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"Il faut sanctionner les clients
des prostituées"
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Vieux métier, nouvelles mesures ?

Un projet de résolution visant à "réaffirmer la position abolitionniste de la France" est discuté ce mardi à l’Assemblée nationale. Faut-il à terme pénaliser les client ? Oui, selon la présidente de la mission d'information sur la prostitution en France qui cite l'exemple de la Suède.

Danielle  Bousquet

Danielle Bousquet

Danielle Bousquet est une femme politique et militante du droit à l’égalité pour les femmes. Députée des Côtes-d'Armor, elle est  présidente de la mission d'information sur la prostitution en France.

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Atlantico : Un projet de résolution visant à "réaffirmer la position abolitionniste de la France" est discuté ce mardi à l’Assemblée nationale.Vous êtes présidente de la mission d'information sur la prostitution en France. Quel est l’objectif de ce rendez-vous ?

Danièle Bousquet : Nous nous réunissons suite à la La mission d’information sur la prostitution en Francequi affirme les quatre principes suivants :

  • Rappeler les engagements internationaux en matière de lutte contre la traite et la prostitution d’autrui.
  • Affirmer que la prostitution n’est pas une fatalité dans notre société.
  • Imposer notre volonté de lutter contre le système de la prostitution en place et de garantir les droits des personnes prostituées.
  • Changer le regard de la société sur la prostitution.

Pour cela, nous devons éduquer les enfants et la société toute entière. Et sortir des schémas que les médias véhiculent qui sont non conformes aux réalités de la prostitution. La France est abolitionniste en matière de prostitution - elle souhaite donc interdire toutes formes de réglementation concernant la prostitution - et elle mettra tout en œuvre pour y parvenir.

Qu’en est-il de la mesure de la pénalisation des clients ? 

Aujourd’hui, la société a une vision complétement fausse et archaïque de la prostitution.

Nous sommes toujours dans l’idée que les femmes exercent cette profession parce qu’elles aiment ça. La réalité est la suivante : 80% des jeunes femmes qui se prostituent sont originaire d’Afrique ou des pays de l’Est et sont dans des réseaux de proxénètes. Partant de ce constat, tant que les individus pourront acheter le corps des femmes, nous ne pourrons pas aller vers l’égalité sexuelle. Déjà tout petit, les garçons pensent que, moyennant finance, ils peuvent coucher avec une fille. Nous préconisons la nécessité d’informer et d’éduquer et ainsi permettre aux personnes prostitué(e)s de sortir de cette situation et d’obtenir des droits.

Il sera donc interdit d’acheter des services sexuels. Si des hommes transgressent l’interdit, ils se verront infliger une amende, nous envisageons donc une pénalisation du client. Nous ne préconisons  pas la pénalisation et la punition des hommes. Nous souhaitons poser l’interdit social d’achat de services sexuels. Il est inenvisageable de pouvoir acheter le corps de quelqu’un d’autre.

Quelles seraient les sanctions prise à l'encontre des clients ? 

L’homme qui pratique l’achat de service sexuel sera en infraction avec la loi et il sera donc soumis à une amende. Une amende d’un montant pouvant atteindre 3000 euros et en cas de récidive il pourrait être sanctionné d’une peine de prison.

Notre philosophie n’est pas de punir. Nous sommes dans un processus plus d’éducation que de sanction.

Quel bilan tirer de mesures semblables mise en place à l'étranger, en Suède par exemple ? 

Une loi est déjà appliquée en Suède depuis 1999. La loi est en vigueur  depuis plus de douze ans et aucune mesure d’emprisonnement n’a été prise. La loi a eu l’effet attendu et est un instrument important pour prévenir et combattre la prostitution. L’éducation en Suède a changé les comportements. Désormais c’est un pays libéré sexuellement, les individus n’ont pas besoin d’avoir recours à de l’argent pour avoir un rapport sexuel.

Nous souhaitons reproduire la même chose en France. Nous aimerions que d’emblée un garçon n’imagine pas payer pour avoir un rapport avec une fille.

Est-ce qu'une telle loi peut changer les choses sachant que c'est "le plus vieux métier du monde" ? 

Elle peut changer la perception des citoyens sur la prostitution. Dès lors que vous éduquez les enfants à l’égalité, assez vite, vous avez des résultats. Payer pour acheter un rapport sexuel n’aura plus aucun sens. Je parie sur l’éducabilité des personnes.

Prenons l’exemple de la Suède : au moment où la loi a été votée, seulement 30% de la population y était favorable. Actuellement 75% des Suédois sont favorables à cette mesure.

La manière d’aborder la question de la prostitution n’est plus du tout la même. Aujourd’hui celle-ci apparaît comme incongrue et inconvenante en Suède.

La prostitution ne joue-t-elle pas le rôle de soupape dans notre société ? Son abolition n'engendrerait-elle pas une prostitution clandestine et une traite des femmes ? 

C’est l’inverse. Partout où la prostitution a été légalisée - en Belgique, aux Pays bas ou en Allemagne - la porte à la traite des personnes a été grande ouverte. La prostitution apparaît comme un phénomène social complètement normalisé dans ces pays. Cela rapporte énormément d’argent : une prostituée peut rapporter jusqu’à 100 000 euro par an à son proxénète. Les mafieux font rentrer de plus en plus de femmes sur le territoire, lorsque vous avez 20 ou 30 filles sous votre coupe, vous faite fortune !  Légaliser la prostitution c’est ouvrir la porte à la traite des individus.

L’abolition de la prostitution n’engendrerait pas une clandestinité. En Suède, la prostitution a été diminuée par deux et cela ne s’est pas répercuté sur la clandestinité. Elle n’a pas disparu du jour au lendemain du fait de la précarité et de la différence qui existe entre les différents pays.

La prostitution n’a donc pas un rôle de soupape. Le viol ne régresse pas dans notre société. L’idée que les corps des femmes sont à disposition des hommes augmente le nombre de viol.

Il existe de vraies misères sexuelles dans nos sociétés mais la réponse n’est pas la prostitution. La réponse est une libéralisation sexuelle, où le sexe ne serait plus tabou.

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