Les Grecs sont-ils des corrompus paresseux ou des victimes d’une troïka psychorigide ? Le livre qui répond "les deux, mon général"<!-- --> | Atlantico.fr
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La responsabilité de la crise grecque est partagée, monte un nouveau livre publié jeudi.
La responsabilité de la crise grecque est partagée, monte un nouveau livre publié jeudi.
©Reuters

Responsabilité partagée

Dans The Full Catastrophe: Travels Among the New Greek Ruins (La pleine catastrophe: voyages dans les nouvelles ruines grecques), le journaliste gréco-américain James Angelos montre qu’au-delà de l’austérité imposée, la corruption généralisée et l’absence de politique fiscale efficace a mené la Grèce dans le mur.

"Giorgos Chatzifotiadis a 77 ans. Ce retraité, qui comme les autres Grecs n'a eu qu'un accès limité à ses revenus, s'est effondré, vendredi, en pleurs devant sa banque. Ce symbole de la Grèce, meurtrie par la crise, a été repris sur les réseaux sociaux" : comme des dizaines d’autres sites ce samedi, Ouest-France fait de cet homme un "symbole du pays meurtri".

Comment ne pas rester de marbre devant cette image, résumé parfait de "ces politiques d'austérité qui ont viré au cauchemar" ? "Je ne trouve aucun exemple dans l’histoire d’une dépression aussi délibérée et aux conséquences si catastrophiques, absolument aucun", a déploré cette semaine, dans les colonnes du Huffington Post, Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie.

"Il n’a servi à rien d’abaisser toujours plus le niveau de vie des Grecs", ajoute l’analyste financier Clive Crook dans un article publié par Bloomberg.

Atlantico publiait déjà en 2012 le point de vue de l’économiste Nikos Tsafos, qui écrivait : "L'austérité tue la Grèce. C'est du moins ce que l'on nous dit. Les hommes politiques et les médias ont une histoire toute prête : pour satisfaire les créanciers de la Grèce, le gouvernement réduit la dépense publique à des niveaux tellement bas que même les services de base délivrés par l’État sont mis en danger. En conséquence, le peuple grec, qui souffre de ces coupes sauvages, se rebelle. C'est l'histoire que l'on lit quotidiennement. Pourtant, presque tout y est faux."

Les lecteurs du nouveau livre du journaliste James Angelos, The Full Catastrophe: Travels Among the New Greek Ruins (La pleine catastrophe: voyages dans les nouvelles ruines grecques), pourront découvrir un autre aspect de l’histoire.

Le journaliste gréco-américain a commencé sa rédaction lors d’un reportage sur l’île de Zakynthos, en 2011. Il était allé enquêter sur une rumeur selon laquelle 2% de l’île était aveugle. Il a finalement découvert que sur les 680 "aveugles" de l’île, 498 étaient des fraudeurs ayant trouvé un bon moyen de toucher une allocation pour handicapés.

Cette découverte n’était que le sommet de l’iceberg. "Une rébellion éclate contre le Trésor public d’une île normalement très calme de la mer Egée. Le maire d’un bucolique village du nord de la Grèce est abattu par son trésorier. Un vétéran gauchiste de la Seconde guerre mondiale réclame des indemnités à l’Allemagne", résume l’éditeur du livre.

L’auteur "redonne vie à certaines des causes de la faillite du pays et examine les changements, certains plein d’espoirs et d’autres particulièrement inquiétant, qui émergent", poursuit-il.

Il rappelle ainsi que l'évasion fiscale est sans cesse revue à la hausse en Grèce : elle atteint 12% à 15% du PIB, ce qui représente un manque à gagner de 40 à 45 milliards d'euros par an pour l'Etat, expliquait en 2012 le directeur de la brigade grecque des contrôles fiscaux Nikos Lekkas.

Les armateurs qui représentent près de 7% du PIB du pays, ne paient aucun impôt. L'Église orthodoxe de Grèce, rattachée à l'État, deuxième propriétaire terrien avec 130.000 hectares de biens, a toujours bénéficié d'un régime fiscal très favorable. Et caetera.

James Angelos passe au crible les grandes histoires (en 2012, le président du Parlement et ancien ministre de la Défense Evangelos Meimarakis, George Vulgarakis, ex-ministre de l’Intérieur, de la Culture et de la Marine marchande et Michalis Liapis, ancien ministre des Transports, de la Communication et de la Culture, ont été accusés d’avoir détourné 10,27 milliards d’euros) comme les petites (8500 familles ayant "oublié" de déclarer le décès d’un parent pour continuer à toucher la pension de retraite).

Nicolas Pitsos, chercheur au Centre d’Études Balkaniques (CEB) de l’INALCO et chargé de cours d’histoire des Balkans à l’ICES, a toutefois expliqué à Atlantico qu’il ne faut pas généraliser –ce que se garde d’ailleurs bien de faire James Angelos.

"La fraude fiscale n’est pas un phénomène endémique en Grèce, il n’existe ni de culture fiscale propre aux habitants de ce pays, ni de comportement unique face à la conception de la contribution citoyenne aux ressources financières de l’Etat. La majorité de la population paye ses impôts, et la partie qui y échappe ou qui en est exemptée (notamment les professions libérales, les gros revenus, l’Eglise orthodoxe de Grèce), tout en représentant un véritable trou noir dans l’équilibre budgétaire et le redressement du déficit, ne saurait rendre compte toute seule de la gravité et de l’ampleur de la crise actuelle en Grèce.”, analysait-t-il.

Il rappelait qu’en 2009, "la Troïka (FMI, BCE, UE) s’implique activement dans la coordination de la politique économique grecque, dès lors, elle devient co-responsable de la gestion de la crise. Dès le début, ses lignes directrices, adoptées par les gouvernements grecs en place, dictent un programme d’austérité accompagné d’un discours moralisant et moralisateur, soulignant l’idée de la souffrance comme condition préalable au sauvetage."

"Les discours caricaturaux sont loin de nous informer et de nous instruire sur les causes d’une crise bien plus complexe qui n’exclut certes pas les responsabilités des différentes composantes de la société grecque engagées à des degrés divers et variés, mais qui ne peuvent pas être entièrement compris sans une référence à des facteurs extérieurs", écrivait-il en conclusion.

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