Spirale infernale : plus on est assis au bureau, moins on se bouge à la maison<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Sport
Spirale infernale : plus on est assis au bureau, moins on se bouge à la maison
©Reuters

La flemme

Une expérience a été menée sur des personnes qui avaient la possibilité de travailler soit debout soit assis. Ils sont restés debout un peu plus longtemps dans la journée mais se sont plus reposés chez eux. Sachant que la sédentarité pose des risques pour la santé, il faut mettre fin à cette spirale infernale.

Gilbert Perez

Gilbert Perez

Dr Gilbert Pérès est ancien chef de service de physiologie et médecine du sport CHU Pitié-Salpétrière et Directeur d'enseignement (nutrition du sportif et sport-santé) Université Pierre et Marie Curie et Paris Descartes.

Voir la bio »
Bruno Burel

Bruno Burel

Docteur Bruno Burel est médecin du sport, président du Syndicat National du Sport – Santé. Cofondateur du Pôle Santé Sport à Rouen. Ancien président de la Société Normande de Médecine du Sport.

Voir la bio »

Atlantico : Lors d'une expérience menée par l'université de Loughborough, des personnes ont reçu un bureau permettant de travailler soit debout soit assis. Elles sont restées un peu plus longtemps debout au travail mais ont compensé ces efforts en restant plus longtemps assis chez eux. Comment expliquer un tel résultat ?

Gilbert Perez : Il y a en chacun de nous un "capital" bouger, manger, dormir qui se traduit par des comportements plus ou moins programmés de façon inconsciente. Si l’on bouge plus à un moment donné, on a tendance à le compenser par de l’inactivité après  de telle sorte que la dépense énergétique quotidienne sera stable : qu’il est fréquent de voir des "sportifs" se vautrer dans un fauteuil au retour d’un jogging, tout comme une personne en surpoids avoir une crise de boulimie après s’être un peu privée de nourriture. Les mécanismes relèvent de dérèglements de centres cérébraux, de la faim, de la satiété et peut-être en est-il autant de l’activité physique (AP). C’est écrire qu’il est difficile de modifier ces comportements sans une prise de conscience, sans "reprogrammation" mentale. En conséquence, de simples conseils d’AP ne peuvent suffire. Une "éducation préventive voire thérapeutique", travail régulier, répété, en profondeur pour des AP plaisir avec un éducateur sportif motivé et motivant sera nécessaire pour obtenir des changements de comportements significatifs et durables. Et ce changement de mode de vie devra concerner toutes les activités de la journée, tant au travail, qu’à domicile, lors des déplacements ou des activités de loisir.

Bruno Burel : Cette étude est basée sur du déclaratif des intéressés ce qui a peu de valeurs scientifique ; il aurait été plus objectif et scientifiquement acceptable de mettre des capteurs d’activités et autres "montres et téléphones connectés" aux sujets testés.

Quels sont les dangers de l'inactivité physique ? En quoi est ce dangereux pour la santé ?

Gilbert Perez : L’inactivité physique, c’est quand on fait moins de 30 minutes d’AP par jour, qu’elles soient manuelles, de loisir (jardinage, bricolage ou sportives) ou domestique. La sédentarité c’est toute occupation dont la dépense énergétique (DE) est faible, proche de celle de repos (regarder TV ou travail assis, jeux vidéo …). Parmi les 10 principales causes de mortalité évitable dans le monde : le 4ème facteur de risque de mortalité après l’hypertension artérielle (HTA), le tabagisme et le diabète, c’est la sédentarité (ce serait le 2ème aux USA après le tabagisme).

