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Quand Charlie Hebdo use de sa liberté d’expression si cher payée pour verser dans l'amalgame pour tous
©Reuters

Politique de l'autruche

Un an après les attentats de janvier, l’hebdomadaire satirique sort un numéro spécial. Mais les hérauts de la liberté d’expression font un usage bien conformiste de leurs pinceaux.

Isabelle Marchandier

Isabelle Marchandier

Chroniqueuse pour le site et le mensuel Causeur, Isabelle Marchandier a été attachée de presse pour les Editions du Cerf après avoir été journaliste à Valeurs Actuelles et programmatrice à RMC.

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"Un an après, l'assassin court toujours" tel est le titre de ce numéro spécial qui sortira ce mercredi pour commémorer les attentats du 7 janvier dernier qui a décimé la rédaction de l’hebdomadaire satirique. La Une est en noir et blanc, couleur de deuil qui rappelle le slogan mobilisateur "Je suis Charlie" répété en boucle après les attentats pour défendre la liberté d’expression. On apprend que ce numéro comprendra un carnet de caricatures des dessinateurs disparus - Cabu, Wolinsky, Charb et plusieurs tribunes signées par notre Ministre de la culture  Fleur Pellerin, des personnalités du monde intellectuel et artistique comme Elisabeth Badinter, Adjani, Gainsbourg, Binoche…mais aussi des figures de la scène internationale comme l’écrivain américain Russel Banks et le musicien Ibrahim Maalouf. Mais c'est le dessin qui retient l'attention. L’assassin qui court toujours est en effet dépeint non pas sous les traits d’un terroriste islamiste à la barbe proéminente brandissant le Coran mais un Dieu taché de sang, aux regards de fou à lier, portant une kalachnikov en bandoulière…Mais en mettant le Dieu des religions monothéistes sur le banc des accusés, Charlie Hebdo place sur le même plan toutes les religions sans faire de distinction et verse ainsi dans la facilité de l’amalgame.

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La caricature est étayée par l’édito vindicatif de Riss, le rédacteur en chef du journal, successeur de Charb qui s’en prend avec fougue "aux fanatiques abrutis par le Coran" mais aussi aux "culs-bénits venus d’autres religions" tout en mettant au pinacle l’athéisme et la laïcité, dont la croyance est plus forte pour "déplacer les montagnes que la foi des croyants". Et au cours de cette profession laïque et anticléricale, il explique comment le "croyant, surtout fanatique, n'oublie jamais l'affront fait à sa foi, car il a derrière lui et devant lui l’éternité" avant de conclure que le 7 janvier c’est "l’éternité qui nous est tombée dessus"

Au monothéisme des religions, Riss répond donc par le manichéisme. D’après sa vision binaire et réductrice, tous les croyants seraient des fanatiques et tous les athées de bons citoyens. La machine à stigmatiser bat son plein sans que l’injonction moralisatrice "surtout ne pas assimiler" ne vienne l’enrayer. Pusique les religions monothéistes sont par essence dominatrices, nuisibles, destructrices et porteuses de haine, tout croyant, de quelque religion qu'elle soit, ne peut-être qu'un fanatique en puissance. Mais au-delà de cette assimilation entre le croyant et le fanatique, Charlie Hebdo renvoie dos à dos les prêtres en soutane qui secouent furieusement leur chapelet devant la loi sur le mariage pour tous et les imams radicalisés prêcheurs de haine contre la France, sans faire la différence entre un extrémisme qui tue et un autre qui s’offusque. Nous aurions donc autant à craindre des fondamentalistes catholiques qui s’enchainent devant les cliniques pratiquant l’avortement ou qui préfèrent que les enfants aient tous le droit d’avoir un père et une mère que des terroristes islamistes qui posent des bombes et tirent sur des innocents dont le seul crime était de profiter d’un mode de vie qu’une société occidentale et évoluée comme la notre peut offrir. 

Le "pas d’amalgame", le mot d'ordre des professionnels de l’indignation républicaine agité à tout va pour éviter de confondre l'islam de l'islamisme radical, n'a pas effleuré les esprits aveuglés par un laïcisme offensif qui par facilité et frilosité, choisissent le "tous pourris" qui ne s'applique donc pas qu'en politique mais aussi en religion et tombent dans l’écueil de "l'amalgame pour tous". L'amalgame serait donc à géométrie variable, à pratiquer dans certains cas mais pas dans d'autres, il serait inacceptable lorsqu'il s'agit de la communauté musulmane mais a contrario légitime lorsqu'il concerne les autres religions. Avec ce parti pris laïciste, Charlie Hebdo choisi l'hyprocrisie du relativisme pour éviter de nommer le nom du mal et de désigner les vrais coupables du massacre de janvier dernier, l'islam radical salafiste... Pour ne pas être de nouveau accusé de souffler sur les braises de la polémique et d'être traité d'islamophobe, Charlie Hebdo préfère taper sur toutes les religions que de désigner la religion qui pose un problème particulier dans sa forme radicalisée : l’islam salafiste. Pourtant la rédaction de Charlie est bien placée pour savoir que tous les extrémismes religieux ne se valent pas, elle qui a payé de sa vie le droit de caricaturer le Prophète. Par ailleurs, la mauvaise foi du journal satirique atteint son paraoxysme lorsqu'on joue au jeu des camparaisons historiques. La palme des persécutions et des massacres est à décerner non pas aux religions monothésites mais plutôt aux totalitarismes rouges et bruns dont l'idéologie sanguinaire a fait des millions de morts. Dans la balance sanglante des tueries, les camps d'extermination nazis et les goulags soviétiques pèsent plus lourds que les buchers des hérétiques sous l'Inquisition espagnole ou pendant les guerres de religions. Alors que les religions traitent l'homme tel qu'il est et qu'elles font de l'injonction de "ne pas tuer" un commandement à respecter, l'idéologie totalitaire a pour ambition de créer "l'homme nouveau" et c'est au nom de cette utopie que le communisme a provoqué, de par le monde, la mort de 65 à 85 millions de personnes. Ce n'est pas Dieu le responsable des crimes contre l'humanité mais bien l'idéologie politique qui est à l'oeuvre et aujourd'hui celle qui assassine, c'est l'islamisme salafiste dont le projet politique est d'imposer au monde occidental la charia. 

Auto-censure ? Traumatisme ? Il est loin le temps où Charlie Hebdo avait encore Charb à sa tête et Cabu à sa main et où il était courant de voir des caricatures du Prophète en une ou à l’intérieur des pages du journal. Rappelons-nous qu’avant les terribles évènements de janvier, avant que l’hebdo satirique devienne les victimes du terrorisme islamiste, les fervents défenseurs de la liberté d’expression prêts à brandir la pancarte "je suis Charlie", crayon à la main étaient bien rares. Ceux qui couraient les rues à l’époque des caricatures du Prophète c’étaient les procureurs prêts à condamner Charlie pour islamophobie. Ainsi en 2012, la couverture du journal pourtant plus soft mettant en scène un musulman enturbanné et un juif à papillote, avait suscité l’indignation de Jean-Marc Ayrault, alors premier ministre et de François Hollande qui avaient exprimé leur désapprobation et la colère des organismes qui représentent les musulmans de France comme le Conseil français du Culte musulman (CFCM).

En préférant l’amalgame à la dénonciation de la menace islamiste, l’aveuglement volontaire au courage de la clairvoyance, la liberté de ton du journal satirique a été sacrifiée sur l’autel du catéchisme laïc antireligieux. C’est à se demander si Charlie Hebdo ne se serait pas fait Hara Kiri ? 

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