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Les catholiques et l'islam : le défi français
©Reuters

Bonnes feuilles

Paul-François Paoli rappelle que la question de l'identité de la France, marquée par la tradition chrétienne et l'héritage gréco-romain, et celle de sa souveraineté sont liées. S'il existe un peuple français, celui-ci a des droits historiques sur la France, laquelle n'est pas qu'une idée mais une terre et un pays. C'est cette réalité que certaines élites occultent alors qu'elles reconnaissent ce principe pour d'autres pays. Extraits de "Quand la gauche agonise - La république des bons sentiments" de Paul-François Paoli, aux éditions du Rocher 2/2

Paul-François Paoli

Paul-François Paoli

Paul-François Paoli est l'auteur de nombreux essais, dont Malaise de l'Occident : vers une révolution conservatrice ? (Pierre-Guillaume de Roux, 2014), Pour en finir avec l'idéologie antiraciste (2012) et Quand la gauche agonise (2016). En 2023, il a publié Une histoire de la Corse française (Tallandier). 

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On aura remarqué l'importance de Nietzsche dans la conversion de l'anti héros de "Soumission" à l'islam. Si Nietzsche manifestera, en effet, une certaine prédilection pour des traditions non occidentales, telles l'hindouisme ou l'islam, c'est entre autres raisons, que ces traditions ont échappé à la consécration de l'individu démocratique qui est le propre de l'Occident. En Islam, Dieu seul est, et face à lui nous sommes très peu de chose. Dans la tradition bouddhiste, le moi n'a ni consistance, ni permanence. Dans l'hindouisme, il est une illusion relative. Son centre, qui est impersonnel, doit, en se libérant du corps, rejoindre ce que les Hindouistes appellent l'Atman : le principe spirituel universel dont nous dépendons.*(Voir L'Hindouisme, Anthropologie d'une civilisation de Madeleine Biardeau, Flammarion, Champs essais, 1995). Une certaine tradition chrétienne elle-même fustige le moi, si "haïssable", au dire de Pascal. Pourquoi haïssable ? Parce que se manifeste en lui un incroyable contraste entre sa volonté pathétique d'exister et de tyranniser autrui et son insignifiance face à l'Infini. Cependant la tradition chrétienne consacre la personne, entité dont l'âme et le corps sont indissociables, ce qui explique la sanctification de la chair chez les chrétiens, qui doit être sauvée, puisque nous sommes appelés à ressusciter corps et âme, l'un étant indissociable de l'autre. La personne est en relation avec Dieu et avec les autres, quand le  Moi, tout à la fois suffisant et insuffisant, est auto centré. Autrement dit, nous ne sommes vraiment des personnes accomplies, dans le christianisme, qu'à condition que notre Moi soit conscient d'une altérité fondamentale. Laquelle est intérieure puisque Dieu se trouve à l'intérieur de nous, sans cesser d'être extérieure puisque Dieu c'est aussi, et d'abord, les autres.

Ce qui nous intéresse ici est de comparer les rationalités des diverses propositions, notamment islamiques et chrétiennes. Il nous semble absurde, par exemple, de ne pas tenter de comprendre la rationalité, fut-elle monstrueuse, de l'islamisme extrême. L'horreur suscitée par les décapitations barbares des tueurs de l'armée islamique (El) ne doit pas nous faire oublier que, durant la grande terreur en France, ce sont des milliers de têtes d'hommes et de femmes qui, en plein Paris, place de la Concorde, sont tombées au nom de la Déesse Raison. On méconnaît l'islam en voulant, à tout prix, le réduire à ce que nous sommes. En islam, la dignité humaine consiste avant tout à acquiescer à la Loi et c'est pourquoi la jérémiade occidentale sur la dignité de l'homme est inaudible pour moult musulman. Il faut ici créditer l'islam d'une certaine logique. Qu'est ce qui constitue la dignité d'un individu au juste ? Est-elle intrinsèque, comme le croient les humanistes, ou extrinsèque, dépendante d'une relation  au monde ou d'une transcendance ?  Si ce qui meurt quand nous mourrons n'est que nous, à quoi bon dramatiser autant notre disparition, se demandait Schopenhauer ? La mort est, pour le musulman, un passage vers l'autre monde. En dehors du salut qui l'attend s'il a été un bon musulman, elle n'a guère plus de sens que celle d'un animal. La vraie vie commence après la mort où le croyant qui a vécu dignement, en respectant les principes de l'islam, connaît la consécration. Mais n'en est-il pas de même chez les chrétiens ?