L’organisme humain est fait pour bouger au moins 1 heure par jour à intensité modérée toutes activités physiques comprises. Ainsi pour assurer des apports alimentaires sans risque d’apport insuffisant en macro- et micro-nutriments, il est recommandé d’apporter en kilocalories 1,7 fois le métabolisme de repos (1300 kcal/jour) soit environ 2200 kcal/jour. Si la dépense énergétique est inférieure du fait de la sédentarité, le risque est soit d’avoir un poids corporel équilibré mais avec une déficience voire des carences nutritionnelles du fait d’apports caloriques insuffisants, soit si les apports caloriques alimentaires sont de 2200 kcal/jour ou plus, de développer une obésité. Seule parade, bouger plus, cela  contribue à l’équilibre énergétique et à la lutte contre les maladies chroniques liées à la nutrition (diabète, dyslipidémies, surcharge pondérale…)  et plein de petits moyens sont utiles. L’AP entretient les articulations en stimulant la sécrétion du liquide synovial qui les lubrifie et maintient la souplesse des ligaments, sinon ce sont les raideurs articulaires, l’ankylose et la perte précoce d’autonomie, voire l’apparition précoce de rhumatismes (d’autres facteurs peuvent être en cause). L’AP entretient, selon ses caractéristiques de pratique, la puissance, l’endurance, la souplesse et le volume des muscles et favorise les connections neuro-musculaires pour une bonne commande de nos muscle, sinon, c’est la sarcopénie, diminution de la force musculaire, des gestes imprécis, une faiblesse participant aux chutes et à la perte d’autonomie. L’AP sollicite les organes sensitifs et sensoriels nécessaire à l’équilibre, à la sensibilité, au schéma corporel, à la précision et la vitesse des mouvements ; sans AP, tout cela se perd par non- utilisation. L’AP rend plus efficient le fonctionnement des appareils et systèmes pulmonaire et cardio-vasculaire et entretient le réseau vasculaire artériel et veineux : c’est essentiel dans la prévention de l’hypertension artérielle, des varices, thromboses (formation d’un caillot dans une veine) et phlébites (inflammation d’une veine). Elle prévient les maladies cardio-vasculaires (angor coronarien et infarctus) et vasculaires cérébrales. L’AP s’accompagne de modifications des sécrétions de certaines hormones (insuline, sexuelles ou de croissance) ce qui participe à réduire la fréquence de certains cancers hormono-sensibles (sein, ,prostate, col de l’utérus) ... L’AP favorise la circulation de l’eau et l’excrétion rénale et donc l’épuration de nombreux métabolites voire toxiques et assure un massage des intestins ce qui contribue à faciliter le transit intestinal et donc à prévenir la constipation.

La dépression hivernale est fréquente, l’AP construit une image positive de soi-même, une attention à son corps et à ses signaux d’alerte et participe à la sensation de bien-être et diminue le stress en libérant des hormones de «sensation de bien-être». Les Français sont parmi ceux ayant la plus longue longévité en Europe, mais ils ne sont qu’en dixième position pour la vraie longévité, celle sans maladie ou handicap : c’est directement du à l’inactivité physique, au mal-manger (alcool, excès de sucres et graisses saturées, pas assez de fruits, légumes et céréales) et au tabac. L’AP facilite l’adoption de règles de conduite capables de préserver l’intégrité de l’individu (addictions, tabac, alcool, etc.) par ses effets de renforcement mental et moral.

Bruno Burel : Les dangers de la sédentarité sont innombrables : maladies cardio-vasculaires, obésité, diabète, cancers, dépressions…en fait nombre de maladies actuelles dites « de civilisation » sont liées à la sédentarité et une alimentation trop riche (produits agro-industriels principalement).

Quelles sont les solutions envisagées ? L'idée de mettre en place un bureau où l'on peut être à la fois assis et à la fois debout semblait pourtant attrayante. Faut il faire plus d'exercice au travail ou au contraire en dehors ?

Gilbert Perez : Rester debout au travail n’est qu’une des nombreuses solutions et pas la plus satisfaisante au plan énergétique –dépense peu augmentée-, ni agréable (les chevilles gonflent, les veines des jambes se dilatent du fait de la stase veineuse…) à moins de bouger, marcher. Mette un système de pédales sous son bureau est mieux mais la réflexion est perturbée si l’intensité s’élève. Se lever et faire du jogging sur place et des mouvements de gymnastique 5 -6 minutes toutes les heures est une bonne solution. On sait que la station assise est un facteur favorisant l’apparition de pathologies chroniques en particulier métaboliques.

