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"La France en danger" : l'eau, cette grande inconnue
©Reuters

Bonnes feuilles

Qu'on le veuille ou non, la menace climatique a fait irruption dans nos vies. Des événements météorologiques extrêmes frappent partout dans le monde. La France ne fait pas exception : canicules, tempêtes, submersions marines, inondations, fonte accélérée des glaciers alpins, etc. Autant de signaux d'alarme qui doivent faire réagir. Ce livre propose un tour de France des territoires qui ont pris la mesure de ces nouveaux périls pour mieux s'y préparer. Citoyens, élus et experts décryptent les signes avant-coureurs et surtout nous alertent sur la nécessité de modifier en profondeur nos modes de vie. Écoutons-les ! Extrait de "La France en danger" d'Alice le Roy et Marc Lipinski, aux éditions Plon (2/2).

Marc Lipinski

Marc Lipinski

Elu écologiste, vice-président du Conseil régional d'Île-de-France en charge de la recherche et de l'innovation entre 2004 et 2010, Marc Lipinski a créé les Picri qui financent des partenariats de recherche entre le monde scientifique et le mouvement associatif. Biologiste, il est Directeur de recherche au CNRS.

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Alice  Le Roy

Alice Le Roy

Alice Le Roy, auteure de documentaires et chargée de cours d'écologie urbaine à l'IUT de Bobigny, en Seine-Saint-Denis, a été conseillère à la mairie de Paris de 2001 à 2010. Membre de l'équipe qui a lancé le Plan Climat de la capitale, elle a coordonné le programme de jardins partagés « Main Verte », repris depuis par de nombreuses collectivités à travers la France.

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L’eau, c’est donc une catastrophe quand il y en a trop et cela peut en être une autre quand il n’y en a pas assez. Pendant l’été 2003, quand les victimes de la canicule commencèrent à s’accumuler, le territoire métropolitain souffrit aussi d’une grande sécheresse. Dans les fleuves et les rivières, le niveau des eaux baissa et leur température s’éleva, portant atteinte à la faune, à la flore, mais aussi... aux centrales nucléaires. Or, pour son électricité, la France a de très longue date, privilégié la filière nucléaire qui assure les trois quarts de sa consommation. En grande majorité, les centrales sont situées en bord de fleuve ou de rivière, car elles y puisent les énormes quantités d’eau dont elles ont besoin pour refroidir leurs réacteurs. L’eau qu’elles rejettent, plus chaude donc, ne doit cependant pas dépasser une certaine température, autour de 28 °C, imposée par les règles de protection de l’environnement. Quand l’eau se raréfie dans les rivières et que sa température monte, comme pendant l’été 2003, l’exploitant doit demander des dérogations pour pouvoir continuer à la puiser puisqu’il va la rejeter à des températures en théorie interdites. Faute de dérogation accordée, il devrait purement et simplement arrêter la centrale...

En 2003, il y eut plusieurs dizaines d’infractions à cette règle commises dans les différentes centrales du pays. EDF procéda même à une curieuse " expérimentation " qui consista à asperger les murs extérieurs de la centrale de Fessenheim, en Alsace, gâchant quelque 200 000 litres d’eau pour tenter de maintenir la température intérieure de la centrale en dessous des 50 °C fatidiques qui imposent aussi, mais toujours en théorie, d’arrêter le fonctionnement des réacteurs.

Les sécheresses et les canicules ne sont d’ailleurs pas les seules sources de danger auxquelles les centrales nucléaires sont exposées du fait de leur mécanisme obligatoire de refroidissement. À la fin de l’année 1999, quand la tempête Martin souffla sur le sud-ouest de la France, l’estuaire de la Gironde vécut une brusque montée des eaux qui mit en péril la centrale du Blayais. Située sur sa rive droite, celle-ci vit sa digue de protection submergée sous l’effet conjugué du vent de la tempête et de la marée haute. Du fait d’une surtension du réseau électrique, deux des quatre réacteurs furent arrêtés en urgence, leurs coeurs continuant d’être refroidis grâce à la mise en route de pompes de secours à moteur diesel.

Dans la nuit, des débris apportés par la Gironde en crue vinrent bloquer une autre pompe, déclenchant l’arrêt en urgence d’un troisième réacteur pendant que des eaux boueuses envahissaient le sous-sol de la centrale. Selon certains observateurs, on a frôlé cette nuit-là un accident nucléaire majeur en France.

Qu’il y en ait trop ou pas assez, les raisons de s’alarmer de la situation de l’eau ne manquent pas. Au moment où nous écrivons ces lignes, à l’été 2015, les agriculteurs alsaciens se plaignent de ce que leurs choux sont deux à trois fois moins volumineux qu’à l’accoutumée. Leur surprise est... surprenante, les climatologues nous ayant clairement avertis de ce à quoi nous devons nous préparer, plus en plus souvent de canicules et de sécheresses, et qu’en saison froide, la neige tombera moins longtemps à moyenne altitude.

Pour ce qui concerne le manque d’eau en été, le pourtour méditerranéen est clairement en première ligne.

" C’est un “hot spot” du changement climatique ", nous confirme Philippe Drobinski, directeur de recherche au CNRS, et responsable du pôle " Climats et environnements régionaux " à l’Institut Pierre-Simon Laplace.

Pour les chercheurs, les scénarios d’évolution prévue en zone méditerranéenne sont très robustes, c’est-à-dire que tous les avis concordent pour prédire de fortes augmentations de chaleur, des canicules et des sécheresses répétées. Il est donc capital, pour des raisons à la fois environnementales et socio-économiques, d’étudier l’ensemble du cycle de l’eau dans cette grande région méditerranéenne en y multipliant les observations sur une longue période. C’est justement l’objectif du projet HyMeX2 qu’il coordonne avec Véronique Ducrocq de Météo-France et qui permettra de collecter des observations jusqu’en 2020. Comme il sera impossible d’empêcher les chaleurs extrêmes, nous devons agir sur l’environnement et le contexte dans lesquels elles vont se produire.

Qu’ils soient urbanistes, architectes, scientifiques, médecins, ou responsables de services techniques, nombreux sont les professionnels qui se sont mis à réfléchir à ces questions afin d’imaginer des solutions pour atténuer les conséquences des canicules et réduire l’impact des sécheresses.

Il faudrait maintenant qu’ils soient entendus des décideurs institutionnels et que ceux-ci acceptent de travailler collectivement, car, comme l’explique Martin Guespéreau, les maires rechignent trop souvent à coopérer avec les communes voisines. Les questions d’eau ne peuvent pourtant être gérées que par des assemblées – des syndicats de rivière par exemple – où tous les acteurs sont représentés, les agriculteurs, les entreprises, les élus des collectivités locales, les environnementalistes, les associations et les représentants de l’État. Sans cette concertation, le risque est le développement de conflits latents, autant de bombes à retardement que le changement climatique va faire exploser.

Extrait de "La France en danger" d'Alice le Roy et Marc Lipinski, aux éditions Plon. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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