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Entre une gauche qui surfe sur une mondialisation heureuse et un FN qui surfe sur l’inverse, la droite en quête de bastions sociologiques
©Reuters

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Le grand perdant de ce premier tour des élections régionales est le PS. Pas de doute. Pourtant derrière la déroute socialiste, une autre partie piégée s'entame et elle pourrait clairement jouer des tours aux Républicains.

Yves-Marie Cann

Yves-Marie Cann

Yves-Marie Cann est Directeur en charge des études d'opinion de l'Institut CSA.
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Qu’est ce que ce premier tour des élections régionales a confirmé sur les assises sociologiques de chaque parti et notamment sur les faiblesses de celles des Républicains ?

Yves Marie Cann : Il faut avant tout noter de façon générale que le rapport de force qui est ressorti des urnes avant-hier confirme la tripartition de l’espace politique français. Il y a désormais trois grands blocs qui se font face. La gauche dominée par le Parti Socialiste, la droite et le centre avec Les Républicains et l’UDI, et le Front National d’autre part. En terme de dynamique, au delà de ces trois blocs qui se dessinent, on enregistre également une nouvelle progression du Front National à l’occasion de ces élections, par rapport à ce que l’on avait vu lors des départementales en début d’année ou encore lors des élections européennes en mai 2014, tant en suffrages exprimés qu’en voix. Ceci dit, il est intéressant de s’interroger ou en tout cas d’analyser le profil des électorats sur chacun de ces blocs, qui présentent des caractéristiques assez distinctes les uns des autres.

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Quelles sont les bases sociologiques du PS et du FN ? En quoi Les Républicains peuvent avoir une faiblesse au niveau de leur assise sociologique au sein de ce système tripartite ?

Lorsque l’on regarde quelle a été la sociologie des votes à l’occasion du premier tour des élections régionales et notamment pour ce qui est du Parti Socialiste, on s’aperçoit que les plus fortes différences par rapport au Front National, se font en fonction de deux variables. La première est celle de la catégorie socioprofessionnelle des votants et la deuxième, dans une moindre mesure, est le niveau d’éducation et de diplôme qui est lui-ême lié à la catégorie socioprofessionnelle. Ce dont on s’aperçoit en analysant les sondages qui ont été faits en détails, c’est que le parti socialiste réalise ses meilleurs résultats auprès des catégories socioprofessionnelles dites supérieures, c’est à dire les cadres et les professions intellectuelles supérieures, ainsi qu'auprès des professions intermédiaires, qui sont aujourd’hui au cœur des classes moyennes. Les sondages réalisés par l’Ifop et Fiducial montrent notamment que 28% des cadres et 26% des professions intermédiaires auraient voté socialiste, soit dans des proportions supérieures à la moyenne national. Dans le même temps on s’aperçoit qu’auprès des catégories plus « populaires », c’est à dire les ouvriers et les employés, on retrouve des votes en faveur du Parti Socialiste qui sont en dessous de la moyenne nationale. 19% seulement chez les ouvriers. Lorsque l’on compare ces chiffres là avec ceux obtenus par le Front National, on se rend compte que le contraste est saisissant. Les 19% du vote ouvrier pour les listes du Parti Socialiste correspondent à 51% du vote pour les listes du FN. On voit que les catégories populaires, souvent les plus exposées aux aléas économiques et sociaux, et qui ressentent plus intensément l’absence de résultat du gouvernement sur ce plan, expriment leur mécontentement à travers un vote Front National. C’est auprès de cette catégorie que le FN enregistre ses meilleurs scores. A l’inverse, c’est auprès des catégories dites supérieures que le Front National enregistre ses plus mauvais scores. A titre d’exemple, seul 16% des cadres auraient voté pour une liste Front National.

Avec cet apsect en vase communiquant et cette opposition FN/PS, qu’en est-il des Républicains, où se situent-ils ?

D’une certaine façon la droite et le centre dans leur ensemble sont pris en étau entre la gauche et le Front National. On le voit à la lecture de l’analyse des résultats des élections. Ce qui est le plus frappant, c’est que les listes LR/UDI/MODEM ne capitalisent pas sur le mécontentement ou la déception suscités par l’absence des résultats du gouvernement. On voit notamment chez les ouvriers, que le score de ces listes est, à hauteur de 13%, inférieur au score réalisé par le Parti Socialiste. Dans le même temps, les cadres votent à hauteur de 31% pour ces listes là. C’est chez les retraités, que les listes LR/UDI/MODEM obtiennent les meilleurs résultats, avec environ 40% d’entre eux qui auraient votés pour ces listes toutes CSP confondues.

