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Les origines de la retraite : quand l'Allemagne de Bismarck créait le premier système obligatoire
©Reuters / Charles Platiau

Bonnes feuilles

Aujourd'hui, un retraité naît toutes les 37 secondes ! Peut-on exister socialement quand on est à la retraite ? Y a-t-il des "risques sociaux" chez les retraités ? Quels sont les choix qui s'offrent à eux pour donner du sens à leur vie ? Ce livre, ponctué de récits, de témoignages éclairants, d'exercices personnels, vous accompagne durant la transition entre le monde du travail et le début d'une vie où vous serez l'acteur libre et responsable de vos décisions. Extrait du livre "En avant la retraite !", de Juliette Helson et Daniel Levy, publié aux éditions L'Harmattan, 1/2

Daniel Lévy

Daniel Lévy

Daniel Lévy a un parcours atypique. Un subtil dosage entre l'école du Louvre, qui lui a donné l’occasion de travailler avec des artistes passionnés, aux modes d’expressions différents, une carrière d’ingénieur commercial chez IBM et un diplôme universitaire de coaching qui l‘a conduit à ce livre.

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Juliette Helson

Juliette Helson

Juliette Helson, après une formation d’enseignante et une carrière dans le privé, dans le secteur de l’industrie et des hautes technologies, est co-auteur d’un ouvrage sur les regards féminins dans l’entreprise. Elle s’intéresse désormais à la place des retraités dans la société.

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Origine du mot retraite

L'une des plus grandes erreurs de la sémantique française est d’avoir conservé le mot Retraite sans tenir compte de l'évolution de ce terme.

Le mot « Retraite » est à l'origine un mot utilisé dans un environnement militaire (la retraite militaire consiste à replier les troupes en cas de défaite ou de difficulté) ou dans un cadre religieux (la retraite religieuse est le fait de se retirer des affaires quotidiennes pour prendre le temps de réfléchir sur sa foi et de méditer). Mais la retraite dans son sens le plus classique est l'action de se retirer du monde (son sens le plus mondain). Si l'on reprend l'analyse fine d’Yvan Amar, de la CNDP (Centre National de Documentation pédagogique), la retraite est un moment de repos et de solitude. Ainsi au XVIIe siècle, le mot retraite était à rapprocher du mot désert (se retirer au désert) ne voulait pas dire partir méditer au fin fond du Sahara, mais tout simplement se retirer de la vie de la Cour. Chez Molière (le misanthrope), le désert vers lequel s'en va Alceste, n'est jamais que la vallée de Chevreuse !

Ces dernières années, les retraites militaires sont un peu moins au centre de nos préoccupations quotidiennes, tout comme les retraites religieuses, le sens de ce mot s’est essentiellement centré sur l'action de se retirer de la vie professionnelle après de dures (peut-être) et longues années (sûrement) de travail.

Historique de la retraite

L'apparition de la notion même de retraite est intimement liée d’une part à la notion de travail et ses conséquences dès lors qu’on ne peut plus exercer d'activités et d’autre part à la démographie. Un individu obtient un salaire en échange de son travail. S'il ne peut plus l’exercer (maladie, capacités physiques ou intellectuelles diminuées) il est nécessaire de trouver un système compensatoire pour lui permettre de vivre. C'est tout le sens de la pension décrite ci-dessous, d'abord appelée pension d'invalidité (reconnaissance que l'individu ne peut plus exercer sa profession) puis pension de vieillesse (reconnaissance du droit à l'individu à vivre au-delà d’un temps de travail).

L'évolution économique avec la stabilité monétaire du franc germinal créé en 1803 qui durera un siècle, a contribué à la création d’un système de cotisation et de réversion sous forme de rente garantie par l'état vers l'épargne ou secours mutuel existant.

Sur le plan sociologique, c’est l’industrialisation de l'Europe à la fin du XIXe siècle qui a été le moteur principal de toutes les avancées sociales. La pénibilité du travail en usine (phénomène nouveau) ainsi que le « boum financier » ont été à l'origine de la lutte des classes, et des revendications des travailleurs. La prise en compte, par l'état, de ce développement a conduit celui-ci à légiférer pour imposer un modèle social qui perdure encore aujourd'hui.

