Quand la frustration sexuelle pousse adolescents et jeunes adultes dans les bras de l’Etat islamique<!-- --> | Atlantico.fr
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En rejoignant l'Etat islamique, les jeunes adultes occidentaux acquièrent la possibilité de se marier avec plusieurs femmes en même temps.
En rejoignant l'Etat islamique, les jeunes adultes occidentaux acquièrent la possibilité de se marier avec plusieurs femmes en même temps.
©Reuters

Le feu aux fesses

En rejoignant l'Etat islamique, les jeunes adultes occidentaux acquièrent la possibilité de se marier avec plusieurs femmes en même temps et de posséder des esclaves sexuelles (exclusivement des "mécréantes" : femmes chrétiennes, juives, musulmane modérées…).

Patrick  Amoyel

Patrick Amoyel

Patrick Amoyel est psychanalyste, spécialiste du djihadisme. Il est également Directeur des recherches Freudiennes à l'Université de Nice, et Vice-Président de la Société Méditerranéenne de Psychiatrie, Pédopsychiatrie, Psychologie Clinique (SM3P).

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Atlantico : La frustration sexuelle serait l'un des facteurs qui pousseraient certains jeunes adolescents ou adultes à rejoindre les rangs de Daesh. La confrontation entre les valeurs du cercle parental et celles de l'Occident sont-elles autant d'explications à cette frustration ?

Patrick Amoyel : Il est indéniable que dans certains courants de l'islam, le rapport à la sexualité est extrêmement difficile, rigoureux voire rigide. Au sein de quelques familles immigrées, il peut y avoir des tabous sexuels mais, généralement, pas plus qu'au sein d'autres familles françaises. En revanche, c'est l'assentiment actif ou passif et parfois même le silence des parents liés à l'endoctrinement extérieur qui peut donner lieu à une frustration sexuelle chez le jeune garçon.

Le côté rigide de la famille ne suffit pas, pour que le jeune homme rejette l'idée d'une sexualité libre, "occidentale", donnant lieu à une frustration il faut qu'il entre en contact par diverses moyens –textes de l'islam radical, fréquentations, réseaux sociaux- avec l'islam radical. C'est alors qu'il réévalue sa perception de la sexualité et rejette, par la suite, toute forme de plaisir quel qu'il soit.

Cette vision d'une sexualité interdite hors des liens bien définis du mariage –lequel dans ces situations ne peut avoir lieu qu'avec des femmes observant la même lecture du Coran- est apparu chez les jeunes issus de l'immigration après les attentats du 11 septembre 2001. Avant cette date, l'intégration était la préoccupation principale de ces jeunes. Après ce drame, s'est développée une certaine forme de défiance vis-à-vis de l'Occident et celle-ci transparaît par la question de la sexualité.

Ce phénomène est aussi observé chez les jeunes filles, auparavant elles n'hésitaient pas à revendiquer une liberté sexuelle à l'Européenne, à présent certaines d'entre elles portent le voile, s'habillent bien plus strictement et cherchent des maris très pratiquants qui feront d'elles des femmes honorables.

Pour cause d'une atmosphère familiale qui réprime les besoins sexuels de l'enfant, celui-ci se sent incompris, et face à d'autres jeunes de son âge bien plus libres sexuellement, il se retrouve à l'écart. Cette double exclusion est-elle facteur de radicalisation ?

On retrouve ici l'idée d'un passage du dérisoire au grandiose. Le dérisoire s'apparentant à la vie de tous les jours, la routine. C'est-à-dire que le jeune fera peut-être des études, lesquelles mèneront à un métier plus ou moins bien payé. Cet argent lui permettra de consommer et de se divertir.

Pour certains jeunes immigrés ayant déjà connaissance des promesses portées par la radicalisation, cette vie paraît bien fade face à l'offre grandiose que propose Daesh ou d'autres groupes islamistes radicaux similaires. En outre, le jeune se voit promettre une vie grandiose, celle d'un guerrier sauvant le monde et s'éloignant de la mécréance occidentale.

Du point de vue de la sexualité, la même notion d'un passage du dérisoire vers le grandiose existe. En France, le jeune est un garçon normal, perçu comme un garçonnet, alors qu'une fois dans les rangs de l'Etat Islamique il deviendra un homme, un vrai.  C'est ici qu'intervient une certaine conception de la virilité, sur place le jeune homme frêle s'efface pour se transformer en un guerrier musclé.

De plus, ces individus perçoivent les femmes occidentales comme ayant des mœurs légères, raison de plus de quitter l'Europe pour un pays où les femmes seront respectueuses, sérieuses. Toute la jouissance qui leur était interdit en Occident, devient alors permise par la religion. Ils pourront se marier avec quatre partageant leur vision radical de l'islam et posséder des esclaves sexuelles (exclusivement des mécréantes : femmes chrétiennes, juives, musulmane modérées…). Ces formes de plaisir leur sont ici permises –Mahomet avait quatre épouses et plusieurs esclaves sexuelles- ce qu'ils ne peuvent se permettre s'est d'aller draguer des femmes "instables".

Comment est-ce que les cadres de l'Etat Islamique jouent-ils sur la frustration sexuelle de jeunes hommes pour les attirer dans leurs rangs ?

La force de ses cadres, c'est d'avoir recours à l'idée du paradis. Si l'on fait une lecture radicale de l'Islam, tous les plaisirs de la vie sont autant de risques de ne jamais pouvoir rejoindre le paradis. Ainsi, plus on est frustré sur terre plus on a de chance d'accéder à la vie réelle, c'est-à-dire la vie après la mort.

La femme occidentale est source de frustration, c'est la tentatrice avec laquelle on ne peut se retrouver seul dans une pièce, à laquelle on ne peut serrer la main. Une fois dans une région contrôlée par l'Etat islamique, ce problème s'évapore puisque les femmes partagent ces valeurs.

Cependant, le plaisir infini –qui dans l'islam radical s'apparente au plaisir charnel, la luxure- n'est atteignable qu'une fois les portes du paradis franchies. C'est d'ailleurs cette promesse d'une sexualité florissante (nombreux sont ceux qui croient au mythe de 72 vierges éternellement disponibles) qui facilite le recrutement de toujours plus de jeunes gens. En effet, oui il va falloir se battre pour Dieu, tuer ou se faire tuer par des mécréants mais une fois dans l'au-delà toute forme de frustration s'évanouira. La question de la sexualité est donc consécutive de la question du paradis et de l'enfer. 

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