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Pourquoi le poumon de la planète devient responsable du dérèglement climatique
©Reuters

Cercle vicieux

La conservation des forêts tropicales constitue un enjeu majeur pour limiter le réchauffement climatique. Seulement, si aujourd'hui elles permettent de stocker le carbone, le réchauffement peut modifier leur manière de fonctionner.

Plinio Sist

Plinio Sist

Plinio Sist est écologue forestier avec plus de 25 d'expérience dans l'étude de l'écologie et de la gestion durable des forêts tropicales humides en Amazonie et Asie du Sud Est. Il est actuellement directeur de l'unité de recherche Biens et Services des écosystèmes forestiers tropicaux au Cirad à Montpellier.

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Atlantico : Une étude (voir ici) montre que le fonctionnement des forêts est perturbé par le réchauffement climatique. Avec des nuits plus chaudes les forêts tropicales deviendraient émettrices de dioxyde de carbone. Le poumon de la planète pourrait il devenir responsable lui-même du réchauffement climatique ?

Plinio Sist : Non pas vraiment, mais les forêts tropicales comme tout écosystème, répondent aux perturbations engendrées par le changement climatique, hausse des températures, période de sécheresse prolongée. Le principal enjeu est de prévoir ces réponses, de  mieux évaluer la capacité des forêts tropicales à s’adapter à ces changements climatiques, ce que les écologues appellent la résilience. Ces réponses vont bien sûr dépendre de l’intensité de ces changements et même si les forêts tropicales ont survécu aux dernières glaciations qui sous les tropiques ont provoqué des périodes de sécheresse intenses, le principal problème est que, contrairement aux changements climatiques passés que la planète a connu qui se sont échelonnés sur plusieurs milliers d’années, le réchauffement climatique actuel est  extrêmement rapide, à l’échelle d’un peu plus d’un siècle. Cela rend l’adaptation des écosystèmes à ces nouvelles conditions climatiques d’autant plus difficiles. Il y a fort à parier, que le changement climatique provoquera des changements notoires dans la structure, la composition des espèces d’arbres et le fonctionnement des forêts tropicales et des forêts en général. Le principal problème réside dans le fait qu’en plus de ces changements climatiques, les forêts tropicales, contrairement aux forêts tempérées qui se régénèrent et colonisent chaque année davantage d’espace, continuent à disparaitre à un taux annuel de 8.8 millions d’ha par, pour  la période 2010-2015, selon la FAO, au profit de l’agriculture et de l’élevage, ou encore des activités minières.

Comment pouvons-nous empêcher une telle perturbation dans le fonctionnement des forêts tropicales ?

De telles perturbations dans le fonctionnement des forêts tropicales sont bien sûr la conséquence du réchauffement climatique, il est donc essentiel de lutter contre le changement climatique, engagement qui a été pris par la plupart des pays de la planète à la COP 21. Mais lutter contre le  réchauffement climatique, c’est entre autre lutter contre la déforestation et la dégradation des forêts tropicales. Cette déforestation tropicale est responsable de 10 à 15 % des émissions de  CO2, et elle n’est donc pas la principale cause d’émission de CO2. Cependant, penser que la lutte  contre le réchauffement climatique consisterait simplement à réduire nos émissions de CO2 et à stocker davantage de carbone à travers les plantations d’arbres, serait une grave erreur, car la préservation des forêts tropicales jouera aussi un rôle capital dans cette lutte contre le réchauffement climatique : les forêts tropicales ont un rôle qui va bien au-delà qu’un simple réservoir de carbone. La lutte contre le réchauffement climatique passe nécessairement par une lutte efficace contre la déforestation des forêts tropicales. 

En quoi la conservation des forêts tropicales constitue un enjeu majeur pour limiter le réchauffement climatique ?

Les forêts tropicales représentent la moitié des forêts du monde, regroupent la moitié des espèces vivantes sur terre et rassemblent plus de 25% du carbone accumulé par les écosystèmes terrestres. Les forêts tropicales sont des puits de carbone, c’est-à-dire qu’elles captent plus de carbone du CO2, qu’elles n’en émettent, mais les changements climatiques, qui en région tropicale se manifestent par des saisons sèches plus longues,  risquent fort de changer  la situation à long terme, comme semble le suggérer une étude récente, en provoquant une mortalité plus importante des arbres les plus gros. Mais les forêts tropicales ne sont pas uniquement de simple puits et  réservoir de carbone, elles sont aussi des réservoirs de biodiversité remarquable puisqu’elle sont  sur terre les écosystèmes terrestres les plus riches en biodiversité. A titre d’exemple, 1ha (un terrain de football) de forêt tropicale abrite plus de 150 espèces d’arbres, contre seulement une quinzaine dans nos  forêts tempérées.

Les forêts tropicales jouent un rôle essentiel dans l’équilibre climatique, elles captent certes du carbone en rejetant de l’oxygène indispensable à la vie des animaux sur terre, mais elles jouent aussi un rôle régulateur, elles créent en effet au-dessus de leur canopée des conditions favorables aux précipitations, en générant de la vapeur d’eau. Ainsi, la forêt amazonienne  génère plus de 50 % de ses propres pluies par sa transpiration. Les forêts tropicales agissent aussi sur la préservation des sols et la qualité de l’eau car elles agissent comme des éponges filtrantes géantes !!!

Couper les forêts tropicales aura donc un effet important sur le climat, avec comme conséquence des périodes de sécheresse plus longues et plus intenses qui elles même auront des conséquences sur la survie des forêts tropicales. Ces changements climatiques ne se limitent pas aux zones tropicales, ainsi la disparition de la forêt amazonienne ou du bassin du Congo aurait des conséquences sur l’ensemble des continents sud américain et africain, dont la principale serait des rendements agricoles beaucoup plus  faibles dus à la sécheresse. Sauver les forêts tropicales, c’est donc aussi contribuer à maintenir une agriculture durable, un véritable enjeu pour la planète qui devrait abriter 9 milliards de personnes en 2050.

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