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Bilan mitigé pour le Bourget 2015
©Reuters

Aviation

Le Salon du Bourget est devenu le rendez-vous incontournable des acteurs du secteur de l'aviation, civile comme militaire. D'années en années pourtant, l'ampleur des innovations s'érode.

Jean-Vincent Brisset

Jean-Vincent Brisset

Le Général de brigade aérienne Jean-Vincent Brisset est chercheur associé à l’IRIS. Diplômé de l'Ecole supérieure de Guerre aérienne, il a écrit plusieurs ouvrages sur la Chine, et participe à la rubrique défense dans L’Année stratégique.

Il est l'auteur de Manuel de l'outil militaire, aux éditions Armand Colin (avril 2012)

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Renan Choyer

Renan Choyer

Renan Choyer est chef de projet dans l'aéronautique. Il est spécialiste du transport aérien civil sur les marchés émergents.

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Atlantico : Le Salon de l'aviation du Bourget a lieu en ce moment même, on annonce d'ores et déjà des commandes à la baisse. Qu'attendre de cette édition du Bourget ?

Jean-Vincent Brisset : Les médias ont pris l’habitude de présenter le salon du Bourget comme un match entre Boeing et Airbus, à coup d’annonces de nombre de commandes, ou de valeur des commandes selon ce qui était le plus favorable. Il est probable que, cette année, ces chiffres soient plutôt à la baisse. Mais les commandes qui seront passées sont peut-être plus solides que celles qui avaient marqué de précédents salons. Très spectaculaires, mais venant de compagnies qui n’ont eu qu’une existence éphémère. Le tassement de la demande est sans doute provisoire. Mais le Bourget, ce ne sont pas seulement des commandes d’avions de transport civils. C’est aussi, et surtout, le sommet mondial de l’aéronautique, qui continue de se porter plutôt bien, qui progresse et qui innove.

De manière générale, l'engouement pour ce salon semble s'être un peu atténué. Quelles raisons peuvent l'expliquer ?

Jean-Vincent Brisset : La première fois que j’ai assisté à un Salon du Bourget, c’était en 1959. J’avais 10 ans. C’était l’époque des patrouilles acrobatiques militaires, des démonstrations en vol d’avions de chasse bruyantes et spectaculaires, des prototypes extraordinaires. Tout cela dans une ambiance de Foire du Trône, avec des foules énormes. Petit à petit, le Salon s’est professionnalisé. Le public « ordinaire » n’est plus admis tous les jours, les patrouilles acrobatiques ont disparu, les prototypes sont remplacés par des avions de présérie. Les démonstrations, très bordées par des consignes de sécurité, sont beaucoup plus techniques et moins spectaculaires.

Toutefois, si les foules venues « au spectacle » ont disparu, il reste un public très fidèle. D’abord, celui des passionnés d’aviation, souvent prêts à tout pour s’approcher des machines et les voir voler. Et, surtout, celui des professionnels. Pour eux, au-delà des annonces qui sont surtout médiatiques, le Salon est une merveilleuse occasion de rencontrer la quasi-totalité des entreprises de l’aéronautique. Les très grandes, bien sûr, mais surtout les plus petites, celles qui ne peuvent pas s’offrir des structures de représentation permanentes dans le monde entier. A ce titre, le Bourget est irremplaçable et devrait le demeurer encore longtemps.

Aucune réelle nouveauté n'est donc à attendre, on reste dans la continuité des éditions précédentes. Les annonces de vente du rafale ne sont pas venus dynamiser le salon ? 

Jean-Vincent Brisset : Il n’y a effectivement aucune grande nouveauté spectaculaire qui serait présentée en vol et pourrait, à elle seule, créer le spectacle comme le firent le Concorde et le Tupolev. Cela ne veut pas dire, loin de là, que la construction aéronautique et spatiale stagne. Simplement, on est entré dans une ère plus mature. Après les grandes ruptures technologiques, on est passé aux progrès continus. Ils sont moins visibles, mais tout aussi importants. Aujourd’hui, les cellules deviennent plus légères grâce aux composites, les réacteurs sont plus performants, le remplacement des servitudes hydrauliques par des moteurs électriques fait gagner du poids, l’informatique embarquée permet de gérer de manière plus fine et plus efficace. Les aéronefs militaires changent aussi. Si les avions de combat de 5° génération sont absents du Salon, on sait qu’ils bénéficient eux aussi, outre d’une certaine invisibilité, d’une nouvelle manière de fusionner et gérer les données nécessaires à la mission. Tout cela ne se voit pas à l’extérieur mais est très réel. Quant aux ventes de Rafale, les autorités françaises ont préféré les rendre publiques immédiatement, avant même la signature ferme des contrats. L’effet est donc retombé aujourd’hui.

Après quelques jours de Salon, quel bilan pour cette édition 2015 du Salon du Bourget ?

Renan Choyer : Cette année encore, le Salon International de l’Aéronautique et de l’Espace aura tenu toutes ses promesses. Industriels, institutionnels et écoles se réunissent depuis lundi sur le site de l’aéroport du Bourget.

Côté aviation commerciale, Airbus et Boeing occupent le devant de la scène avec l’annonce de commandes d’avions se chiffrant à plus de 30 milliards de dollars. Une fois de plus les deux avionneurs ont impressionné par la vitalité de leur portefeuille de commandes : 154 commandes fermes pour l’américain tandis que le constructeur de Toulouse en affiche 124. Airbus a donc un carnet de 6 500 avions à produire !

Côté aviation militaire, ce salon a forcément une saveur particulière après l’annonce des deux contrats export Rafale (Egypte et Qatar), la négociation d’un troisième (lnde) et la perspective d’un quatrième d’ici la fin d’année (pays du golfe). Quelle année 2015 ! Les regards étaient donc différents au salon sur l’équipe Dassault-Thalès-Safran directement bénéficiaires de ces ventes (d’autres également se félicitent, notamment MBDA). Airbus Helicopters a également impressionné après ses multiples annonces, notamment le X6 et le contrat export pour le Caracal. Du côté des militaires, on aura aussi assisté au retour d’expérience du Caïman (NH90) déployé au Mali et à une cérémonie émouvante en souvenir des aviateurs français touchés par le drame d’Albacete.

Quel secteur a le plus profité de cette grand rassemblement de l’aéronautique ? Le civil ou le militaire ?

Renan Choyer : Les annonces des avionneurs confirment la bonne santé du secteur qui après plusieurs années de développement de nouveaux modèles (A350, 787, A400M…) fait face aux enjeux de production et de montée en cadence. En effet, on retiendra également de cette édition 2015 la bonne santé de toute la supply chain aéronautique, en commençant par les grands équipementiers européens Safran, Zodiac et Thalès. Ces derniers affichent une très bonne santé même si on relève une crise de croissance chez certains (entité sièges de Zodiac par exemple). Le civil bénéficie à plein du développement quasi continu du transport aérien mondial.

Des innovations intéressantes sont-elles à souligner ?

Renan Choyer : Le salon 2015 est véritablement un salon de rupture en matière d’innovation. Il y a eu les annonces autour des technologies de réduction du bruit et de la consommation des moteurs d’avions. L’Onera, le laboratoire français, a présenté son concept d’avion du futur appelé NORA. D’un autre côté, on retient les annonces autour de l’impression 3D, de l’usine de futur, du big data et des sciences de la matière.

Les innovations de numérique créent un nouvel environnement. Après avoir bouleversé le développement des avions avec la mise en place de maquettes, le numérique touche maintenant l’usine. Le numérique permet un changement du modèle de production. Ce changement de modèle touche toute l'industrie manufacturière et en particulier l’aéronautique. Sur le salon, on note la position de Dassault Systèmes sur son concept d’usine modulaire, plus petite, plus proche des zones de demande. Un sujet fondamental à suivre !

Côté big data, deux constructeurs de moteurs, Pratt&Whitney et Safran Analytics, ont présenté leurs nouvelles ambitions autour de la donnée moteur afin de permettre de la collecter en temps réel. Safran Analytics et Pratt&Whitney accroissent fortement leur capacité dans ce domaine afin de produire de nouveaux modèles de maintenance prédictive.  

Autour de l’impression 3D, la dynamique est très forte. Celle-ci permet de nouvelles formes de pièces, l’utilisation de nouveaux matériaux, la réduction du poids (de 10% à 30%), etc… L’“additive manufacturing” va donc se développer fortement. Par exemple, le constructeur  de moteur GE va investir plus de plus de 3.5Milliards de dollars dans les 5 prochaines années sur les techniques d’impression 3D (fabrication de pièces moteurs par exemple).

Enfin, les annonces ont été nombreuses cette semaine sur le composite qui continue de marquer des points dans l’industrie aéronautique toujours en quête de gain de masse afin de réduire la consommation des avions.

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