L'origine et l'histoire de la retraite :

Jusqu'à Louis XIV qui a fait construire les Invalides en 1670, le sort des vieux sans ressources et sans famille dépendait essentiellement de la charité des organismes religieux. En 1673, Colbert, ministre de Louis XIV, crée la caisse des invalides de la marine, aujourd'hui Établissement National des Invalides de la Marine. Ce régime assure une pension à ceux qui ne peuvent plus travailler, l'âge ne constituant que l'une des causes possibles de leur état d'invalidité.

C’est seulement en 1784 que ce régime distinguera la pension d’invalidité de la pension de vieillesse attribuée à 60 ans (compte tenu de l’espérance de vie de l'époque, cela représente une retraite tardive). Elles couvrent la marine de pêche et de commerce.

La marine de guerre, comme les militaires et d’autres catégories directement au service du Roi, pouvaient également bénéficier de pensions. Les agents des fermes générales (aujourd'hui les fonctionnaires des impôts, mais à l'époque personnels d’entreprises privées) avaient créé leur propre caisse en 1768.

La Révolution multiplie les déclarations d’intention tout en détruisant les bases de la protection sociale existante : interdiction des corporations qui assuraient une solidarité professionnelle, nationalisation des biens du clergé qui assurait l’assistance. C'est le Directoire qui rétablira les fonds de pension des fonctionnaires.

Le Consulat crée le franc germinal en 1803, ouvrant un siècle de stabilité monétaire qui permettra l’essor de l’épargne et de la rente.

L’Empire autorise en 1808 les sociétés de prévoyance et voit l’apparition des caisses particulières comme celles de la Banque de France et de la Comédie Française.

Mais elles se limitent à la maladie. Le rôle de la mutualité en matière de retraite restera marginal, même après la loi de 1898 l'autorisant plus largement à gérer la retraite et l’assurance vie.

En 1850 est créée une Caisse Nationale des Retraites, gérée par la Caisse des Dépôts et Consignations. Elle recueille les versements volontaires des particuliers, et leur sert à partir de 50 ans une rente qui est garantie par l'état (à cette époque, la monnaie est stable).

Cette caisse s'adressera surtout à la petite bourgeoisie.

En 1853, les divers fonds de pension des fonctionnaires civils de l’état sont remplacés par un droit de chaque Fonctionnaire inscrit au « grand livre de la dette publique » et financé par le budget courant de l’État. La même loi distingue les services actifs (postes, douanes, forêts, contributions indirectes, tabacs) qui permettent le départ à 55 ans, et les services sédentaires, où il faut attendre 60 ans.

En 1876, les instituteurs sont classés dans les services actifs.

C'est la naissance de l’actuel régime des pensions civiles et militaires.

C’est l'Allemagne de Bismarck qui crée en 1883 le premier système obligatoire de retraites, financé par la capitalisation de cotisations ouvrières et patronales, pour une retraite à 70 ans. Le système est introduit en France par la loi de 1910, pour une retraite à 65 ans (en 1912 : 60 ans pour les métiers les plus pénibles) ; mais l'obligation de cotisation est annulée en 1911.

Par ailleurs, le développement de l'industrie s’accompagne de la création de retraites d’entreprise. Certains secteurs stratégiques tels les mines, les chemins de fer, les industries électriques et gazières, finiront par être couverts chacun par un régime propre (en 1894, 1909 et 1938 respectivement).

Mais les régimes d’entreprise, généralement sous-provisionnés, n'offrent guère de garantie en cas de faillite. Divers scandales, dont celui de la compagnie de Bessèges en 1888, amènent le parlement à adopter en 1895 une loi dite des garanties qui réglemente les caisses patronales, posant des exigences de provisionnement et les soumettant au contrôle.

C'est le XXe siècle qui voit l'extension de la retraite obligatoire à l’ensemble de la population active, salariée.

Extrait du livre "En avant la retraite !", de Juliette Helson et Daniel Levy, publié aux éditions L'Harmattan, 2015. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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