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Légitimité menacée : faut-il encore vraiment promouvoir un humanisme aujourd'hui ?
©Reuters

Bonnes feuilles

Réflexion centrée sur la question de l'humanisme et sur la façon dont, depuis plusieurs décennies, celui-ci a connu un bouleversement radical. Rémi Brague montre en effet que la pensée moderne est à court d'arguments pour justifier l'existence même des hommes. Il démontre et proclame l'échec du projet athée des temps modernes. Extrait de "Le propre de l'homme", de Rémi Brague, publié aux éditions Flammarion (2/2).

Rémi Brague

Rémi Brague

Membre de l'Institut, professeur de philosophie à l'université Paris-I Panthéon-Sorbonne et à la Ludwig-Maximilians-Universitat de Munich, Rémi Brague est l'auteur de nombreux essais dont Europe, la voie romaine (1992), la Sagesse du monde (1999), La Loi de Dieu (2005), Au moyen du Moyen Age (2008), le Propre de l'homme (2015) et Sur la religion (2018).

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C’est l’humanisme premier, celui qui fonde et justifie les « humanités », qui me semble actuellement menacé. La question de l’humanisme a pris une tournure nouvelle, plus profonde et plus radicale. On se demandait jusqu’alors : comment peut-on promouvoir un humanisme ? Ce qui voulait dire : le défendre contre toutes les figures de l’inhumain. Aujourd’hui, la question est plutôt : faut-il vraiment promouvoir un humanisme ?

L’humanisme lui-même est dans le collimateur. On ne fait plus guère aujourd’hui que le défendre contre ses adversaires. On connaît le mot célèbre par lequel Schopenhauer ouvrait son essai sur la morale : « Il est facile de prêcher la morale, il est difficile de la fonder. » On pourrait l’adapter en disant : « Il est facile de prêcher l’humanisme ; il est difficile de le fonder. » J’ajouterai pour ma part : il est encore plus facile de tonner contre les ennemis de l’humanisme, que le danger soit réel, exagéré ou inventé à titre d’épouvantail.

On me permettra d’illustrer mon propos par une phrase que j’emprunte à un livre du philosophe et sociologue britannique John N. Gray. Je n’ai pas grandchose en commun avec cet auteur, mais il me semble avoir écrit de quoi jeter une lumière crue sur notre situation. Sa phrase ne concerne qu’indirectement l’idée humaniste, et directement le projet des Lumières, dont on sait d’ailleurs qu’il n’est pas sans lien avec celle-ci. Gray écrit : « Dans la période de la modernité tardive dans laquelle nous vivons, on affirme le projet des Lumières surtout par crainte des conséquences de son abandon. […] Nos cultures sont des cultures des Lumières non par conviction, mais par défaut. »

Or donc, je dis dans le même sens, à titre de thèse et sous une forme volontairement lapidaire : ce que nous comprenons aujourd’hui par « humanisme » n’est pas une affirmation, mais la négation d’une possible négation. Notre humanisme n’est au fond rien de plus qu’un anti-antihumanisme.

Extrait de "Le propre de l'homme - Sur une légitimité menacée", de Rémi Brague, publié aux éditions Flammarion, 2015. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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