Ce constat ne pointe-t-il pas la "faiblesse" de la base solciologique des Républicains ? Le fait d'avoir au final une sureprésentation des ouvriers chez le FN, des cadres chez le PS et des personnes âgées chez les Républicains n'indique-t-il pas un certain manque à droite ? Celui de ne pas pouvoir compter sur une classe sociale ou un groupe sociologiquement marqué et sureprésenté ?

Effectivement, on voit que les Républicains réalisent de bons scores auprès des retraités. Cela peut être un atout dans le sens où les retraités sont souvent ceux qui se mobilisent le mieux  en termes de classes d’âges, même si ça ne suffit pas pour faire la différence dans un rapport de force, qu’il soit national ou régional. Toute la difficulté aujourd’hui pour les républicains réside dans le fait qu’ils réalisent un si mauvais score auprès de la population active. Qu’il s’agisse des catégories populaires qui ont déserté la gauche pour le Front National ou des cadres supérieurs qui font souvent preuve d’une certaine ouverture au monde et qui ne se retrouvent pas forcément dans le positionnement actuel de la droite et du centre, les Républicains sont à la peine dans beaucoup de catégories socioprofessionnelles. Cela explique leur contreperformance de dimanche.

Peut-on évoquer un piège sociologique ? C’est à dire que sans base sociologique forte, les Républicains risquent de futures déconvenues ?

En caricaturant à peine, on voit bien que les Républicains sont coincés entre une gauche qui trouve du soutien auprès de ceux qui vivent ce qu’on appelle la "mondialisation heureuse" et qui ont un niveau d’éducation qui leur permet de tirer parti des opportunités offertes par la mondialisation. Et de l’autre extrême du coté, celui du FN, il y a ceux qui vivent la "mondialisation malheureuse", et qui sont peu ou pas diplômés. Entre ces deux pôles, on retrouve une droite et un centre pris entre deux feux, aux aspirations et aux intérêts contradictoires…

Concrètement, quel est le risque et l’enjeu pour les républicains à l’avenir ?

Le risque et l’enjeu dans ce contexte est de ne plus parvenir à ce différencier des uns ou des autres. Pire, d’apparaître comme une pâle copie du Front National sur un certain nombre de sujets. Dès lors que l’on apparaît comme une copie, les électeurs préfèrent se tourner vers la version originale. Cela se traduit par une déperdition des voix et un affaiblissement dans les urnes pour les Républicains. Cela pose la question du positionnement des Républicains aujourd’hui et demain, au delà du socle des retraités, afin d’élargir leur base électorale, d’abord dans la perspective du second tour des régionales, et surtout dans la perspective des prochains rendez vous électoraux de 2017. Cela pose un certain nombre de questions auxquelles aujourd’hui les Républicains ne semblent pas en mesure de répondre. Ils ne semblent pas avoir trouvé de compromis en termes de positionnements. L’enjeu pour eux est de savoir parler à ceux qui vivent cette "mondialisation heureuse" tout en s’adressant à ceux qui vivent une "mondialisation malheureuse", qui eux, ont l’impression d’avoir disparu des écrans radars de la droite. Ils gardent en mémoire les promesses non tenues du quinquennat de Nicolas Sarkozy, que ce soit sur le plan économique ou social avec un chômage qui a fortement progressé, ou en termes de promesses pour leur pouvoir d’achat. Il faut rappeler que si beaucoup de hausses d’impôts ont été votées au début du quinquennat de François Hollande, beaucoup avaient été votées dès la fin de celui de Nicolas Sarkozy. Les électeurs n’ont pas la mémoire courte, et garde certainement une rancune à l’écart des Républicains et de Nicolas Sarkozy.

Quelle serait la solution pour les républicains pour éviter de tomber pleinement dans ce piège sociologique ?

Il n’y a pas de solutions miracles pour les Républicains aujourd’hui. Ils payent aussi leurs promesses non tenues par le passé. La solution dépasse peut être leur parti, et viendrait éventuellement d’une recomposition plus globale du paysage politique français. On voit bien aujourd’hui que les Républicains et le centre se trouvent sur une crête. C'est un équilibre extrêmement précaire au niveau des urnes. A vouloir privilégier des électeurs d’une protection accrue vis à vis de la mondialisation économique, vis à vis de l’étranger, ils s’éloignent des aspirations modérées de l’électorat du centre-droit qui fait preuve d’une ouverture sur le monde tant sur le plan culturel qu’économique. La droite doit gérer des aspirations contradictoires, et il semblerait que l’ambiguïté entretenue par les républicains joue à leur détriment. 

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