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Sensationnalisme et faits divers :
les médias faisaient bien pire avant !
©Reuters

Affaire Agnès

Le Syndicat national des journalistes et la CGT s'inquiètent d'une dérive médiatique dans le traitement de l'affaire Agnès. Mais pour le spécialiste des médias Patrick Eveno, rien de neuf sous le soleil : "Les médias qui s’intéressent à leurs lecteurs, à leurs téléspectateurs, leur donnent ce qu’ils veulent"

Patrick Eveno

Patrick Eveno

Agrégé et docteur en histoire. Professeur en Histoire des Médias à Paris I  Panthéon - Sorbonne.

Auteur de "Les médias sont-ils sous influence" aux éditions Larousse.

 

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Atlantico : Le syndicat des journalistes SNJ-CGT a dénoncé ce mercredi une "dérive médiatique" dans le traitement de l'affaire Agnès. Le sensationnalisme est-il un phénomène nouveau dans le traitement médiatique des faits divers ?

Patrick Éveno : La réalité historique, c’est que le sensationnalisme était encore plus évident avant. Si la presse vendait, c’est justement parce qu’elle en  faisait. Peut-être qu’en y revenant, elle se vendra un peu mieux. Le sensationnalisme fait vendre ? Et alors ? Le but est-il de faire la morale ou de vendre du papier ?

Les médias qui s’intéressent à leurs lecteurs, à leurs téléspectateurs, leur donnent ce qu’ils veulent. Entre autres, les faits divers intéressent le public. Les affaires DSK, de la petite Agnès ou Dupont de Ligonnès captivent le public. Les médias sont là pour renseigner, pour donner de l’information sur ces sujets.

Comment le traitement de ces sujets a-t-il évolué ?

Il dépend beaucoup de la société. On parle plus de certains sujets ou différemment car il y a des choses plus scandaleuses à certaines époques qu’à d’autres. Les médias évoluent avec la société.  Le public a une demande différente en fonction de la société dans laquelle il vit.

Certains sujets, comme ceux liés aux enfants, ont-ils un impact particulier sur le public ?

Ce qui a un impact particulier, c’est tout ce qui a trait à la déviance. Nous sommes dans une civilisation qui nous met sur des rails et nous amène à agir d’une certaine manière. A coté, il y a toute une série de gens qui sont déviants par rapport à ça et franchissent la ligne rouge. Comme ce sont des êtres humains - car c’est bien de l’humain dont il s’agit - cela nous interpelle, cela nous intéresse. Nous savons très bien que nous avons tous eu à un moment ou un autre une envie de dévier. Nous le faisons peut être à petite dose. Avec le fait divers, on est dans l’humain, dans le trop humain.

Ce ne sont pas les sujets liés aux enfants en eux-mêmes qui touchent le public. Par exemple, les enfants battus, ça n’intéresse pas tout le monde car c’est hélas quelque chose de banal. Par contre, tout ce qui est lié aux sévices sexuel vis-à-vis des mineurs, ça intéresse beaucoup parce que ça fait partie de l’imaginaire, du fantasme, du mythe. Cela fait référence à l’humanité totale depuis l’époque mythique jusqu’à nos jours où c’est toujours un fantasme lié à la société actuelle.

Comment la télévision traite t-elle de ces sujets ?

Pendant très longtemps, la télévision était une télévision du pouvoir. Elle était très timide, très timorée, elle ne parlait pas de plein de choses, y compris des faits divers. Elle s’est mise à en parler à partir du moment où il y a eu une libéralisation et une concurrence de la télévision dans les années 1980.

Est-ce qu’elle parle plus de faits divers ? Ça dépend des journalistes, des émissions, des moments, des crimes. On ne peut pas faire de généralité.


Pourquoi sommes-nous, en ce moment, interpellés par l’aspect sordide des faits divers ?

Il y a eu beaucoup de faits divers en quelques mois. Les journalistes ont la mémoire courte. La plupart ne se souviennent pas qu’il y a dix ou vingt ans, c’était la même chose. Ils étaient déjà interpellés en se disant que « c’est plus trash qu’avant ». Toutes les générations se sont fait cette remarque depuis deux siècles que ça dure. Dans dix ans, on se dira que c’est pire qu’avant.

Les journalistes pourraient se poser la question : pourquoi tant de réticence à traiter des faits divers ? Pourquoi considérer qu’il s’agit d’un objet sale qui n’intéresse qu’un public vulgaire ? C’est le fond de l’humanité qui est révélé par sujets. 

Propos recueillis par Romain Mielcarek

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