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Islamo-fascisme et complaisance occidentale
©Reuters

Faiblesse occidentale

Pourquoi l’Occident se montre-t-il si faible vis-à-vis de l’islamo-fascisme? Cette question taboue mérite quand même d’être posée à l’issue des dernières déclarations du président turc Erdogan à propos de Hitler.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Ce texte a été publié initialement sur le site d'Eric Verhaeghe

Le président islamiste Erdogan ne s’embarrasse plus de fioritures et jette les masques: il vante les vertus du nazisme comme modèle d’inspiration politique durant ses conférences de presse.

"Dans un système unitaire [comme la Turquie], un système présidentiel peut parfaitement exister. Il y a actuellement des exemples dans le monde et aussi des exemples dans l’Histoire. Vous en verrez l’exemple dans l’Allemagne nazie."

Une phrase de ce type mise dans la bouche de n’importe quel homme politique français, et spécialement d’un responsable du Front national, vaudrait à son auteur des procès en cascade, des amendes colossales et des stigmatisations éternelles de la part des médias. On se souvient ici des propos de Jean-Marie Le Pen sur les chambres à gaz comme "détails" de l’Histoire: des années après, le bonhomme est toujours sommé de s’expliquer sur le sujet.

Paradoxalement, quand un président islamiste adopte un discours directement "nazi", l’Occident se tait.

L’islamo-fascisme et les Etats-Unis

Dans le registre des silences, celui des dirigeants européens tient une place de choix. Ceux-ci viennent d’annoncer une reprise des négociations d’adhésion de la Turquie à l’Union Européenne, et ont prévu de débloquer 7 milliards d’euros d’aide à la Turquie pour créer des camps où les réfugiés seront triés avant de pouvoir rentrer dans l’Union. Cette idée, largement poussée par l’Allemagne qui peut se revendiquer d’un grand savoir-faire traditionnel dans ce domaine, transforme de fait Erdogan en garde-frontières de l’Union et lui donne tous pouvoirs pour déclencher une nouvelle marée humaine vers l’Europe. Il est évidemment difficile d’avouer qu’un tel pacte est noué avec un admirateur d’Hitler.

Mais le silence le plus amusant reste celui de la presse américaine, qui a peu relayé les propos d’Erdogan et a surtout relayé les démentis de la présidence turque après ce dérapage verbal. C’est ainsi que le New York Times a directement titré :

"La Turquie dit que le commentaire d’Erdogan sur Hitler a été déformé!" Malheureusement, pour ce quotidien de référence, l’adresse URL de l’article montre bien que le titre d’origine était: "turkeys-erdogan-seeking-a-more-powerful-presidency-cites-hitlers-system" (La Turquie d’Erdogan à la recherche d’une présidence plus puissante se réfère au système hitlérien).

Le directeur de la publication sera passé par là pour adoucir un titre qui pourrait froisser l’allié turc.

L’islamo-fascisme en Turquie

Cette volonté occidentale de ne pas regarder en face la menace géopolitique qu’Erdogan fait peser sur l’Occident ne manque pas de surprendre. Le Président turc a beau enchaîner les pires méfaits, ses alliés de l’Otan ne disent rien, et même applaudissent des deux mains.

Depuis plusieurs mois, Erdogan a pourtant joué la carte de la provocation ouverte: arrestations de journalistes, voire emprisonnement ou assassinat d’opposants, attentat suspect durant une manifestation organisée par un parti kurde, répressions sévères de manifestations démocratiques, attaques en règle contre les symboles laïques du pays, rien n’y fait. Nous ne voulons rien voir, et nous refusons d’admettre que le dragon Erdogan est bien plus dangereux pour nos libertés que Bachar El-Assad.

Pire: la Turquie s’est récemment lancée dans une politique de répression farouche contre ses minorités kurdes que les médias subventionnés, en France, passent totalement sous silence. 50 civils en seraient morts pour le seul mois de décembre, mais ce bilan est sans doute plus lourd puisque ces villes sont sous couvre-feu depuis plusieurs semaines.

Pourquoi l’indignation de l’Occident est-elle forte lorsque le laïc Bachar El-Assad est accusé de bombarder des civils syriens, et quasi-nulle lorsque l’islamiste Erdogan pratique la même politique sur son propre peuple?

L’Occident est-il l’allié volontaire d’un bloc islamo-fasciste?

Les dangers présentés par Erdogan sont bien pires encore pour l’Occident. Tout laisse en effet à penser que la Turquie apporte un soutien logistique, voire beaucoup plus, aux terroristes de l’Etat Islamique qui combattent en Syrie.

Ce soutien est apparu à deux reprises.

D’une part, la Turquie abrite probablement les camps d’entraînement de Daesh et favorise ainsi l’efficacité militaire de l’Etat Islamique. Sur ce point, des propos régulièrement rapportés par des journalistes européens en reportage en Turquie laissent peu de doutes.

D’autre part, la Russie n’a jusqu’ici jamais été démentie lorsqu’elle a affirmé de façon répétée que laTurquie favorisait la vente et l’exportation du pétrole de Daesh. Cette protection accordée à l’Etat Islamique constitue un atout important pour la persistance de la menace terroriste.

Sur tous ces points, les dirigeants occidentaux se taisent et font semblant de ne rien voir. Quelques arrestations de terroristes donnent le change et permettent de dissimuler le double jeu d’Erdogan.

La Turquie, épine islamiste dans le pied occidental

On notera que le site Politico a consacré un article aux risques que la Turquie représente pour l’Occident. L’article examine les risques d’un conflit armé entre l’Otan et la Russie à cause de la Turquie. Il pose notamment cette question:

"Why are EU leaders tolerating the Turkish government going to war against the one group that has been successful at fighting ISIL on the ground?" (Pourquoi les leaders européens tolèrent-ils que le gouvernement turc fasse la guerre au seul groupe victorieux au sol dans la lutte contre DAESH?)

Voici une excellente question que nous pouvons, nous aussi, nous poser…

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