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Obama perdra-t-il l'Irak comme Carter avait perdu l'Iran ?
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Trans-Amérique Express

Nouveau rendez-vous Atlantico : tous les mercredi, Gérald Olivier livre sa chronique sur l'actualité américaine. Cette semaine, l'erreur stratégique de Barack Obama concernant le retrait des troupes américaines d'Irak.

Gérald Olivier

Gérald Olivier

Gérald Olivier est journaliste et  partage sa vie entre la France et les États-Unis. Titulaire d’un Master of Arts en Histoire américaine de l’Université de Californie, il a été le correspondant du groupe Valmonde sur la côte ouest dans les années 1990, avant de rentrer en France pour occuper le poste de rédacteur en chef au mensuel Le Spectacle du Monde. Il est aujourd'hui consultant en communications et médias et se consacre à son blog « France-Amérique »

Il est aussi chercheur associé à  l'IPSE, Institut Prospective et Sécurité en Europe.

Il est l'auteur de "Mitt Romney ou le renouveau du mythe américain", paru chez Picollec on Octobre 2012 et "Cover Up, l'Amérique, le Clan Biden et l'Etat profond" aux éditions Konfident.

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En 1979 le président Carter avait « perdu l’Iran ». Le monde entier paye encore  le prix de son aveuglement. Dira-t-on demain d’Obama qu’il a « perdu l’Irak » ?

Le retrait des troupes américaines d’Irak,  qu’il a ordonné et qui s’est achevé le 18 décembre, constitue une erreur stratégique. Il est trop vaste (seules demeurent les troupes affectées à la protection de l’ambassade américaine de Bagdad),  trop précipité (il s’est achevé dans la plus totale discrétion treize jours avant la date butoir), et arrive trop tôt.  

L’Irak n’est pas « stabilisé ». Le travail est inachevé. Le départ des Américains laisse un vide sécuritaire qui a relancé les violences sectaires.  Les attentats ont repris. Une crise politique majeure a éclaté. La décision d’Obama fait le jeu de l’Iran, désormais seul sur le terrain. Elle va à l’encontre des  intérêts stratégiques américains. Ancien commandant en chef des forces américaines en Irak, le général en retraire John  M. Keane,  la qualifie de  « désastre absolu ».

Pour Obama, il s’agissait d’abord de tenir une promesse de campagne. En 2008 il avait repris, en substance,  le discours suivant : « L’ennemi de l’Amérique est Al Qaida. Ses combattants sont repliés en Afghanistan et au Pakistan. C’est là qu’il faut  combattre. Pas à Bagdad.  Si je suis élu, je retirerai   les GI’s d’Irak... »

Mais ce discours ne peut plus tenir en 2011.

Ben Laden a été tué au mois de mai. L’Amérique est vengée. Al Qaida est décapitée. Pourtant les Américains sont toujours à la tête d’une vaste coalition internationale en Afghanistan,  pays enclavé, peuplé de guerriers hostiles à toute présence étrangère et force civilisatrice, dont les richesses minérales et réserves d’énergies fossiles sont limitées et inexploitées.

En revanche, le Moyen Orient est en ébullition. Islamistes et libéraux renversent un à un les régimes autoritaires de la région, tandis que l’Iran instrumentalise les populations chiites pour étendre son influence.

L’Irak occupe une position centrale dans cette région. Pays d’Abraham, de Babylone et du roi Fayçal 1er, il possède une légitimité historique à en être le phare. Il recouvre les quatrièmes réserves de pétroles du monde (115 milliards de barils), et en produit 2,5 millions de barils/jours, l’essentiel destiné à l’exportation. Son  potentiel de développement est énorme et, après trente ans de conflits, tout est à reconstruire. Or il dispose désormais, grâce aux Américains, du cadre institutionnel démocratique susceptible de favoriser ce développement.

L’Irak est le pays clé d’une région hautement stratégique. La présence américaine était la garantie de sa sécurité et de son unité. Quitter ce pays aujourd’hui c’est libérer ses forces centrifuges, et déserter un théâtre où l’expertise, l’organisation et l’aura des Américains sont essentiels. Incidemment c’est prendre le risque de  rendre le sacrifice des  GIs inutile.

Car il y a bien eu sacrifice et, pour l’heure, il n’a pas été vain. 1,5 millions d’Américains ont servi en Irak. 30 000 en sont revenus blessés. 4 500 y sont morts. Le coût financier du conflit pour les Etats-Unis est estimé à plus de mille milliards de dollars.

Mais l’Irak de 2012 ne ressemble plus à celui de 2003. Il a connu deux cycles d’élections libres (2005 et 2010). Les partis politiques sont autorisés. Il possède un parlement, un premier ministre issu des urnes et un président élu. La presse est libre et florissante, les écoles sont mixtes. A l’heure du "printemps arabe", l’Iraq a déjà connu sa révolution.

Son économie aussi s’est libérée. Il existe trente cinq mille entreprises en Irak, contre moins de cinq mille sous Saddam. Sept millions de personnes ont un téléphone portable, alors qu’en 2003 le téléphone fixe comptait moins d’un million d’abonnés. Les étals sont pleins et le  pays recherche des partenaires internationaux, alors qu’il était avant sous embargo.

Mais ces avancées sont fragiles. L’Irak rassemble trois communautés qui ne cessent de se déchirer: Kurdes au nord (20% de la population), sunnites au centre (20%) et chiites au centre et au sud (60%). Les kurdes ont gagné leur autonomie, les sunnites demandent la leur, tandis que les chiites, opprimés sous Saddam, prennent leur revanche.

Il existait une quatrième communauté, les chrétiens. Mais ils sont en voie de disparition. Un million sous Saddam, soit 4% de la population, ils sont moins de cinq cent mille et vivent dans la crainte. Victimes de  la venue des Américains, parce qu’elle libéra la violence islamiste à leur encontre, ils sont victimes de leur départ car les GIs étaient devenus un gage de sécurité.

Tout cela se déroule sous l’œil satisfait de l’Iran dont le souci est de garder sous contrôle " l’arc chiite " qui va de Téhéran au sud Liban en passant par Bagdad et Damas.

En 1979 le président Carter avait  "perdu l’Iran". Le monde entier pays encore  le prix de son aveuglement. Dira-t-on demain d’Obama qu’il a "perdu l’Irak" ? 

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