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Pourquoi je maintiens que ce sont bien 5000 et non 500 milliards d’euros que la BCE est en train de lâcher aux banques
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Puisque j'te le dis!

Suite aux commentaires suscités par son précédent article, Serge Federbusch explique pourquoi le montant que la BCE devrait prêter in fine aux banques européennes excèdera le chiffre de 500 milliards d'euros évoqué cette semaine.

Serge  Federbusch

Serge Federbusch

Serge Federbusch est président du Parti des Libertés, élu conseiller du 10 ème arrondissement de Paris en 2008 et fondateur de Delanopolis, premier site indépendant d'informations en ligne sur l'actualité politique parisienne.

Il est l'auteur du livre L'Enfumeur, (Ixelles Editions, 2013) et de Français, prêts pour votre prochaine révolution ?, (Ixelles Editions, 2014).

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Mon article du 20 décembre relatif aux 5 000 milliards d’euros que la Banque centrale devrait prêter, dans les 3 ans qui viennent, à tous ceux qui ahanent aujourd’hui sous le poids de leurs dettes a, semble-t-il, été particulièrement lu et commenté. Merci à tous ! Le chiffre de 5 000 milliards peut sembler exagéré, surtout si on le rapproche des 489 milliards révélés au public.

Oserais-je demander qu’on me lise attentivement, qu’on ne s’arrête pas au gros titre donné par la rédaction d’Atlantico (pardon pour elle) et qu’on ne confonde pas une somme prêtée le 20 décembre 2011 et des montants qui seront avancés jusqu’en décembre 2014 ?

Avant toute chose, pour mesurer la fiabilité des déclarations publiques de Monsignore Mario Draghi, le gouverneur aux allures de cardinal insondable, j’aurai la malice de rappeler ses paroles prononcées le 15 décembre à Berlin"Je ne pense pas qu'un assouplissement quantitatif conduise à une performance économique remarquable. Il ne me semble pas que l'assouplissement quantitatif ait beaucoup dopé les économies britannique et américaine."

Moyennant quoi, trois jours plus tard, ce brave gouverneur annonçait l’assouplissement quantitatif dans les colonnes du Financial Times ! Chacun interprètera ce revirement brutal avec mansuétude tant il est vrai que le déni est un ingrédient indispensable aux banques centrales quand elles veulent prendre les marchés et les analystes par surprise.

Revenons maintenant aux prêts consentis par la BCE aux établissements financiers. Tout d’abord, on notera, qu’outre les 489 milliards consentis avant-hier, la BCE évoque d’ores et déjà une nouvelle opération en février ! Celle du 18 décembre apparaît clairement comme une mesure prise d’extrême urgence, plusieurs établissements européens, notamment espagnols, étant à court de liquidités. Le besoin de financement des banques sur la seule année 2012 est évalué à plus de 800 milliards d’euros et, comme la mauvaise monnaie chasse la bonne, les prêts au taux imbattable de 1 % de la BCE risquent de se substituer aux autres formes de crédit au secteur financier. La boîte de Pandore est ouverte … 

Ensuite, on se rapprochera de l’exemple américain. Les économies des pays de la zone euro et des Etats-Unis sont assez proches par la taille : environ 12 500 milliards de dollars pour l’Europe des 17 et 14 000 milliards pour les Etats-Unis en 2011. La dette publique des 17 s’élève à 85 % du PIB (source Eurostat) et les Etats-Unis font encore pire : bientôt 100 %. Comme je l’ai dit dans mon dernier article, alors qu’un premier chiffre de 14 % du PIB avait circulé il y a un an (source Schroders) pour l’accommodement quantitatif pratiqué par la FED à partir de 2008, son montant a été réévalué à 7 700 milliards de dollars, plus de 50 % du PIB américain !

Comparaison n’est pas (entièrement) raison, mais des causes semblables dans des environnements comparables doivent logiquement produire les mêmes effets. Si l’on applique un ratio de 50 % au PIB des 17, on arrive directement à la somme de 5 000 milliards d’euros.

Si l’on examine maintenant le problème sous l’angle du besoin de financement des administrations publiques, le déficit annuel dans la zone euro s’élève à 6 % du PIB, approximativement 550 milliards d’euros.

Indépendamment du refinancement de l’encours de la dette, eu égard au taux actuel d’intérêt moyen dans la zone euro, ce sont plus de 1 700 milliards qu’il faudra trouver dans l’Euroland dans les trois années qui viennent pour faire face au seul déficit public nouveau. Penser que les banques ne seront pas fortement sollicitées par les Trésors nationaux pour accepter les bons émis serait faire preuve de naïveté. Bien que les avoirs en dette dite souveraine doivent être désormais appréciés à leur valeur de marché, la pression qui s’exercera sur elles sera grande. Et que feront-elles pour financer ces acquisitions obligataires ? Elles se présenteront à la BCE, d’autant plus volontairement qu’elles toucheront sur ces bons des taux bien supérieurs au maigre 1 % qu’elles verseront à la BCE. 

Le danger principal est d’ailleurs qu’elles n’aient intérêt à se faire prier afin de contraindre les Etats à continuer à les rémunérer grassement, contrariant le mouvement indispensable de reflux des taux d’intérêt. Comme en 2008, le mistigri serait passé des mains des banques à celles des gouvernements.

Par quelque bout qu’on prenne le problème, celui-ci est donc d’une ampleur bien plus grande que celle des misérables (on ose à peine l’écrire !) 489 milliards d’euros annoncés ces derniers jours. Quant à savoir s’il sera, d’ici fin 2014, de 4 000, 5 000 milliards ou … plus, j’admets que le doute est possible.

Les autorités européennes auraient tout intérêt à reconnaître enfin la réalité de la situation car sa sous-estimation constante depuis deux ans contribue à la crise. Les marchés ne savent pas toujours parfaitement anticiper mais ils savent compter.

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