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Logement : quand les candidats aux régionales en Île-de-France proposent un bricolage de dispositifs existant déjà
©Flickr/unicellular

Claude Bartolone contre Valérie Pécresse

En Île-de-France, la campagne des élections régionales est lancée depuis quelques semaines. Et le logement et l'urbanisme ont une place importante au cœur des débats.

Vincent Bénard

Vincent Bénard

Ingénieur et économiste, Vincent Bénard analyse depuis plus de 15 ans l’impact économique et sociétal des décisions publiques, pour le compte de plusieurs think tanks et partis politiques promouvant les libertés économiques et individuelles.
 
Il est l'auteur de deux ouvrages “Logement, Crise Publique” (2007) et “Foreclosure Gate, les gangs de Wall Street” (2011).
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Atlantico : Comment expliquer cet intérêt pour la question du logement chez les franciliens ? Est-il plus important qu'en 2010 ?

Vincent Benard : En Ile de France comme dans tout le pays, l'immobilier a vu son prix exploser entre 1997 et 2007. Mais alors qu'en Province, depuis, les prix se sont stabilisés, ceux ci sont repartis de plus belle à Paris depuis le léger creux de la crise de 2008: Pratiquement +30% à l'achat à Paris Intra Muros, et 15% dans le reste de la région. A Paris intra muros, le prix des logements a augmenté 2,4 fois plus vite que les revenus des ménages en 20 ans ! Tant à l’achat qu’en location, cela affecte parfois durement le budget des ménages.

Le logement cher, et ses conséquences, comme l’insalubrité, l'explosion du nombre de SDF, la peur d'entrer dans la pauvreté par le logement, sont au centre des préoccupations des franciliens. Il est donc normal que le public veuille entendre de nouvelles propositions sur ce sujet. 

Quels sont les moyens financiers et réglementaires d'action que possèdent les régions pour mettre en œuvre ces politiques de logement ?

C'est là que le bât blesse: les régions ne sont que des acteurs secondaires du logement, qui n'ont que peu ou pas de prise sur les problèmes qui sont à la source de la crise. Les régions ne peuvent revenir ni sur la loi Mermaz de 89 (encadrant les baux locatifs) ni sur son renforcement via la loi ALUR, maintenue sur Paris par le gouvernement alors qu'il a reconnu que c'était une erreur. Elles n'ont aucun pouvoir sur la scandaleuse loi SRU, qui oblige les constructeurs de logements à répercuter (sans le crier sur les toits !) les pertes qu'ils enregistrent auprès des bailleurs sociaux vers les acheteurs des programmes privés neufs: c'est dans la montée en puissance de cet impôt déguisé qu'il faut chercher l'une des causes récentes du renchérissement récent du logement en Ile de France, assurément. Elles n'ont que très peu de levier sur nos lois urbaines nationales qui poussent vers un rationnement du foncier constructible au nom d'un concept absurde, "la lutte contre l'étalement urbain", qu'aucun parti "établi" ne remet en cause, faute de qualité de réflexion sur le sujet.

La région ne peut intervenir que par arrosage d'argent public sur des projets lancés par d’autres: subventions au logement social, au logement privé (via les acheteurs), et achat de terrain via les agences foncières. Bref, les lois ne donnent aux régions que des possibilités d'ajouter une couche d'interventionnisme et de planification supplémentaire aux dispositifs étatiques imposés aux municipalités. Et les partis établis ne s'en privent pas !

Justement, que proposent concrètement les principaux candidats (Claude Bartolone, Valérie Pécresse) en matière de logement ? Qu’est-ce qui les différencie ?

Ces propositions sont consternantes, en ce sens qu'elles ne sont qu'un bricolage des dispositifs existants et une fuite en avant dans la planification.

Claude Bartolone veut créer une  nouvelle entité fédératrice sur le modèle du STIF pour les transports, exemple dont chaque francilien peut chaque jour mesurer l'efficacité en additionnant les minutes de retard, les pannes, et l'hypercongestion des rames. Ce nouveau "bidule" aurait pour but d'identifier des "opportunités foncières" et d’opérer des préemptions de foncier libre au profit d’opérateurs publics... Et ce alors même qu'existe déjà un établissement foncier du Grand Paris en charge des mêmes missions !

