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"libérale sans être caricaturale"
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France libre

Gaspard Koenig a prononcé un discours mercredi dernier à l'occasion du rendez-vous de la Galaxie libérale. En voici la retranscription. Il revient notamment sur le bilan de la BERD (Banque Européenne de Reconstruction et de Développement) pour laquelle il travaille et sur l'état des libertés en France.

Gaspard Koenig

Gaspard Koenig

Gaspard Koenig a fondé en 2013 le think-tank libéral GenerationLibre. Il enseigne la philosophie à Sciences Po Paris. Il a travaillé précédemment au cabinet de Christine Lagarde à Bercy, et à la BERD à Londres. Il est l’auteur de romans et d’essais, et apparaît régulièrement dans les médias, notamment à travers ses chroniques dans Les Echos et l’Opinion. 

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Après la chute du mur, certains ont cru le temps venu d’annoncer la fin de l’histoire : la démocratie et le capitalisme guideraient le monde vers un avenir simple et doux.

Les Etats Occidentaux ont même décidé, à l’époque, de créer une institution chargée de veiller à ce que l’histoire soit définitivement terminée, en promouvant l’économie de marché dans les anciens pays du bloc soviétique. Cette institution, c’est la BERD, la Banque Européenne de Reconstruction et de Développement, qui siège à Londres. Autant dire, le temple du libéralisme appliqué !

Qu’avons-nous appris depuis vingt ans que la BERD existe, de la Hongrie à la Russie en passant par l’Albanie, l’Azerbaïdjan ou  le Kazakhstan ? Nous avons appris que l’histoire ne se laissait pas faire. Nous avons appris qu’il faut être libéral sans être caricatural. Nul ne peut ignorer que, dans les années 1990, c’est le chaos qui a prévalu. Nul ne peut ignorer qu’en Russie, en l’absence d’Etat, ce sont les flibustiers qui ont prospéré. Nul ne peut ignorer qu’en Bulgarie, où l’on pensait que désormais tout pouvait s’acheter et se vendre selon la loi de l’offre et de la demande, on achetait et on vendait des enfants et des organes. Nul ne peut ignorer qu’en Yougoslavie, au nom du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, les peuples se sont entretués. Nul ne peut ignorer qu’en Ukraine, soudain entrée dans l’ère de l’argent-roi, l’argent a fait les rois, en permettant aux oligarques de régner sur le pays. Avec une incroyable brutalité, les pays de l’Est ont compris qu’il ne pourrait y avoir de liberté sans règle ni de marché sans Etat. La vie leur a appris en dix ans ce que Montesquieu ou Aron nous enseignent en mille pages.

Navigant à vue entre les écueils jumeaux du totalitarisme et de l’anarchie, les plus malins de ces pays ont su trouver la bonne balance entre une régulation juste imposée par un pouvoir central fort et l’éclosion des énergies assurée par un marché libre ; je pense à la Pologne ou à la Géorgie, qui affichent depuis des années des taux de croissance de 5 %. Allez à Tbilissi, regardez les jeunes ministres, souvent issus de l’école de Chicago : c’est le petit Hayek illustré. Et ça marche.

Il reste cependant un pays en Europe qui aurait bien besoin de ce genre de réformes. Ce pays, c’est la France. Un pays où gauche et droite s’entêtent à présenter l’Etat comme le seul remède possible aux excès de l’Etat, comme si le drogué était le mieux placé pour prescrire la cure. Vous connaissez tous les addictions françaises : addiction aux prélèvements obligatoires, addiction à la fonction publique, addiction à la réglementation.

Vous les connaissez tous, parce que tout le monde les connaît. Et c’est bien cela le plus extravagant : les problèmes sont clairs et les solutions sont simples. Lisez entre les lignes : nos journaux, nos blogs, regorgent d’un libéralisme qui n’ignore que son nom. Tendez l’oreille : les couloirs de Bercy, de Matignon, même de l’Elysée bruissent de « il faudrait que », de « si seulement ». Si seulement quoi ? Si seulement nos maîtres politiques avaient le courage, non pas de faire ce qu’ils disent ou de dire ce qu’ils font, mais de faire ce qu’il faut et que tout le monde dit.

 En fondant la Ve République, le général De Gaulle avait eu la bonne idée de créer la Commission Rueff–Armand, avec pour mission de supprimer les obstacles au développement du  pays. Vaste programme ! Cette commission préconisa quelques mesures de bon sens économique – car il s’agit de bon sens plus que d’idéologie : simplifier la réglementation, lutter contre les corporatismes, renforcer la concurrence, réduire les subventions, réformer l’administration, supprimer les avantages d’Etat, élargir l’assiette fiscale.

Tout a été dit, rien n’a été fait. Nos dirigeants, dans des éclairs de bonne volonté masochistes, remettent régulièrement ces idées au goût du jour. La dernière tentative en date fut une autre commission, la Commission Attali pour la libération de la croissance, qui connut le sort de ses prédécesseurs : il a suffi d’une poignée de taxis klaxonnant dans les rues de Paris à la veille d’élections municipales pour que l’on remette le couvercle sur l’économie française.

Il y a quelques siècles, la France a inventé la démocratie contre le despotisme. Aujourd’hui, elle est en passe de sombrer dans le despotisme démocratique. Il n’y a pas que Tocqueville qui le dit : même Brigitte Bardot est d’accord ! Elle qui déplorait récemment, en comparant l’époque actuelle aux années 1960 - je la cite : « le manque total de liberté… et Bardot d’ajouter poétiquement : On ressemble tous à des insectes caparaçonnés ». Et effectivement, regardez un peu nos vies d’insectes : Vous prenez la voiture : on vous flashe. Vous y mettez de l’essence : on vous taxe. Vous allumez une cigarette : on vous chasse. Vous mangez trop gras : on vous pèse. Vous décrochez votre téléphone : on vous espionne. Vous surfez sur Internet : on vous fiche, on vous spame,  on vous tagge. Vous plaisantez au bureau : on vous vire. Vous exprimez une opinion : on vous fait un procès. Vous la répétez : on vous condamne.

Alors moi, aujourd’hui, j’ai envie de dire aux candidats à la présidentielle : rendez-nous nos libertés : on vous élira !

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