Chômage : l’incroyable contre-performance française par rapport à la zone euro, François Hollande a bien inversé la courbe… mais pas la bonne<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron mise sur les petites PME et les entreprises individuelles pour relancer l'économie française.
Emmanuel Macron mise sur les petites PME et les entreprises individuelles pour relancer l'économie française.
©Reuters

Mauvaise pioche

Alors que depuis sept ans, le taux de chômage de la France était inférieur à celui de la zone euro, les courbes se sont inversées lors de ce mois d’octobre 2015 : 10,7% pour la zone euro contre 10,8% en France. Malgré la légère amélioration de la conjoncture européenne, le pays ne parvient toujours pas à en profiter.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Ce lundi 1er décembre, Eurostat publiait les dernières statistiques du chômage au sein de la zone euro. Bien que l’ensemble européen reste encore largement à la traîne des pays développés, avec un taux de taux de chômage de 10.7% contre 5% en ce qui concerne les Etats Unis, la baisse amorcée depuis le mois de février 2014 se confirme peu à peu. Cependant, cette bonne nouvelle continentale masque une autre réalité, celle de la France, dont le chômage continue d’augmenter. 

Et pour la première fois depuis plus de 7 années, le taux de chômage français est supérieur à la moyenne des membres de la zone euro. Soit 10.8% pour le mois d’octobre 2015.

Taux de chômage. France – Zone euro. Eurostat. En %.

Pourtant, lors de l’élection présidentielle de 2012, le différentiel de taux de chômage entre France et zone euro atteignait 1.7 point, à la faveur de la France. Et c’est cet avantage qui a fondu depuis lors, une fonte qui s’est accélérée nettement depuis le début de l’année 2014, c’est-à-dire au moment où le chômage européen a commencé a reflué alors que la situation de la France continuait de s’aggraver :

Différentiel en points de % du taux de chômage. France – Zone euro. Source Eurostat.

Afin de justifier une telle situation, l’argumentaire privilégié revient à indiquer que l’économie française fonctionne avec un temps de retard, notamment en raison de ses amortisseurs sociaux. Pourtant, cette vision semble être contredite par la première phase de sortie de crise, c’est-à-dire entre les mois de novembre 2009 et d’avril 2011. Au cours de ces 18 mois d’éclaircie économique, France et zone euro ont tous deux vu leur taux de chômage baisser. Soit une baisse de 0.5 point pour la France contre une baisse de 0.2 point pour la zone euro, ce qui signifie que durant cette période, l’économie française a pu redresser la barre de l’emploi, et ce, en amont de l’ensemble européen.

Différentiel en points de % du taux de chômage. France – Zone euro. Source Eurostat. Novembre 2009-avril 2011

Une situation qui se justifie assez clairement. En effet, au cours de ces 18 mois, les premiers effets des politiques d’austérité menées dans les pays du sud de l’Europe propulsaient leurs taux de chômage à des niveaux inédits. Le taux de chômage grec progresse alors de 10.5 à 16.6% quand celui de l’Espagne dépasse le seuil des 20%. La moyenne européenne en subit également les conséquences.

Ainsi, alors que la France se trouvait dans une situation plus favorable que le continent, le fait générateur de l’inversion de tendance de 2011 reste à déterminer. Et il n’est pas nécessaire d’aller bien loin pour le débusquer. En effet, outre une politique monétaire irresponsable menée par la Banque centrale européenne à partir du mois d’avril 2011 (avec une hausse des taux décidée sous l’impulsion de Jean Claude Trichet) et qui a impacté l’ensemble de la zone euro, la progression des prélèvements obligatoires en France va annihiler toute possibilité de reprise. De 42.6% du PIB en 2011, la fiscalité va s’emparer de 44.7% de la richesse du pays en 2014, soit une progression de plus de 2 points de PIB. Avec un effet négatif démultiplié sur l’ensemble de l’économie.

Prélèvements obligatoires sur PIB. En %. France. Données INSEE

En effet, il est aujourd’hui avéré qu’une politique de "matraquage fiscal", pour reprendre les termes de Pierre Moscovici,  menée en période de stagnation économique, conduit à la récession. Si l’austérité par la réduction des dépenses est évitée en France, le pays n’échappera pas à l’austérité fiscale. 

Puis, janvier 2014. A cette date, "l’avantage" comparatif du taux de chômage français par rapport à la zone euro est alors stabilisé, à son plus haut, soit 1.8 point. Ce qui signifie que si la France a eu des résultats désastreux, l’Europe n’a pas fait mieux. Dès lors, la perte progressive de cet avantage va se matérialiser. Ceci sous l’influence de plusieurs facteurs. Si l’Europe va mieux, c’est grâce à l’action combinée d’une réduction d’intensité des politiques d’austérité et de la mise en place d’un soutien monétaire par le biais de la BCE. Si la France n’en profite pas autant que les autres, cela est en raison d’une démographie soutenue, de la réalité d’une surcapacité des entreprises (selon l’OFCE ce sont près de 120 000 emplois qui ne sont pas encore absorbés par le niveau d’activité actuel), et par le choix d’une politique économique inadaptée. Celle de l’offre. En effet, le 14 janvier 2014, le chef de l’Etat déclarait, à propos du pacte de compétitivité :

"Pourquoi ce pacte ? Parce que le temps est venu de régler le principal problème de la France : sa production. Oui, je dis bien sa production. Il nous faut produire plus, il nous faut produire mieux. C’est donc sur l’offre qu’il faut agir. Sur l’offre ! Ce n’est pas contradictoire avec la demande. L’offre crée même la demande." Bonne pioche.

En faisant le pari d’une politique de l’offre, François Hollande a choisi une voie sans issue. En effet, bien qu’une telle approche puisse permettre d’élever de quelques dixièmes de points le potentiel économique d’un pays sur le long terme, celle-ci est incapable de répondre à la faille béante qui frappe l’économie française, à savoir, la demande. Il s’agit donc tout simplement d’une erreur de diagnostic de la part de l’exécutif français. Une erreur qui se révèle assez nettement à travers l’observation de l’évolution des taux de chômage des plus grands pays européens depuis mai 2012 :

Evolution des taux de chômage. Mai 2012-Octobre 2015. Source Eurostat.

Une faille que devra tenter de combler la Banque centrale européenne, notamment au cours de sa prochaine réunion prévue pour ce jeudi 3 décembre 2015. Car elle seule peut aujourd’hui permettre la réalisation de la promesse de François Hollande, celle de l’inversion de la courbe du chômage, datant de septembre 2012.

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