430 milliards d’euros de manque à gagner depuis 2008 : la France, cette vieille dynamo à l’incroyable potentiel économique gâché par des politiques inadaptées<!-- --> | Atlantico.fr
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La France, cette vieille dynamo (ici en illustration) à l’incroyable potentiel économique.
La France, cette vieille dynamo (ici en illustration) à l’incroyable potentiel économique.
©wikipédia

Rétro-prospective

Alors que le pays semble encore paralysé par le sentiment de déclin qui atteint la population, les statistiques de la productivité et de la démographie classent pourtant le pays comme un fort potentiel des économies développées. Un potentiel gâché équivalent à 20% du PIB depuis l'entrée en crise.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Depuis que l’idée d’un pays en faillite s’est imprimée au sein de l’opinion publique, l’autodénigrement permanent est devenu un style de vie pour la France post-crise de 2008. Le pays serait malade de tout, ses dernières décennies ne se résumeraient qu’à un échec politique et économique total, et la stagnation de sa croissance serait l’unique horizon envisageable. Inversement à une telle approche, le Prix Nobel d’économie Paul Krugman déclarait en juin 2014 dans une interview à l’Obs : "La France est devenue une hypocondriaque de l'économie, une sorte de malade imaginaire, toujours prête à croire qu'elle est en difficulté alors qu'elle ne l'est pas vraiment et à se laisser trop facilement intimider". Face à une telle contradiction, l’enjeu est de déterminer si la France est un pays structurellement voué au déclin, ou simplement en proie à des difficultés d’ordre conjoncturel.

Parce qu’au regard des standards internationaux, le pays n’a pas beaucoup à rougir face à ses concurrents. La France est aujourd’hui un potentiel parmi les plus prometteurs des économies développées. Ainsi, la mise en perspective des statistiques des 10, 15, ou 20 dernières années démontrent la réalité de ce potentiel, tout en pointant, quand même, une franche incapacité à sortir de cette crise dite des subprimes.

Puisque la croissance est déterminée par les deux facteurs principaux que sont la productivité et la démographie, il suffit de mesurer ce que sont désormais les atouts de la France pour mettre en évidence le gâchis actuel. Ainsi, en termes de productivité horaire, la France se hisse parmi les premières puissances économiques, et se trouve notamment classée devant l’Allemagne :

Indice de productivité horaire. OCDE. 2012.

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S’il peut être argumenté que la productivité horaire de la France est élevée en raison d’un important taux de chômage chez les personnes non qualifiées, et donc exclues des statistiques, la productivité horaire française n’a toujours rien à envier à celle de pays bien plus dynamiques aujourd’hui, comme l’Allemagne ou le Royaume Uni.  De plus, ce taux de chômage élevé indique également que la réserve de travail disponible reste très profonde en France. Le maintien de personnes hors de l’emploi est une hérésie économique aussi bien pour les chômeurs que pour le pays.

Ce qui nous ramène au deuxième facteur de la croissance, c’est-à-dire le potentiel démographique. Ici encore, le pays navigue au sommet des classements internationaux :

Nombre d’enfants par femme. 2012. OCDE.

Mais la simple progression de la démographie du pays n’est pas exactement synonyme de la hausse de la population en âge de travailler, c’est-à-dire du potentiel de travail du pays. Selon le rapport de la Commission européenne relatif au vieillissement, cette population connaîtra une croissance de 4.2% d’ici à 2060, à comparer à une chute vertigineuse de 28.8% en Allemagne. Dès lors, en 2060, la population an âge de travailler sera supérieure en France qu’en Allemagne. Ce qui signifie également que le PIB Français aura alors la capacité de dépasser celui de son grand voisin Allemand.

Et cette comparaison systématique de la France avec l’Allemagne permet également de comprendre l’origine du malaise actuel. Car depuis plus de 20 ans, le leader économique en termes de croissance n’est pas celui que l’on croit. Lorsque l’on compare la croissance économique des deux pays depuis 1997, la France reste loin devant, puisque l’Allemagne n’est pas encore parvenue à colmater sa stagnation du milieu des années 2000.

Croissance réelle. France (Bleu) – Allemagne (Rouge). Source INSEE – DESTATIS. Base 100

Plus surprenant encore, les investissements directs en provenance de l’étranger (IDE). Alors que la taille de l’économie allemande est équivalente à 135% de celle de la France, les investissements réalisées dans chacun des pays au cours des 10 dernières années est à la faveur du second, ce qui permet de mettre en avant son attractivité :

Les Investissements directs de l’étranger. Source OCDE 

Le renversement de tendance observé depuis la crise, marquant une nouvelle fois le problème conjoncturel du pays, ne suffit pas à l’Allemagne de passer devant la France en termes d’IDE pour le total des 10 dernières années :

Total Investissements directs étrangers. En milliards de USD.  France / Allemagne

Le constat ne fait que peu de doutes, la France n’est pas le cancre annoncé, juste une belle machine endormie depuis peu.  Et cette date peut être fixée précisément à l’année 2008. En effet, entre 1997 et 2007, la croissance française (nominale) s’est affichée à un rythme moyen de 1% par trimestre. (0.6% en termes réels). En extrapolant ce potentiel économique aux années de crise, la divergence de tendance devient significative :

Croissance France (bleu) contre tendance pré-crise (pointillés noirs).(1997-2007). INSEE

L’écart constaté entre la réalité et le potentiel constitue le manque à gagner de la croissance du pays, soit un total proche de 430 milliards d’euros si l’on raisonne en terme nominal, soit 20% de croissance par rapport au niveau actuel :

Différentiel de croissance nominale France contre tendance pré-crise. INSEE

Ces 20% de croissance perdues sont la cause du marasme actuel, d’un taux de chômage supérieur à 10% et de la fausse conviction d’un horizon bouché. Parce que La France n’est pas dans une situation de déclin structurel.

Mais ses dirigeants sont tout simplement incapables d’exploiter pleinement le potentiel du pays, c’est-à-dire de rétablir une stratégie économique de soutien à la croissance et au plein emploi. La mise en place d’une telle politique macroéconomique de croissance au niveau européen est la mère de toutes les réformes économiques, et nécessite une refonte des traités fondateurs. Vers la sacralisation du plein emploi comme objectif économique prioritaire, comme le font les Etats Unis. Une fois ce point réglé, les réformes de l’offre seront alors les bienvenues, non pas pour atteindre le potentiel du pays, mais pour que ce potentiel puisse encore progresser.

Alors que le pays se classe comme la première puissance économique européenne en devenir, le pouvoir actuel se contente de le diriger comme un pays de seconde zone, et ce, au détriment de l’intérêt général du continent. En attendant, le dénigrement continu, et la position de faiblesse est encore vécue comme une évidence. Car cela n’est pas une nouveauté, comme pouvait l’écrire Raymond Aron dès 1957 :

"Toutes les nations se mettent de quelque manière au-dessus des autres –à cet égard, les personnes collectives ressemblent aux individus – mais elles sont aussi traversées de doutes, d’inquiétudes, parfois en proie à des complexes d’infériorité ; La France, à en juger par sa presse, par la conversation de la place publique, oscille entre la vanité et l’humiliation aussi prompte à taxer l’étranger de barbarie qu’à admettre l’irrésistible supériorité de l’Allemagne en tout ce qui ne concerne pas l’art de vivre, c’est-à-dire, il est vrai, l’essentiel".

Espoir et peur du siècle. 1957.

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