Bleu rose violet
Toys R Us renonce à la distinction filles garçons sur son site de vente de jouets : suicidaire, démagogique ou visionnaire commercialement parlant ?
Toys R Us a décidé de mettre fin au filtre garçon fille sur son générateur de cadeaux en ligne. Cette décision n'est pas neutre et risque dans un premier temps d'affecter ses ventes en rendant le choix plus difficile aux clients. D'autres méthodes commerciales plus intelligentes sont souhaitables et respectueuses du client. Le choix de l'enfant en matière de cadeau reste un débat scientifique à l'heure actuelle.
Catherine Vidal
Catherine Vidal est Neurobiologiste, directrice de recherche honoraire à l’Institut Pasteur. Elle travaille actuellement au Comité d'Ethique de l’Inserm où elle est co-responsable du groupe « Genre et Recherches en Santé ». Livres récents: "Nos cerveaux, tous pareils, tous différents!" et « Cerveau, sexe et pouvoir » Belin 2015.
Christophe Benavent
Professeur à Paris Ouest, Christophe Benavent enseigne la stratégie et le marketing. Il dirige le Master Marketing opérationnel international.
Il est directeur du pôle digital de l'ObSoCo.
Il dirige l'Ecole doctorale Economie, Organisation et Société de Nanterre, ainsi que le Master Management des organisations et des politiques publiques.
Le dernier ouvrage de Christophe Benavent, Plateformes - Sites collaboratifs, marketplaces, réseaux sociaux : comment ils influencent nos Choix, est paru en mai 2016 (FYP editions).
Atlantico : Le site internet de Toys R Us dans sa version britannique renonce au filtre garçon / fille dans son générateur de cadeaux. Quel peut être l'impact commercial d'une telle décision ? Comment les ventes de jouet peuvent elles être affectées ?
Quelles influences ont les stéréotypes sur la conception des interfaces de e-commerce et donc sur les filtres?
La compagnie de jeu Mattel fait jouer dans une publicité un garçon avec deux filles à la Barbie. Une telle campagne va-t-elle booster les ventes de Barbie pour garçons ?
Est-ce que ces campagnes montrent un changement de point de vue de la société sur les stéréotypes garçon / fille ? Où en sommes-nous en France ? Cette stratégie marketing a-t-elle été adoptée par des magasins de jouets ?
C'est au passage la force d'une entreprise comme Netflix, dont la stratégie passe justement par la mise au point continue d'algorithmes de recommandation et dont une autre spécificité est l'usage d'un très grand nombre de catégories et de sous-catégories qui justement sont destinées à donner plus de sens à la navigation en sortant de catégories prototypales, peu nombreuses, qui conduisent à choisir dans la catégorie ce qu'il y a de plus typique. Barbie pour les poupées. Et donc à concentrer les ventes sur un petit nombre de marques sans tirer avantage de l'ensemble de l'assortiment.
Se pose la question du choix des enfants eux mêmes. Au fond est il démontré qu'ils choisissent de matière spontanée leur jouet ou est-ce le fruit de conventions sociales inscrites dans notre société ?
Catherine Vidal : Des études ont démontré que les différences de choix des enfants n'intervenaient qu'à partir de 1 an où ils ont déjà largement été en interaction avec des adultes. Ceux-ci vont choisir des jouets et des activités déjà en fonction du sexe de l'enfant. Les enfants vont donc choisir un jouet en fonction des interactions qui ont déjà pu avoir lieu avec l'adulte et pour faire plaisir à celui-ci. Ceci a été démontré dans plusieurs études dont celle de 2012 (Fausto-Sterling Anne, Garcia C and Lamarre M. 2012 Sexing the baby: Part 1. What do we really know about sex differentiation in the first three years of life?, Social Science & Medecine, 74 : 1684-92.). Malgré ces avancées, d'autres personnes considèrent encore que le comportement de l'enfant est inné. Cet autre courant se réfère à des études qui ont été réalisées sur des singes. En effet selon celles-ci, les singes mâles préfèrent les camions et les femelles les poupées. Cela traduirait une origine biologique de nos choix. Il n'y a cependant que 2 expériences réalisées dans ce domaine là. Une en 2002 dans laquelle les singes mâles montrait une préférence pour les peluches et les femelles les casseroles. (Alexander Gerianne M and Hines Melissa, 2002, Sex differences in response to children's toys in nonhuman primates (Cercopithecus aethiops sabaeus), Evolution and Human Behavior, 23 : .467-479). Arrive une 2ème expérience en 2008 qui donne des résultats contradictoires avec une autre espèce de singe. (Hassett Janice M, Siebert Erin R, Wallen Kim, 2008 Sex differences in rhesus monkey toy preferences parallel those of children, Hormones and Behavior 54: 359-364.). À cela se rajoute bien évidemment le fait que les singes se sont séparés de l'espèce humaine il y a 30 millions d'années. Il est donc pour l'instant difficile de démontrer à l'heure actuelle que c'est naturellement que les garçons préfèrent les camions et les filles les poupées. C'est un sujet qui fait toujours débat puisque c'est un sujet idéologique.
En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.
Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !