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La chute des idoles : les footballeurs, la drogue et les festivités d'après match
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Bonnes feuilles

Des stades à la rue, en passant par "l'Arizona" - le plus grand marché de contrebande de médicaments, au coeur des Balkans - un roman noir sur une réalité brûlante encore taboue: le dopage dans le football. Plongée en eau trouble dans l'univers du foot business, un monde où l'argent et le mensonge coulent à flots. Extrait de "la chute des idoles", de Arnaud Ardoin, publié aux éditions Michalon (2/2).

Arnaud  Ardoin

Arnaud Ardoin

Arnaud Ardoin est journaliste, rédacteur en chef du magazine "Ca Vous Regarde" sur LCP, et présente le magazine "Ushuaïa le Mag" sur Ushuaïa TV.

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Il était 4 heures du matin et Rosa avait ce soir-là largement eu le temps de compter les quatre petits sons émergeant des entrailles du carillon plaqué or, offert à Noël dernier par les parents de Christophe.

>>>>>>>>>>>>>>>> A lire également : La chute des idoles : comment passer des stades de foot à la rue à cause de la maladie de Charcot

Rosa ne le savait pas encore, mais son Chris était tombé, comme toute l’équipe d’ailleurs, dans le pot belge. C’était un savant mélange d’amphétamines et de cocaïne, selon l’arrivage, comme disent les restaurateurs, une mixture inventée par les cyclistes pour les faire tenir pendant les jours de repos. Au début, Christophe avait refusé parce que c’était contraire à son éthique, peut-être à son éducation qui, aussi rudimentaire fût-elle, lui avait appris à gagner sa vie honnêtement, sans tricher. Ce soir-là, il jouait un derby, c’est-à-dire qu’il rencontrait l’équipe de la région, et donc pouvait rentrer le soir même puisqu’il jouait à domicile. Mais il avait préféré pavoiser en discothèque, selon un rituel très codifié. Les joueurs déboulaient comme des vedettes de cinéma montant les marches à Cannes. Défoncés par le pot belge qui apportait au plus timide l’assurance d’un comédien du “Français”, ils se laissaient désirer par les midinettes qui bloquaient l’entrée. Le pot belge, c’était un produit magique, il vous faisait oublier la fatigue, les douleurs du match, vous donnait des ailes et un sentiment de puissance extraordinaire.

En fait, le vrai danger c’était le dosage : trop d’amphétamines, c’était le risque de ne pas redescendre avant le petit matin et parfois même au-delà, c’est-à-dire ressentir ses effets pendant le décrassage du dimanche, et pas assez de cocaïne pouvait bousiller votre soirée et vous clouer sur la banquette de la discothèque tel un vieillard usé.

Ce soir-là donc, l’équipe avait gagné et ça donnait à la défonce un visage un peu festif. Les paupières de Rosa étaient de plus en plus lourdes, mais elle résistait car elle voulait savoir ce qui poussait l’homme qu’elle aimait à sortir, plutôt que de venir se blottir contre elle.

Il rentra enfin, il était 4h30. Rosait pensa qu’il était ivre. Il tenait le mur en essayant de retirer ses chaussures. Il paraissait nerveux, gesticulait. Christophe se croyait seul, donc se relâchait légèrement. Rosa resta silencieuse, dissimulée par un contre-jour, hésitant à se cacher derrière le canapé. Elle se concentra sur ses yeux, deux billes bleues rondes, aux pupilles dilatées. Elle avait l’impression que c’était un autre homme qui venait d’entrer dans sa maison. Christophe faisait d’étranges mouvements d’étirements comme à l’entraînement. La scène était presque comique. Il portait un jeans moulant, lui galbant les fesses, et, en haut, une chemise écrue en lin, très largement ouverte, laissant apparaître ses pectoraux rebondis.

Elle fut gagnée par une angoisse qui lui tenailla la gorge. Elle se sentit rougir, à la fois gênée par cette exhibition qui ne ressemblait pas à celui qu’elle aimait et peut-être aussi secrètement jalouse à l’idée que des centaines de femmes eussent regardé, effleuré, peut-être même touché ce corps. Christophe paraissait fou, habité par un drôle de démon. Dans la cuisine, il attrapa un verre, le remplit d’eau, le reposa et répéta l’opération plusieurs fois. Rosa décida alors de se lever, imaginant que l’eau coulant dans son corps allait le purifier, qu’en franchissant la porte elle allait retrouver le Chris des premiers jours.

Il sursauta, ses battements cardiaques, déjà rapides avec le pot belge, s’accélérèrent encore. Rosa comprit que la raison avait quitté son corps et qu’une bête en rut venait d’y prendre place.

Extrait de "La chute des idoles", de Arnaud Ardoin, publié aux éditions Michalon, 2015. Pour acheter ce livre,cliquez ici.

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