Les adolescents américains ont moins de relations sexuelles que leurs parents… mais pas les Français<!-- --> | Atlantico.fr
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Les adolescents américains ont moins de relations sexuelles que leurs parents.
Les adolescents américains ont moins de relations sexuelles que leurs parents.
©Pixabay

French kiss

Outre-Atlantique, le nombre de jeunes filles de 15 à 19 ans ayant eu au moins une expérience sexuelle a chuté de manière significative entre 1988 et 2013. Une tendance surprenante à l'ère de l’hyper-sexualisation des sociétés.

Michelle  Boiron

Michelle Boiron

Michelle Boiron est psychologue clinicienne, thérapeute de couples , sexologue diplomée du DU Sexologie de l’hôpital Necker à Paris, et membre de l’AIUS (Association interuniversitaire de sexologie). Elle est l'auteur de différents articles notamment sur le vaginisme, le rapport entre gourmandise et  sexualité, le XXIème sexe, l’addiction sexuelle, la fragilité masculine, etc. Michelle Boiron est aussi rédactrice invitée du magazine Sexualités Humaines

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Atlantico : Aux Etats Unis, la part de jeunes filles de 15 à 19 ans ayant eu au moins une expérience sexuelle est passée de 51% en 1988 à 44% en 2013. De la même façon, la proportion de garçon a chuté de 60% en 1988  à 47% en 2013.  Cette tendance baissière est-elle également remarquable en France ?

Michelle Boiron : Il y a toujours un décalage sur les mœurs entre les Etats-Unis et la France, alors même qu’avec les réseaux sociaux l’information circule librement et instantanément… Ce qui peut faire encore « résistance » c’est un peu la culture de chaque pays.

Les adolescents d’aujourd’hui sont soumis à une telle information sur la sexualité qu’ils en sont imprégnés à leur insu. Pas un magazine pas une pub, pas un discours sans qu’il soit question de sexualité et de « normes sexuelles ». Leurs stars préférées font l’objet de propos et de confidences graveleuses sur leurs pratiques sexuelles. Les amours romantiques se terminent en pugila et le lien ne tient plus.

Fort de cette masse de communication sur le sexe, on en « cause »… En revanche entre le discours ambiant et la pratique sexuelle c’est tout autre chose. Le comportement des adolescents est bien plus sage que leur discours. Ayant eu un accès si facile à la sexualité ils ont pour la plupart une approche de la sexualité, surtout pour la 1ère fois plus élaborée et qui requiert une exigence affective et sentimentale dans la relation. Certains au contraire le feront comme quelque chose qui doit arriver : « ça s’est fait » diront certaines jeunes filles pour la 1ère fois. Elles veulent être dans la norme.

Quelles seraient les raisons qui expliquent cette différence (contraception, mode de vie, éducation sexuelle)  ? Dans quel sens les mœurs évoluent-elles ? 

A la libération sexuelle de 68 et des années 70 est apparu le risque du sida qui a transformé la relation sexuelle libérée en une relation à risque de contamination « mortel ». Les adolescentes d’aujourd’hui  sont confrontées, dès leur premier rapport sexuel à plusieurs risques : celui de « tomber » enceinte, celle d’attraper une MST dont le sida et aussi de développer un cancer si la jeune fille ne se fait pas vacciner (vaccin du papillomas virus) avant leur 1er rapport sexuel… Avouons que ça peut calmer les plus délurées !

Il y a toujours plus d’enjeu pour le garçon que pour la fille à avoir un rapport sexuel plus tôt. Ce qui se joue aujourd’hui en relation avec la pornographie se sont les compétences. Le garçon qui a eu comme initiation les images de la pornographie est un peu inquiet sur la performance lors du 1er rapport… Il peut attendre d’être au top de la performance !

Quant à la fille quand bien même voudrait-elle singer les codes des stars du porno elle est le plus souvent fleur bleue et cherche la dimension affective et sentimentale pour ce passage à l’acte. Cela exige pour elle d’être en confiance et d’avoir un lien avec l’élu de la première fois. N’oublions pas que c’est au cours de ce premier rapport sexuel que l’adolescent va devenir dans le regard de l’autre un homme ou une femme. C’est un passage, un rituel qui dans certaines cultures est très codé. Notre société a perdu ces rituels et a laissé à la pornographie le soin d’initié la sexualité. Les images pornos ne sont que le reflet d’une sexualité virtuelle coupée du lien qui crée la relation sexuelle. Les images sont effractantes pour un adolescent car il transforme l’acte qui comme son nom l’indique doit être actif en une scène passive de celui qui regarde ces images. 

