Voilà comment fonctionne réellement El Niño (et pourquoi le millésime 2016 risque d’être un des pires de l'Histoire)<!-- --> | Atlantico.fr
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El Niño prend naissance dans les eaux équatoriales du Pacifique.
El Niño prend naissance dans les eaux équatoriales du Pacifique.
©Reuters

Coup de chaud

El Niño est un phénomène très étudié mais encore relativement mal compris. Pourtant une chose paraît acquise : la version 2015-2016 risque bien d'être dévastatrice.

Il possède un nom christique mais peut potentiellement ravager tous les continents du globe. Inondations en Indonésie, sécheresse en Ethiopie, feu de forêt au Pérou, pluies torrentielles aux Etats-Unis, mauvaises récoltes en Asie... Le coupable de tous ces maux? Le tristement célèbre El Niño ("le garçon" en espagnol, ou le petit Jésus). Ce dernier est un phénomène climatique régulier (tous les 2 à 7 ans), qui prend naissance dans les eaux équatoriales du Pacifique, et dont les conséquences sont parfois dévastatrices.  Il aurait nommé ainsi dans les années 1800 par les pécheurs péruviens qui constataient régulièrement l'émergence d'un courant anormalement chaud. Ce phénomène avait lieu aux alentours de Noël…comme la venue de l'enfant Jésus.

Cela faisait 5 ans qu'El Niño n'était pas réapparu. En 2014, les météorologues l'attendait, mais il n'avait pas daigné pointer le bout de son nez. Car s'il est particulièrement étudié par les scientifiques, El Niño reste pourtant relativement mal compris. Alors comment fonctionne-t-il concrètement? Généralement, l'eau du Pacifique Est (sur les côtes américaines) est plus froide que l'eau du Pacifique Ouest. Cette différence de température est causée par les alizés, qui soufflent d'est en ouest, le long de l'Equateur. Ce faisant, ils entraînent les eaux de surface vers l'Océanie et l'Asie du Sud-est. En conséquence,  des eaux froides remontent des fonds marins du Pacifique Est pour remplacer les volumes transportés par les vents. Mais lorsque les alizés faiblissent, les eaux de l'Est ne remontent plus des profondeurs. Une vaste zone à l’ouest de l’Océan Pacifique, en zone tropicale, devient soudain anormalement chaude.

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L'apogée de ce phénomène se situe durant l'hiver et il dure ensuite tout le printemps. A l'opposé du Niño, on retrouve la Niña (petite fille en espagnol), qui traduit le phénomène inverse : une diminution de la température à la surface des eaux de l'est de l'océan Pacifique, autour des eaux équatoriales.

Le phénomène en 1997 puis son évolution observée en 2015

Ces phénomènes météo ont de multiples conséquences. En Indonésie et en Océanie, El Niño apporte un climat plus sec que d’ordinaire, et donc sécheresses et incendies. Vers l'Amérique latine, notamment au Pérou, au Chili et en Equateur, "l'enfant" amène, au contraire, un air plus chaud et chargé en humidité, provoquant de très fortes précipitations et des répercussions désastreuses sur la pêche (les eaux plus chaudes sont bien moins poissonneuses que les eaux froides riches en plancton).

"Niño provoque des bouleversements sur une grande partie de la planète, avec des répercussions locales", nous explique Frédéric Decker, météorologue. "L'installation d'une sécheresse en Australie et en Indonésie - Papouasie Nouvelle-Guinée ; des précipitations abondantes sur le sud des Etats-Unis et l'Amérique Centrale sous des températures plus basses qu'habituellement ; de la douceur sur le nord des Etats-Unis, le sud et l'ouest du Canada jusqu'en Alaska ; de fortes précipitations en Afrique équatoriale et un temps chaud en Asie..."
Et les conséquences d'El Niño ne se limitent pas aux littoraux de l’océan Pacifique. Ce phénomène bouleverse en réalité une grande partie de la planète à cause des télé-connections, ces liens de causes à effets entre diverses anomalies météorologiques. En Inde, par exemple, El Niño perturbe la mousson. Et  même en France métropolitaine, les études montrent une légère augmentation des précipitations ou des épisodes de sécheresse dans certaines régions.

Paradoxalement, El Niño ne possède pas que des aspects négatifs Il peut être un désastre humain et économique pour l'inde, l'Australie, la Nouvelle-Zélande ou encore le Chili. Mais selon une étude, il donnerait un "coup de boost" à l'économie de certains pays comme le Mexique, les Etats-Unis, l'Argentine ou le Canada.  En Californie par exemple, il pourrait mettre fin à une sècheresse qui dure depuis quatre ans. Mais sur des sols desséchés, le risque d'inondations est très fort.

(Source  : econ)

La puissance d'El Niño est très variable, tout comme ses conséquences sur les régions. Le dernier opus réellement dévastateur a eu lieu fin 1997-début 1998. Bilan à l'époque : 35 milliards de dollars de destruction, et 23000 morts. Les autres dévastateurs avaient été en 1982-83, and 1972-73.

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Et celui de cette année pourrait bien suivre le même chemin. Si avant l'été, les scientifiques estimaient qu'il serait relativement faible, ce n'est plus le cas aujourd'hui. On mesure la puissance d'El Nino en analysant la température de certains points dans la planète. Les derniers relevés sont particulièrement inquiétants. Il existe pour les experts une zone critique appelée la région Niño 3.4. Depuis mai, la température des eaux équatoriales du Pacifique est supérieure d'un 1,2 degré par rapport à la normale. Les conséquences sont déjà visibles en Inde, où il a provoqué une sécheresse impressionnante provoquant des milliers de morts. Mais cela ne pourrait être que le début.

C'est également en partie à cause de "l'enfant Jésus" que l'année 2015 a été la plus chaude jamais enregistrée. 2014 avait été l'année la plus chaude jamais enregistrée, alors qu'El Nino n'avait pas pointé le bout de son nez. L'année 2015, déjà bien parti, risque donc d'exploser tous les records. Et que dire de l'année 2016? En 1998, l'année avait été remarquablement chaude en moyenne, car on avait la combinaison du réchauffement climatique et d'un El Nino particulièrement fort. Car si son pic est aux alentours de Noël, l'apogée des températures, lui, se situe quelques mois après.

"El Niño est une sorte de "radiateur mondial",  constate Frédéric Decker. "L'année 2015 sera très probablement l'année la plus chaude sur Terre depuis les premiers relevés météo, battant ainsi... 2014 ! Et le réchauffement climatique a probablement un effet catalyseur sur El Niño... qui, à son tour, accélère temporairement le réchauffement mondial. La boucle est bouclée, c'est l'effet "boule de neige", un comble quand on parle de réchauffement ! La planète aura donc encore chaud jusqu'au printemps prochain au moins, lorsque le phénomène prendra ou devrait prendre fin".

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