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 "Haro sur un prof" : les petits arrangements des inspecteurs d'académie dans leur rapport
©Reuters

Bonnes feuilles

Les profs ont toujours plus ou moins l'occasion de s'apercevoir qu'ils sont les pions insignifiants d'un système hiérarchique dont la finalité les dépasse.Il est question de pédagogisme, de conformisme académique et de toute puissance, de la part d'inspecteurs pouvant faire ou défaire une carrière à leur gré, capables de magnifier ou de dézinguer selon leur bon vouloir, des contenus ou des méthodes. tout cet univers est en réalité hautement politique, maçonnique et idéologique. Mais parfois des hommes dérapent, de ces chefaillons portant petit tablier dont il est impensable de sanctionner les pires errements. Et quand la machine s'emballe, quand on veut la peau d'un pion, la fin justifie les moyens et les laïcs emploient des méthodes forcément "pas très catholiques". Extrait de "Haro sur un prof", de Pierre Duriot, publié aux éditions Ed. Godefroy de Bouillon (2/2).

Pierre Duriot

Pierre Duriot

Pierre Duriot est enseignant du primaire. Il s’est intéressé à la posture des enfants face au métier d’élève, a travaillé à la fois sur la prévention de la difficulté scolaire à l’école maternelle et sur les questions d’éducation, directement avec les familles. Pierre Duriot est Porte parole national du parti gaulliste : Rassemblement du Peuple Français.

Il est l'auteur de Ne portez pas son cartable (L'Harmattan, 2012) et de Comment l’éducation change la société (L’harmattan, 2013). Il a publié en septembre Haro sur un prof, du côté obscur de l'éducation (Godefroy de Bouillon, 2015).

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Un nouvel inspecteur d’académie est arrivé, Régis Vacher, lui aussi controversé. Il atterrit dans notre petit département en fin de carrière, ce n’est certes pas une promotion. Il aurait un surnom, “Le tueur”, sous prétexte qu’il aurait convoqué un collègue, lequel aurait préféré se suicider plutôt que d’honorer ce rendez-vous à caractère disciplinaire. C’est un bruit qui court, non dénué de fondement. Il a été prévenu, ce Vacher, par son prédécesseur, des caractéristiques de Briare et il fanfaronne, se promène dans les couloirs en clamant qu’il serait “celui” qui mettrait Briare au travail. Les petites mains de l’inspection rient sous cape : “Il n’est pas sorti de l’auberge”. Patrick Briare s’est également taillé une réputation de fainéant patenté, délégant à tours de bras, exigeant même, en totale contradiction avec les usages, d’avoir non pas deux mais trois conseillères pédagogiques à son service. Il faut croire que les “dérogations”sont légion avec les Briare.

Pendant la même période, Madame, précédemment souriante et avenante sous son nom de jeune fille, est devenue acariâtre, autoritaire, a perdu sa jolie coupe au carré au profit de cheveux courts, à la garçonne, qui cadrent plus avec ses nouvelles manières tyranniques. Elle pratique une méthode tout à fait identique à celle de son mari, réussit à faire nommer, en dépit de toutes les règles élémentaires du mouvement départemental, une bonne copine dans sa ville de résidence. Ces deux-là creusent leur trou, se mettent en fait tout le monde à dos. Mais un petit événement va contribuer à asseoir encore mieux la réputation de Monsieur Briare car comme le dit MichelleDesmare: “Il se passe un truc à la photocopieuse le matin à l’inspection académique, le soir, tout le département est au courant”. Oui, le matériel moderne a toutes les utilités, surtout quand arrive du Ministère un rapport sur l’état de l’enseignement spécialisé dans notre petit fief campagnard. Il n’est pas exactement du goût du patron en second et la version informatique au format PDF le froisse légèrement. Qu’à cela ne tienne, il va s’enfermer dans son bureau, avec consigne qu’on ne le dérange sous aucun prétexte. Mais il ne sait pas manipuler un format PDF, cette manière de toujours déléguer au service informatique ou à la secrétaire en a fait un handicapé du clavier et surtout du logiciel. Qu’importe: les vieilles méthodes ont du bon. Il imprime une version papier et avec le blanc correcteur, raye les paragraphes et les alinéas ennuyeux pour son amour propre, repasse le tout dans la photocopieuse et hop, le tour est joué. Il reste bien quelques trous dans le texte, quelques traces moches sur la version définitive à remettre à Vacher mais, caractériel comme il est, il doit pouvoir être pris pour un âne, surtout par un gros malin. Régis Vacher n’est pas inspecteur d’académie pour rien et il file, version frelatée en main, au service informatique demander la version originale.

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Le chef du service informatique se fait un plaisir de la lui remettre, lui aussi a lu le fameux papier et sait fort bien qu’il a déplu. Briare en retirera un grillage définitif auprès de son supérieur direct, lequel va le malmener, lui imposer vents et camouflets, au besoin en réunion et en public. Quant au responsable informatique, il recevra les palmes académiques. Le pauvre les aura bien méritées. Il se bat régulièrement pour ne pas se retrouver complice de plagiats éhontés alors que plusieurs des inspecteurs se font fort de pomper, comme de vilains collégiens, de jolis projets mis au point par leurs collègues en apposant leur nom sous ces productions. Le Bruno en connaît un rayon. Il se balade par monts et pas vaux, de départements en académies extérieurs, en réunions, délégué par Briare qui ne supporte pas d’autres tâches que celles immédiatement à portée de son gros corps trop peu mobile. Ce conseiller reconnaît entre mille, comme un professeur aiguisé, les traficotages de ces messieurs dames, pour les avoir vus en présentation lors de ses déplacements. Et comme bien peu d’entre les inspecteurs ont pris le virage informatique, c’est chaque fois Bruno qui s’y colle pour la mise en forme des odieux pompages. Il faut bien une breloque pour arriver à digérer les couleuvres avalées. Cette boutique est une pétaudière. La petite inspection académique ne retient que ceux du cru, ceux qui sont nés ici, ceux qui médiocrement restent malgré la clause de mobilité des cadres. Il en passe un de temps en temps, qui sort du lot, qui travaille, qui ambitionne, alors il ne reste pas, faisant de cet endroit une terre déficitaire autorisant ainsi les dérogations.

Extrait de "Haro sur un prof", de Pierre Duriot, publié aux éditions Ed. Godefroy de Bouillon, 2015. Pour acheter ce livre cliquez ici.

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