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Laurent Gbagbo passe devant la Cour pénale internationale ce lundi.
Laurent Gbagbo passe devant la Cour pénale internationale ce lundi.
©Reuters

New age

Laurent Gbagbo devant la Cour pénale internationale ce lundi, le printemps arabe qui a cloué au pilori plusieurs tyrans : sale temps pour les dictateurs... même si ceux-ci sont encore loin de disparaître du globe.

Bruno Fuligni

Bruno Fuligni

Bruno Fuligni est écrivain, historien, maître de conférences à Sciences Po et auteur de nombreux ouvrages sur l’histoire politique de la France. Il est l'auteur de "Le Monde selon Jaurès. Polémiques, réflexions, discours et prophéties" (Tallandier, février 2014). Il a aussi porté les discours de Jaurès à la scène avec ses pièces "La Valise de Jaurès" et "Quelle République voulons-nous ?"

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Sale temps pour les dictateurs ! Ben Ali renversé Mouammar Kadhafi liquidé, la clique syrienne fortement ébranlée… L’ancien homme fort de la Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo, dort quant à lui dans la froidure néerlandaise, premier ex-chef d’État à faire l’expérience de la Cour pénale internationale et de ses cachots. Enfin, si on regarde vers l’Union de Myanmar, que les béotiens persistent à désigner sous son ancien nom de Birmanie, tout indique qu’elle s’apprête à ne plus rester bien longtemps le conservatoire de cette forme paradoxale de gouvernement qu’est la junte – dictature collégiale, d’autant plus implacable qu’elle est impersonnelle.

Si les observateurs du monde entier peuvent se réjouir de voir décliner les régimes autoritaires, quelques souvenirs historiques devraient aussi tempérer l’enthousiasme ambiant. Comment ne pas se souvenir du coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte ? Les Français, qui avaient proclamé la République et le suffrage universel en février 1848, avaient élu dix mois plus tard " Napoléon-le-Petit " président, lequel s’emparait du pouvoir le 2 décembre 1851 et rétablissait l’Empire l’année suivante. 1848, " le printemps des peuples" en Europe, ne fut qu’une bouffée de démocratie, avant la sévère reprise en main des pouvoirs forts. Le même scénario ne saurait être écarté pour le "printemps arabe", dès lors que les premières élections législatives libres donnent l’avantage aux mouvements politiques assez durs pour être restés structurés sous les anciennes dictatures.

Il faut du temps, et peut-être quelques expériences malheureuses, pour que se diffuse dans un pays une véritable culture démocratique. Ni la Biélorussie, ni le Kazakhstan n’ont profité longtemps du pluralisme et de la liberté de ton qui ont un moment résulté de l’éclatement de l’URSS.

Avec cela, les régimes liberticides ont montré leur propension à s’emparer des techniques nouvelles pour accroître toujours leur emprise sur les personnes, ce qui laisse augurer de sombres lendemains qui déchantent.

On évoque aujourd’hui avec le sourire les anciens dictateurs de l’Amérique latine : le Paraguayen Rodriguez de Francia qui déroulait ses cigares avant de les fumer pour s’assurer qu’on ne l’empoisonnait pas, le Bolivien Mariano Melgarejo qui exhibait sa compagne nue sur la table du Conseil des ministres, le Dominicain Rafael Leonidas Trujillo qui donna son nom à la capitale et s’arrogea un droit de cuissage généralisé… Malgré tous leurs crimes, ces caudillos pittoresques n’évoquent plus que des anecdotes salées, tant s’est montrée terrible la génération suivante des leaders totalitaires – Mussolini, Hitler, sans oublier leur élève, le Croate Pavelic, qui extermina un tiers de sa propre population. S’emparant des possibilités qu’offraient la motorisation, la radio, les armes automatiques, ceux-là ont fait passer l’embrigadement et la répression à l’âge industriel. Dans quelques décennies, peut-être en viendra-t-on de même à regretter Kadhafi et Ben Ali, leurs dictatures rustiques, leur totalitarisme approximatif, en comparaison des outils de contrôle social qui s’offrent dès maintenant aux dictateurs futurs. Imaginons un Staline qui aurait rencontré Steve Jobs : flicage numérique, géolocalisation obligatoire, pilori interactif, délation en site partagé… Les dictatures ringardes sont mortes, mais le danger pour nous tous est aujourd’hui l’apparition de régimes qui n’auraient plus même besoin de police politique.

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