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Sortie de l'euro : les deux exemples historiques à méditer...
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Europocalypse now

Malgré l'accord obtenu lors du sommet de Bruxelles vendredi, le scénario catastrophe d'une sortie de l'euro continue à obséder la presse anglo-saxonne. Qui ferait bien d'essayer de rassembler quelques souvenirs sur de précédentes sorties de zones monétaires intégrées...

Jean-Marc Daniel

Jean-Marc Daniel

Jean-Marc Daniel est professeur à l'ESCP-Europe, et responsable de l’enseignement de l'économie aux élèves-ingénieurs du Corps des mines. Il est également directeur de la revue Sociétal, la revue de l’Institut de l’entreprise, et auteur de plusieurs ouvrages sur l'économie, en particulier américaine.

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Chaque sommet européen consacré au sauvetage de la zone euro, conduit - eu égard à la cacophonie qui l’entoure - au contraire de son objectif, c'est à dire à rendre de plus en plus crédibles ceux qui clament que la fin de l’euro est inéluctable. Au début, ce genre d’assertion était le fait des pessimistes organiques qui vivent de l’annonce de catastrophes, et des eurosceptiques qui attendent depuis longtemps le signe d’un effondrement des réalisations d’une Europe qu’ils détestent.

Aujourd’hui, il n’y a pas que les éditoriaux haineux du Financial Times vis-à-vis de l’Europe qui font de la mort de l’euro une certitude. Certains des partisans les plus convaincus de l’Europe commencent à se demander comment l’égratignure que représentait la dette grecque sur l’économie de la zone euro a pu devenir en deux ans une plaie béante, à même de tout emporter. Et déjà à Londres, non sans gourmandise, on rappelle à la France que sur le plan de la politique économique, l’Angleterre a toujours eu 20 ans d’avance. Or, les Allemands ont expulsé le Royaume-Uni et la livre du SME (Système monétaire européen), l’ancêtre de la zone euro, en 1992…

Il faudrait donc commencer à envisager une fin de la zone euro pour 2012. Pour la France, cela signifierait d’abord une dévaluation. Et comme une dévaluation ne peut fonctionner que si elle est appuyée sur un sévère plan d’austérité, la France aurait à la fois l’austérité que le maintien de la zone lui promet, et une perte de pouvoir d’achat supplémentaire liée à l’inflation, du fait de la dévaluation. Pour y voir plus clair, on peut prendre deux exemples historiques.

Revenons d’abord à septembre 1992, quand la livre quitte le SME. Dévaluée instantanément de 6%, elle continue à glisser face au pivot du SME jusqu’à perdre 30%. L’impact sur l’économie britannique est multiple. Le taux d’inflation qui était de 0,4% en 1992 monte à 7% en 1995. La balance courante s’améliore entre 1992 et 1994 : on passe d’un déficit de - 0,3% du PIB à un excédent de 0,1%, puis se détériore sous l’effet de l’inflation. On retrouve là le fait connu que l’impact positif sur les exportations d’une dévaluation est annulé par l’inflation. Une dynamique qui impose l'austérité pour que la dévaluation rétablisse durablement la compétitivité. La croissance britannique, repartie grâce au commerce extérieur, s’essouffle assez vite : négative à - 0,5% en 1992 elle atteint 4% en 1994, mais n’est plus que de 2,5% en 1995. La situation budgétaire reste ambigüe, le déficit est de 6,3% en 1992, 7,8% en 1993, 6,8% en 1994 et 5,6 % en 1995.

La sortie du SME a donné en fin de compte un gain de PIB de 0,8 point en 1993 et 1994, mais l’inflation qui aurait dû être nulle en 1995 était de 7%. Quant à la dette publique, elle est passée de 50% du PIB à 47% en 1995, avant de repartir à la hausse ensuite.

Autre exemple instructif, la sortie du Mali de la zone CFA (Zone franc des colonies françaises d'Afrique) en 1962. La population, convaincue que le nouveau franc malien est moins fiable que le franc CFA, garde ses billets en CFA et exporte son épargne vers le Sénégal. Si bien que le Mali impose un contrôle des changes très répressif. Il ne réussit pourtant à opérer complètement l’échange entre les anciens billets et les nouveaux francs maliens qu’en 1967, après une dévaluation violente et une stricte politique d’austérité.

Pour résumer, vous qui attendez avec impatience la mort de l’euro, sachez qu’elle est possible, peut-être souhaitable, mais qu’elle signifie dévaluation, inflation, austérité et peut-être réapparition du « carnet de change »...

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