Il veut également manier le fouet contre les élus qui ne font pas construire assez, notamment de logements sociaux, en leur faisant retirer la gestion des permis de construire. Pour le PS, la décentralisation n’est souhaitable qu’à condition de faire ce que veut l'Etat !

Face à ce délire autoritaire et bureaucratique quasi brejnevien, les propositions de Valérie Pécresse ne diffèrent que d'intensité, mais pas de philosophie. Elle veut assurer la présidence de l'établissement public foncier d'Ile de France pour... mobiliser des réserves foncières et opérer des préemptions. Ah, quelle originalité !

Concernant la loi SRU, elle ne manie pas le fouet mais la carotte, en parlant de privilégier des "incitations", comprendre "subventions". Elle ne remet pas en cause le principe même de la loi SRU.

Certes, la méthode Pécresse est moins critiquable que celle très autoritaire de son adversaire socialiste, mais elle pense le logement selon le même logiciel planificateur et étatiste que Bartolone. Sur le fond, elle ne fait, comme lui, que toiletter à la marge les outils dirigistes qui échouent depuis 60 ans.

De ce point de vue, la différence entre gauche et droite tient de la feuille de papier à cigarette. Par exemple, et à de rares exceptions près, comme Hervé Mariton, les politiciens "de carrière" se félicitent de l'existence de la loi SRU et de son objectif de 25% de logements sociaux. Un tel but devrait au contraire faire rougir de honte nos élus, puisqu'il implique qu'un quart de notre population ne pourrait, de toute façon, pas se loger sans l'aide de l'état ! Il entérine l'acceptation du fait que le quart de notre population soit trop pauvre pour vivre sans béquille publique.

Mais que pourrait faire une région appliquant vos idées en matière de logement ? Et y a-t-il une liste qui s'en rapproche ?

Oui, il s’agit de la liste "aux actes citoyens", alliance entre le Parti Libéral Démocrate*, présidé par Aurélien  Véron, et “Génération Citoyen”, le mouvement créé par Jean-Marie Cavada, qui veut réellement changer le logiciel de la classe politique.

La première chose à faire pour le logement  est de poser le bon diagnostic. Le logement souffre d'un manque de liberté: pas de liberté foncière, pas de liberté contractuelle dans les baux locatifs, fiscalité élevée renforcée par l'impôt caché SRU... Il faudrait recréer enfin un véritable marché libre du foncier et du logement.

La liste reconnaît que la région ne peut pas, dans le cadre légal d'aujourd'hui, agir directement sur ces points, mais elle a une proposition innovante, et donc provocatrice, sur ce sujet. Elle propose de cesser tout financement direct ou indirect de logements ainsi que les préemptions de terrains par des collectivités ou des agences foncières publiques. En contrepartie, elle propose d'aider les communes qui s’engageraient à libéraliser leur sol, et donc libérer le potentiel de constructions privées, au risque de dégrader leur sacro-saint ratio de logements "SRU", à payer leur amende au titre du non respect de cette loi !

Cela aurait pour effet d'augmenter l'offre foncière en Ile De France, donc d'en baisser le prix, et de ne pas inclure dans le prix du neuf une subvention cachée aux bailleurs sociaux... Et surtout, cela provoquerait un bras de fer avec l'Etat, puisqu'une telle mesure serait un contournement officiel et assumé d'une loi inepte. Et donc cela permettrait, enfin, de remettre en débat la loi SRU.

Après tout, les “grandes régions” appelées de ses voeux par la classe politique doivent cesser de n'être que les simples exécutantes des dispositifs économiques nationaux lorsque le législateur s'avère mal inspiré. Elles doivent au contraire être la source d'expérimentations adaptées aux réalités de chaque bassin économique, qui pourront par la suite inspirer l'état, fut-ce au prix de combats politiques difficiles contre les derniers jacobins.

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*Nb: L’auteur en est conseiller national

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