son revirement est impressionnant parce que, en ne tenant pas ses promesses sur un sujet fondamental, il nuit à la crédibilité de la parole politique. Alain Juppé a fait de même au sujet de l'adoption.

Après la promulgation de la loi Taubira, quelle stratégie d'influence a été développée par la Manif pour tous auprès (et au sein) des partis politiques ? Quel bilan en dressez-vous aujourd'hui ?

Je ne vais pas tout vous dévoiler, mais je peux vous dire que l'on rencontre beaucoup de personnalités politiques. On leur fait part de ce que l'on souhaite pour la famille au sens large et bien-sûr, tout particulièrement pour le respect de l'altérité sexuelle, de la filiation père-mère-enfant et de l'intérêt supérieur de l'enfant. Durant la campagne pour les régionales, nous avons organisé des meetings dans quasiment toutes les capitales des nouvelles régions, auxquels nous avons convié tous les candidats têtes de liste et, sauf deux exceptions, ceux de droite sont tous venus à nos meetings. Au cours de ces meetings, des personnalités comme Laurent Wauquiez, Bruno Retailleau ou encore Marion Maréchal-Le Pen et Nicolas Bay ont exprimé des positions très fermes et très explicites. Enfin, nous prévoyons des actions en prévision des présidentielles et des législatives de 2017 afin de nous faire entendre des futurs candidats.

Depuis une dizaine d'années, la famille est la grande oubliée des projets et des prises de parole. Alors, bien évidemment, ça ne peut pas changer du jour au lendemain. Mais nous sommes convaincus qu'en agissant avec persévérance et détermination, nous parviendrons à nous faire entendre.

Finalement, seule Marine Le Pen a clairement déclaré vouloir revenir sur la loi Taubira. Avez-vous des éléments sur les intentions de vote des sympathisants et membres de la Manif pour tous ? Pensez-vous que leur vote va naturellement se reporter sur le FN ?

D'autres y réfléchissent aussi… D'ailleurs, quand on regarde les propos de Laurent Wauquiez ou même de Xavier Bertrand, qui ont une influence au niveau national, on voit qu'ils assument de souhaiter l'abrogation de la loi Taubira.

Il est trop tôt pour se prononcer sur les intentions de vote des sympathisants de la Manif pour tous. Pour le moment, de nombreux sympathisants se demandent pour qui voter. Certains se sentent proches de Marion Maréchal-Le Pen, d'autres sont attachés aux Républicains mais considèrent qu'ils ont été trahis par Nicolas Sarkozy. Pour le moment, ils sont donc très perplexes. Aux Républicains d'en tirer les conclusions.

Nicolas Sarkozy a nommé Catherine Giner, élue marseillaise proche de Sens commun, au poste de déléguée nationale à la famille des Républicains. Après la polémique sur son renoncement à abroger la loi Taubira, souhaitait-il selon vous donner des gages aux partisans de la Manif pour tous à travers cette nomination ? Si oui, lesquels ? Et dans quelle mesure les jugez-vous crédibles ?

Nicolas Sarkozy veut montrer une ouverture sur la question de la famille mais, pour le moment, on peut craindre qu'il ne s'agisse que d'une action de communication. Nous verrons. Et nous verrons aussi ce qu'il va dire sur la PMA et la GPA dont il ne parle même pas dans son livre. En outre, il dit qu'il ne touchera pas à la loi Taubira alors même que l'adoption - dont il ne dit pas un mot - fait partie de la loi Taubira. Il a donc totalement évacué les enjeux majeurs du sujet. Il est incompréhensible qu'il renonce ainsi à protéger l'enfant et la filiation. 

Toutefois, ce que dit Nicolas Sarkozy à titre personnel n'est pas ce que dit le parti, dont la position n'a pas encore été rendue publique sur ces enjeux. J'ai personnellement signalé à Nicolas Sarkozy que quoi qu'il arrive, la Manif pour tous poursuivra son action, quelle que soit la majorité de demain, si rien ne change.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !