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Entre chamanisme et magie, le cirque est intemporel
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Jeux d'enfants ?

Depuis le 4 novembre, le Cirque du Soleil présente son spectacle à l'île Seguin, dans le département des Hauts-de-Seine. Malgré un succès de plus en plus mitigé, le cirque conserve une part de magie et de simplicité qui le démarque d'un monde technologique "gadgétisé". Plaidoyer d'un amoureux du cirque...

Pascal Jacob

Pascal Jacob

Pascal Jacob est auteur et scénographe

Il est aussi chargé de cours d’histoire du cirque à l’université Paris III, et directeur artistique du Festival Mondial du Cirque de Demain.

 

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A l’heure d’une mondialisation qui s’insère dans les interstices les moins attendus de nos sociétés occidentales, il est sans doute pertinent de s’interroger sur l’attrait que peuvent exercer les différentes formes de cirque. A la fois à l’échelle de la planète, mais également au strict niveau de l’hexagone, un territoire qui a contribué au développement du cirque moderne à partir de 1774, vu naître le Nouveau Cirque à l’aube des années 1980 et accompagné depuis quinze ans les mutations du cirque contemporain.

Force est de constater que les arts du cirque constituent un vivier créatif exceptionnel, et qu’à partir d’un répertoire de formes millénaires, l’acrobatie, l’équilibre ou la manipulation ne cessent de se transformer et de produire du sens, de l’émotion et une inépuisable fascination pour les mystères du corps et de l’esprit humains. Car c’est bien de cela dont il s’agit : le cirque est un puissant catalyseur de mémoire et un formidable vecteur d’énergie, une fabuleuse construction spectaculaire, inédite et intuitive, sensible et bouleversante…

L’immédiateté de la prouesse accomplie, sans artifice, évidente et inscrite dans une dramaturgie de l’exploit et du risque maîtrisé, inscrit le cirque dans une perspective inédite au regard d’autres formes vivantes. C’est cette fragilité, cette dimension aléatoire, qui attirent encore aujourd’hui des dizaines de millions de spectateurs autour des pistes d’un bord du monde à l’autre, et qui les incitent à y revenir, poussés par une conscience naturelle de l’attroupement, elle-même attisée par un désir ancestral de partage et d’éblouissement.

L’éclat du saut dans le vide, la virtuosité brute ou raffinée de la manipulation d’objets, l’élégance acérée de l’acrobatie sous toutes ses formes, l’intensité des rythmes et couleurs n’appartiennent pas exclusivement au cirque, mais participent de cette fascination populaire qu’il ne cesse de motiver à travers les siècles.

Dépositaire d’une partie de cet héritage, le Cirque du Soleil ne trahit rien des motivations initiales : les ombres qui s’étirent au fond de la caverne, générées par le premier feu, moteurs d’histoires fantastiques et seuil primitif de cohésion du clan, trouvent un écho stylistique dans le scintillement des projecteurs qui magnifient et transcendent les silhouettes offertes au cœur de l’aire de jeu. Le foyer central, la piste en l’occurrence, vide et semblable à un minuscule territoire préservé où s’avancent inlassablement de nouveaux héros avant qu’ils ne disparaissent à leur tour, est une puissante métaphore de l’existence et de ses enjeux vitaux. Qu’ils courent, glissent ou s’envolent, les acrobates, géants bienveillants ou lilliputiens suspendus à un bouquet de sphères translucides, réinventent à chaque saut le mystère des origines de l’humanité, cet instant où tout a basculé, où l’homme a découvert que sa force pouvait générer de la beauté et où le sacré s’est mêlé au profane pour inscrire la distorsion, l’humour et l’équilibre au rang des arts vivants.

Entre chamanisme et magie, les arts du cirque continuent de stigmatiser la quête ultime des hommes... ce désir de s’affranchir des contraintes du monde et de trouver le point d’équilibre parfait, juste au-dessus de l’abîme, franchi pas à pas par le funambule, métaphore d’un destin inscrit, mais où seuls le choix juste et la ténacité permettent de vaincre. Bien loin d’une simple féérie, mais sans pour autant la renier…

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