 La sexualité sert aussi à se séparer de ses parents. Peu de parents arrivent à communiquer avec leurs enfants sur le sujet de la sexualité car ils sont souvent eux même maladroits et pas très à l’aise avec le sujet.

Il subsiste une différence entre garçons et filles car les pères ont plus de mal à communiquer avec leur fils sur la sexualité que les mères avec leur fille. Laissant ainsi un boulevard à la sexualité sur Internet et les échanges verbales entre amis.  Néanmoins entre le discours et la réalité il y a tout un monde.

Les adolescents ressentent-ils un manque ou n'ont-ils tout simplement pas l'envie d'avoir autant de rapports sexuels qu'avant ? Qu'est-ce qui vient les "distraire" ? 

Les sollicitations de tous ordres dont sont victimes les adolescents autour de la consommation est abyssale. La sexualité fait aussi partie de ce « gavage» qui finira peut être par saturer leur désir… Pour n’être en fait qu’au service de leur excitation.

Les réseaux sociaux et la communication incessante sur un sujet qui est de l’ordre de l’intime modifie forcément les comportements et influence la sexualité de tous. Son accessibilité instantanée ne permet pas de se créer une véritable histoire… Ou bien alors elle est virtuelle.

La question de la normalité est incessante et vient questionner tout le monde à fortiori les ados qui doivent quitter un monde pour rentrer dans un autre : suis-je prêt(e) ? Suis à la hauteur ? Vais-je décevoir ?  C’est quoi un rapport sexuel réussi ?

Le côté « novice », qui entourait les premiers rapports sexuels emprunts d’émotion et de maladresses, était riche en découverte et en apprentissage à deux dans une relation qui racontait une histoire fait place aujourd’hui à un résultat une performance et une jouissance exigée ! A qui la palme du 1er rapport sexuel réussi ? Le recul de la première fois est peut être proportionnel à l’exigence de réussite qui requiert une préparation à l’acte! Comme un grand sportif … C’est sans compter avec l’alchimie des corps des instincts et des émotions nécessaire à la magie de la rencontre sexuelle.

Les réseaux sociaux ne laissent plus la place à l’ennui et au hasard d’une rencontre. Tout est programmé, le hasard est banni et la sensation de tout contrôler est aussi dans la rencontre. Le nombre possible des rencontres sur les applications comme Tinder et Happn jouent sur la rapidité de la mise en relation. Oui/non en un clic.

C'est une situation assez paradoxale, distingue-t-on d'autres tendances qui seraient semblables sur le plan de la sexualité en France ou ailleurs ? 

Notre société est en pleine mutation. La communication est partout. La relation à l’autre n’est plus instinctive mais elle est virtuelle. Comment se rencontrer ? Les sites de rencontres réservés il y a quelques années au laisser pour comptes est devenu une normalité incontournable. Au site de rencontres classiques c’est ajouté les sites de rencontres pour faciliter l’adultère. Le temps, le hasard, n’ont plus beaucoup de places dans la rencontre. Il faut être efficace et assurer. Point de salut sans la performance, l’efficacité et la réussite. La peur de décevoir et d’être déçu est insupportable. L’individualisme forcené conduit à une sexualité auto-érotique dans lequel la pornographie s’est introduite.

C’est une forme de délaissement de la sexualité en tant que relation sexuelle. C’est une coupure du lien réel à l’autre. Avec le virtuel en tant qu’image, l’autre va devenir le même dans son reflet. On est en panne d’altérité.

Cela se manifeste aussi dans la procréation : le phénomène est d’importance car dans les centres de FIV (fécondation in vitro) viennent de plus en plus consulter des couples qui n’ont pas de réels problèmes physiologiques mais qui veulent un enfant alors qu’ils n’ont plus de rapports sexuels.  Le rapport sexuel engendré par l’instinct de reproduction a été coupé et il fait défaut au moment où le désir d’enfant se profile. La jouissance était le moteur de leur sexualité, l’injonction de relation sexuelle pour « faire » un enfant devient compliqué, voire impossible ! 

L’humain devient tout puissant : « un enfant quand je veux », pas un enfant quand c’est possible. La progression de la médecine a permis cela. On est dans une société où les différences homme/ femme tendent à être réduites. La théorie du genre en est une représentation majeure.
Les opérations d’utérus artificiels existent aujourd’hui et la fabrication du spermatozoides n’est plus encore pour longtemps un secret ! Alors la relation sexuelle encore une question ou déjà un mythe?

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