Il faut ici bien sûr faire un aparté sur les événements du 7 janvier qui ont frappé la France de stupeur. Au-delà de leur horreur, ces événements doivent nous ouvrir les yeux sur ce qui constitue le nœud de l'illusion multiculturelle à laquelle la France a  cédé  dans les années 80, se conformant ainsi au modèle anglo saxon. Les plus grands désastres politiques proviennent souvent de leur caractère impensé. Le multiculturalisme n'a pas été pensé, mais imposé par les élites médiatiques, comme une sorte d'évidence naturelle. Le sésame de cette conception a un nom, celui du "vivre ensemble", doux euphémisme qui veut dire qu'il faut accepter des modes de vie qui nous sont étrangers et que nous réprouvons parfois. Cette idéologie s'est insinuée à droite, à l'époque où Sarkozy expliquait qu'il fallait accepter le principe communautaire religieux, mais elle était naturelle à une gauche qui avait fait son deuil de l'assimilation républicaine. Elle concerne aussi certains catholiques. Par exemple, dans un livre récent consacré à la globalisation, Andréa Rancardi, le président de la communauté de Sant'Egidio, organisation internationale catholique qui agit pour la paix dans le monde, notamment au Moyen-Orient écrit qu'il faut accepter le défi du multiculturalisme*(Cahier de l'Herne,la globalisation une question spirituelle, 2014). Une tendance qui va à l’encontre du discours gallican du Cardinal Lustiger qui a toujours affirmé qu’il fallait faire des musulmans installés en France des Français à part entière.

Arrêtons-nous un instant sur ce que signifie, en effet, la notion de multiculturalisme. Celle-ci ne signifie nullement la tolérance due aux minorités mais un rapport de parité entre minorités étrangères au pays d'accueil qui induit une négation de la souveraineté politique du peuple français au profit d'un principe vague de tolérance. Le multiculturalisme n'est pas né par hasard dans des pays de colonisation, au Canada ou aux États unis, pays peuplés par des immigrants ou le rapport de parité entre nouveaux arrivants et autochtones est pensable, puisqu'il n'y a pas de peuple autochtone. En France ce principe paritaire entre les citoyens français, y compris d'origine étrangère et les nouveaux venus des pays d'Afrique ou d'Asie va à l'encontre du principe républicain qui ne connaît que des individus. Une nation peut assimiler, c’est-à-dire acculturer, mot à notre avis préférable, des individus d'où qu'ils viennent si ceux-ci le désirent. Elle ne peut acculturer des groupes qui revendiquent leur identité culturelle spécifique. Elle ne peut que les intégrer en attribuant des droits sociaux et politiques à des gens qui vont en user, sans se sentir français pour autant. Pourquoi un musulman qui pense que l'Islam s'autosuffit se sentirait-il français ou italien ou anglais, puisque, pour lui, les nations sont superflues et ce contrairement à la doctrine traditionnelle de l'Eglise catholique que Jean Paul II rappellera ?

Il eut fallu pour maintenir la légitimité du principe républicain affirmer deux principes qui invalident le multiculturalisme inavoué des élites.

Premier principe la France est un pays laïc où l'espace public n'est pas un territoire à conquérir. Par exemple par ceux qui occupent les rues en y mettant des tapis de prière, ainsi à Marseille, ou qui utilisent les vestiaires sportifs à cet effet.

Deuxième principe : la France n'est pas un pays sans passé historique, ce n'est pas une aérogare. La France, n'en déplaise à Edwy Peynel, est un pays marqué culturellement par le catholicisme, puisque les baptisés dans le cadre de cette religion y restent majoritaires, même s'ils sont non  pratiquants. Enfin la France est un pays où les autres religions et traditions, le judaïsme et le protestantisme notamment, y sont des réalités historiques séculaires et non des cultures importées. Il faut être aussi buté qu'un fondamentaliste laïc pour mettre à parité le catholicisme, le judaïsme et le protestantisme qui sont des traditions inhérentes à l'histoire de ce pays et une religion, l'islam, importée par le phénomène inédit que constitue l'immigration de masse.

Et c'est ici que nous en venons à notre 3e point : les laïcistes qui stipulent que l'islam est une religion comme une autre en France et qu'elle doit se fondre dans le décor, ne comprennent pas que le décor est vide car la France est un pays déculturé, dont l'identité est finalement problématique ou réduit à des valeurs républicaines incantatoires. Aujourd’hui ces gens se retrouvent en vis-à-vis face à des musulmans à qui ils demandent l'impossible : soyez comme nous, soyez laïcs, soyez républicains ! Immigrationnistes depuis toujours ils demandent aux musulmans de s'adapter aux "Lumières" dont ils s'imaginent être les brillants parangons. Et ainsi mettent-ils les musulmans dans une situation impossible ; leur ressembler ou devenir suspects.

Extraits de "Quand la gauche agonise - La république des bons sentiments" de Paul-François Paoli, publié aux éditions du Rocher, 2016. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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