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Le Grexit évité mais pour combien de temps… Puisque la dette grecque n’est pas remboursable ?
©Reuters

Nuance

Les débats autour de le crise grecque portent essentiellement sur la dette, considérée par l'Europe comme étant un problème en soi. Pourtant, une grille de lecture plus pragmatique s'attarderait au vrai problème qu'elle implique : sa solvabilité.

Gérard Thoris

Gérard Thoris

Gérard Thoris est maître de conférence à Sciences Po. il a notamment rédigé une Analyse économique des systèmes (Paris, Armand Colin, 1997), contribue au Rapport Antheios et publie régulièrement des articles en matière de politique économique et sociale (Sociétal, Revue française des finances publiques…).

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Atlantico : Dans quelle mesure la situation relève de la solvabilité ou de la dette en elle-même ? 

Gérard Thoris : On voudrait être optimiste qu’on ne le peut pas. Les économistes de tous bords ont rendu les armes et ce sont les politiques qui prennent les décisions, comme s’il n’existait pas de « lois de l’économie ». L’aide des créanciers s’impose lorsqu’il s’agit d’une crise de liquidités. C’est d’ailleurs pour cela que le FMI a été créé, suite à la faillite du Kreditanstald de Vienne, en mai 1931. Elle ne peut venir à bout d’une crise de solvabilité.

Que la Grèce soit en crise de solvabilité ne fait aucun doute. L’effet boule de neige de la dette y bat son plein. En 2015, le taux d’intérêt implicite sur la dette est assez faible (2,4 %) mais, malgré les plans de restructuration, il porte sur 180 % du PIB. Donc les intérêts sur la dette représentent 4,3 % du PIB. En face, la croissance prévisionnelle y est, au mieux, nulle. Donc, le simple service des intérêts de la dette oblige à diminuer le niveau de vie des grecs de 4,3 % en 2015. A la fin de l’année, ils seront contents : ils auront payé les intérêts sur la dette mais seront toujours aussi endettés !

La proposition dont se réjouit le Président François Hollande est celle d’un reprofilage de la dette. En termes plus traditionnels, il s’agit d’un moratoire, sous la forme d’un allongement de la durée de maturité des prêts. A supposer que l’Eurogroupe l’accepte, ce qui n’est pour l’heure qu’une hypothèse, il s’agit simplement de desserrer un peu l’étreinte pour que le condamné souffre plus longtemps. Pour qu’il en soit autrement, il faudrait que la baisse du montant des échéances, intérêts et principal, soit telle qu’elle génère un mouvement de croissance conséquent.

La clé de la solvabilité, on l’aura compris, c’est une croissance nominale supérieure au montant des intérêts à payer en pourcentage du PIB. En supposant que, pour une fois, les prévisions de la Commission de Bruxelles s’avèrent exactes, la croissance de 2016 serait de 3,66 %. Il faudrait donc que le poids des intérêts soit ramené en dessous de ce chiffre pour que la Grèce puisse commencer à rembourser le principal. Et encore, cela suppose que les fruits de la croissance ne bénéficient pas à la population, mais seulement aux créanciers !

Alexis Tsipras signe aujourd’hui ce qu’il refusait d’avaliser hier, après un référendum qui lui a été particulièrement favorable. Est-ce que les conditions posées par l’Eurogroupe sont acceptables par les Grecs ?

Amusons-nous un instant. Certaines des conditions imposées à la Grèce pourraient être suggérées à la France. Il en est ainsi des « mesures pour améliorer la durabilité du système des retraites » ou le respect des dispositions des traités européens, par la mise en place de coupes quasi automatiques dans les dépenses en cas d’excèdent budgétaire, ou encore la privatisation du réseau de transports électrice ou la réforme du marché du travail !

Il y aurait beaucoup à dire, ligne par ligne, sur ces conditions. Mais il devrait être clair désormais que le déficit budgétaire est une atteinte à la justice intergénérationnelle lorsque la croissance est en panne. Les conditions imposées à la Grèce sont donc « de raison », même si elles ne sont pas raisonnables.

La vérité des chiffres est en effet très cruelle. On ne sait pas encore ce que va représenter l’augmentation de la TVA ni celle de l’impôt sur le revenu. Par contre, la Grèce est supposé privatiser des actifs et utiliser la moitié des sommes ainsi obtenues (évaluées à 25 Mrds€) pour recapitaliser les banques ! Le même accord prévoit que la directive européenne sur le renflouement des banques soit transposée dans la législation grecque. Cela veut dire que la prochaine crise bancaire sera à la charge au moins partielle des déposants.

L’efficacité du plan repose plus largement sur le fait que l’augmentation de la TVA et des impôts directs n’entraîne pas une diminution de la demande d’une part, un accroissement de l’économie souterraine d’autre part. On s’en doute, rien n’est moins sûr !

Si l'on observe alors la situation de la Grèce à travers le prisme de la solvabilité, quelles solutions alors peuvent en découler ?

En bonne économie, une crise de solvabilité passe par la case « faillite » et apurement des dettes. C’est le cas pour n’importe quelle entreprise qui n’a pas été capable de valoriser son capital. L’idée que les Etats sont éternels et que les contribuables sont taillables et corvéables à tous les âges de la vie est une fiction lorsque la croissance et/ou l’inflation ne sont pas au rendez-vous.

La Grèce ne peut sortir de l’euro sans répudier ses dettes. Une dépréciation de la drachme se traduirait en effet immédiatement par une augmentation du poids de la dette exprimée en euros au-delà de l’insoutenable. C’est ce que tout le monde craint, dans le monde bancaire comme dans le monde politique qui lui est lié. L’attachement des Français à éviter le Grexit tient à la valeur d’exemple que cette première sortie engendrerait. A défaut de sortir de l’euro, que pourrait-on faire ?

Voilà cinq ans que nous défendons l’idée d’une remise des dettes publiques pour l’ensemble des pays de la zone euro. Elle permettrait de remettre les compteurs à zéro en portant les dettes sans collatéraux à l’actif de la Banque centrale. Au passif, on pourrait créer une ligne fictive « contribution de la BCE à la résolution de la grande crise européenne du XXI° siècle ». Le bilan serait équilibré. Fiction ? Oui. Mais a-t-on oublié que la contrepartie de la création monétaire, c’est la capacité de croissance économique qu’elle génère. L’opération de rachat de titres publics lancée par Mario Draghi au début de l’année 2015 relève quand même partiellement de cette logique pour les obligations publiques arrivant à échéance. Notre programme ne porte pas sur la marge, le renouvellement des prêts, mais sur la moyenne. Evidemment, l’opération initiée par Mario Draghi permet seulement d’assurer qu’il y aura un prêteur national en dernier ressort : la Banque centrale nationale. Elle ne résout pas le fonds du problème. Or, de manière très explicite, le protocole d’accord avec la Grèce ferme toute porte dans la voie d’une remise des dettes : « le sommet de la zone euro souligne que l’on ne peut pas opérer de décote nominale sur la dette ». C’est donc l’impasse.

Si nous pouvions arrêter de faire des prêts pour essayer de solder le passé, nous sauverions l’idéal de l’Union européenne. Cela nous mettrait parallèlement dans de bonnes conditions pour construire l’avenir.

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