Mais, nous l’avons déjà écrit, ce qui convient c’est vrai changement de mode de vie. Il s’agit de bouger plus à toute occasion, comme le prônent les recommandations de l’OMS, de l’ACSM ou de santé Canada, en y ajoutant au moins 3 fois par semaine des séances de sport –pas de la compétition mais une AP plus intense pendant laquelle on se fait plaisir. Et tout est bon : Garer la voiture à 5 minutes du lieu de rendez-vous, prendre les escaliers, profiter de la pause déjeuner pour marcher 2 fois 10 minutes (avant et après déjeuner), déambuler en attendant le bus, passer plus de temps à bricoler ou à jardiner, faire une promenade avec un chien, utiliser les transports urbains -et descendre du bus une station plus tôt-, la marche ou le vélo pour les déplacements, diminuer le temps passé devant la télévision ou à lire ou, bien mieux, mettre un step(per), un vélo d’appartement (lire tout en pédalant) ou elliptique… devant sa télé, se lever et marcher (avec un podomètre, cela est motivant) ou pédaler 5 à 10 min toutes les heures. Désolé, cela peut paraître un peu basique, mais il est étonnant de constater le: manque d’idées pratiques, concrètes de beaucoup et la nécessité de leur insuffler un peu d’énergie mentale extérieure.

Et il s’y ajoutera donc des moments dédiés autant que faire se peut -et l’éducateur aidera le pratiquant à s’organiser- à une AP plus intense, proche du seuil de début d’essoufflement, donc sans excès, sollicitant selon les jours l’endurance, ou la résistance-musculation, des assouplissements, de l’équilibre, de la coordination, de la précision, donc à la fois de dépense énergétique mais aussi de contrôle moteur, le mieux étant de pratiquer avec des amis en clubs, associations, salles de fitness…voire chez soi en famille. Bouger plus et manger mieux !

Bruno Burel : Les recommandations sont connues = «30 minutes minimum d’activités physiques par jour » ; déplacement à pied et vélo ; descendre une station de métro avant celle habituelle, aller à la salle de sport, activités de plein air systématiques le weekend etc…

Enfin les pouvoirs publics sont ils suffisamment au courant des dangers liés à la sédentarité ? Quelles mesures d'encouragement peut il mettre en place ? Quel manque à gagner pour la sécurité sociale ?

Gilbert Perez : Les pouvoirs publics sont bien conscients de la nécessité d’une grande politique de santé publique en faveur du bien-manger et du bouger plus. Quant à y mettre les moyens, cela n’est pas simple et il y a nécessité de relais locaux suffisants. De grandes campagnes sont nécessaires, mais il ne peut s’agir de simplement recommander de marcher plus, il y a plein d’AP et de sports plus agréables ! Il conviendrait qu’elles soient relayées dans les entreprises (déplacements en vélo mieux subventionnés, gymnastique de pause toutes les heures bénéfiques aussi dans la prévention des troubles musculo-squelettiques), dans les villes (voies vélo insuffisantes ou mal protégées et moins de priorité aux voitures avec de vrais pars à l’entrée des villes…) et surtout dans les écoles : c’est dès le plus jeune âge que se programment les bonnes habitudes et pour l’AP, certains travaux scientifiques estiment que dès l’âge 2 ou 3 ans le petit enfant apprend le plaisir de bouger … s‘il lui est inculqué au mieux. Le bénéfice sera acquis bien plus tard, mais une politique de prévention se mène à long terme. Mais d’ores et déjà, il a été calculé que la mise à l’AP ou sportive des personnes à risque ou porteuses de pathologies chroniques permettrait dès maintenant des économies supérieures à 10 milliards € pour les assurances du risque sociale.

Bruno Burel : Les pouvoirs publics sont parfaitement informés de ce fait. Il est probable que le renvoi de la ministre Valérie Fourneyron du ministère des sports est liée la volonté qui est la sienne du développement du sport santé.
Le « pas assez bougé » est du même ordre que celui de « la malbouffe » ou de « l’agriculture intensive » : les intérêts industriels paralysent les politiques pour prendre les mesures évidentes qui s’imposent… n’oublions pas que ce sont les mêmes groupes qui possèdent l’industrie des médicaments, de la chimie agricole et de l’agro-alimentaire… Il est peut-être plus facile de transformer nombre de nos maladies de civilisation en des maladies fatales nécessitant la prescription de médicaments que de demander des efforts sur le comportement des individus…

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !