Laurent Wauquiez : "Arrêtons de traiter les classes moyennes en cochons payeurs"<!-- --> | Atlantico.fr
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Laurent Wauquiez : "En France, on n’assume pas la notion de classes moyennes : pas assez chic, pas politiquement correct, elles n’existent pas,…"
Laurent Wauquiez : "En France, on n’assume pas la notion de classes moyennes : pas assez chic, pas politiquement correct, elles n’existent pas,…"
©Capture d'écran / Facebook Bernard Accoyer

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Le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche publie ce jeudi un livre intitulé "La Lutte des classes moyennes". Selon lui, "la France a un tabou sur les classes moyennes. Personne n’en parle".

Laurent Wauquiez

Laurent Wauquiez

Laurent Wauquiez est un homme politique français, membre de l'UMP. Député de la Haute-Loire, il est également vice-président de l'UMP depuis janvier 2013.

 

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Atlantico : Votre livre "La lutte des classes moyennes" sort ce jeudi. Pourquoi ce titre ? Quel est votre constat ?

Laurent Wauquiez : C’est un livre qui part d’une prise de conscience née de deux événements : le débat qui avait entouré mes propositions sur le RSA, et le décalage entre ce que j’entends sur le terrain et la petite scène parisienne. La France a un tabou sur les classes moyennes. Personne n’en parle. Il n’existe pas de réflexion sur leur place dans notre pays.

Depuis 30 ans, la France est le seul pays à avoir fait reculer la barre de la richesse nationale qui va aux classes moyennes. Les plus riches ont capté beaucoup plus avec la mondialisation. Les plus pauvres ont vu un renforcement considérable de la solidarité, voire de l’assistanat. Les seules qui ont reculées sont les classes moyennes. L’objectif de ce livre consiste donc à leur donner la parole puisqu’on ne les entend jamais ; je les appelle les « sans voix ».

Le titre est évidemment un clin d’œil à Karl Marx. Nous disons qu’aujourd’hui, la lutte des classes sociales est finie. Ce qui importe c’est celle des classes moyennes. Ce sont elles qui sont en lutte pour survivre.

Si l’on veut rééquilibrer les choses, il s’agit donc de lutter contre les profiteurs d’en haut, corriger les dérives de l’assistanat et remettre les classes moyennes au cœur du contrat social.

Concrètement, quelles sont vos propositions ?

Nous proposons un bouclier anti hausse d’impôts locaux pour interdire les augmentations de plus de 10% sur la durée d’un mandat d’élu. En effet, aujourd’hui, vous pouvez perdre quasiment un mois de salaire sur les impôts locaux car certains élus les ont augmentés sans vergogne de 30 à 40% sur un mandat.

Mais comment les régions pourront-elles alors financer leurs nouvelles missions ?

Ce ne sont pas aux classes moyennes de payer ! On a beaucoup de dépenses excessives dans certaines régions et Conseils généraux, avec des gens qui se comportent comme des barons locaux. Il est temps de remettre un peu de modestie et d’exemplarité.

Quelles sont vos autres propositions ?

Nous proposons de mettre en œuvre un plan épargne éducation : au moment de la naissance de l’enfant, on abonde une petite somme sur un compte en banque, puis la famille peut placer de l’argent dessus sur le modèle de plan épargne logement. Résultat : au moment où les enfants font leurs études, ils peuvent bénéficier de ces fonds.

Nous proposons également un seul contrat où l’on accumule des droits à travers le temps. Objectif : en finir avec les CDD/CDI ; les jeunes galèrent aujourd’hui en courant de CDD et CDD.

Je vous ai cité trois propositions. Il y en a bien-sûr d’autres. Je pourrais également évoquer l’idée qui a fait beaucoup de débat autour du logement social : si vous avez quelqu’un qui travaille à 30 km d’un logement social et qui a besoin de ce logement social pour pouvoir se rapprocher de son travail, il me semble tout de même normal de le privilégier. J’insiste beaucoup sur la question du logement dans le livre. Dans les années 1970, 20% du budget des classes moyennes étaientt consacrés au logement ; ce chiffre se porte aujourd’hui à 40%.

En face de chaque prestation, il doit y avoir une contrepartie : par exemple, on vous finance votre permis de conduire ? En échange, vous travaillez l’été pendant deux mois pour aider les autres.

Nos propositions s’attaquent également aux profiteurs du haut : tous nos artistes et grandes fortunes se sont expatriés en Belgique ou en Suisse mais continuent à travailler et vivre en France ? Ca suffit ! Nous proposons un principe simple : vous vivez trois mois en France, vous payez vos impôts en France (aujourd’hui il est possible de demeurer jusqu’à 183 jours dans notre pays sans y payer d’impôts).

Vous ne tapez pas plus fort sur les « pauvres » que sur les « riches » ?

Non. Cette impression est le résultat de la reprise médiatique qui a été faite de nos propositions. Mais sur les plus hauts revenus, nous avons des propositions très fortes : interdiction des stocks options sauf pour les start-ups et les PME, faire sauter totalement la possibilité de cumuler les niches fiscales sur les plus hauts revenus avec un seuil minimal d’impôt et la lutte contre les évadés fiscaux.

Comment définissez-vous les classes moyennes ?

C’est une question très française ! En France, on n’assume pas la notion de classes moyennes : pas assez chic, pas politiquement correct, elles n’existent pas,… En Allemagne, elles sont une évidence. En Angleterre, David Cameron a fait sa campagne sur ce thème. Aux Etats-Unis, Barack Obama dispose d’un vice-président qui est là uniquement pour observer ce qui se passe chez les « middle class ». Et nous en France, on en est encore à se demander si elles existent !

Les classes moyennes dans notre pays correspondent à 70% de la population. Elles regroupent trois valeurs sociologiques :

  • Elles vivent de leur travail, et donc ni de leurs rentes, ni de l’assistanat ;
  • Elles aspirent à posséder un logement ;
  • Elles considèrent que l’idée que leurs enfants aient un meilleur avenir qu’elles est fondamentale.

En terme de revenus, les classes moyennes se situent entre 1500 et 6000 euros nets par foyer (un couple dont chacun des membres touche 2000 euros nets appartient donc à la classe moyenne).

Vous dites que depuis trente ans peu a été fait pour les classes moyennes. Mais c’est essentiellement la droite qui a dirigé le pays ces trente dernières années, non ?

J’ai 36 ans, je n’ai pas à assumer le bilan des trente dernières années. Mais vous avez raison, il y a une responsabilité collective de la gauche et la droite. C’est pour cette raison que ce livre dit « ça suffit ! ». Les classes moyennes devraient être au cœur de la société, mais au final elles ne sont que des « cochons payeurs » : on ne pense à elles que pour payer.

Ce n’est pas un peu facile de se réveiller à quelques mois de l’élection présidentielle pour le proclamer ? Votre livre n’est-il pas électoraliste ?

Ecoutez, je porte ces convictions depuis cinq ans. Je les ai toujours poussées. Quand j’étais à l’emploi ou à l’enseignement supérieur, je me suis toujours battu pour elles (pour les bourses scolaires, notamment). On ne peut pas me suspecter de me réveiller un an avant l’élection présidentielle. 

La droite populaire d’un côté, la droite sociale que vous avez créée de l’autre : n’êtes-vous pas là pour ratisser large en faveur de Nicolas Sarkozy ?

Je pense avoir payé une addition suffisamment forte pour les convictions et idées que j’ai portées que ce soit quand j’ai parlé du logement social, du RSA ou des stocks-options… J’indique d’ailleurs dans le livre qu’à un moment j’ai proposé de prendre mes responsabilités : "Si vous n’êtes pas d’accord, je démissionne". Je ne suis pas là pour faire le courtisan, ce n’est pas ma vision de la politique.

Une dernière question : vous avez un modèle étranger pour vos propositions ?

Oui, l’Allemagne. Ce pays aime ses classes moyennes. Le modèle allemand est un bon modèle, selon moi, car il concilie la compétitivité économique et le sens de la solidarité ; une vraie solidarité, pas de l’assistanat.

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