Pourquoi les stratégies individuelles de sécurisation des retraites plombent l’économie française<!-- --> | Atlantico.fr
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Le surinvestissement immobilier est mauvais pour l'économie française.
Le surinvestissement immobilier est mauvais pour l'économie française.
©Reuters

Série : les placements immobiliers (partie 2)

Si les placements immobiliers constituent un moyen efficace pour compléter une retraite, le surinvestissement immobilier n'est pas sans conséquences, notamment parce qu'il est peu productif pour l'économie réelle. Deuxième partie de notre série sur les placements immobiliers.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : Investir dans l'immobilier peut représenter un bon moyen pour sécuriser sa retraite. Mais à partir de quel moment cela peut-il devenir périlleux pour l'économie ?

Philippe Crevel : Le patrimoine français est surinvesti dans l’immobilier. En effet, les Français détiennent 6 642 milliards de biens immobiliers. L’acquisition de logements stérilise une part non négligeable des capitaux français au détriment de l’économie réelle. La rareté du foncier et le durcissement des normes ont contribué à l’augmentation des prix de l’immobilier qui ont doublé de 2000 à 2012. En Allemagne, la sagesse des prix de l’immobilier a permis d’orienter une partie de l’épargne vers les entreprises. L’immobilier n’est pas  une assurance-retraite sans risque. Certes, il peut être psychologiquement intéressant d’être propriétaire de sa résidence principale mais si c’est au prix d’un surendettement massif qui nuit à la consommation, le gain économique n’est pas évident. Si c’est au prix d’une mauvaise allocation des ressources, il n’est pas sûr que cette frénésie immobilière soit une sécurité pour les futurs retraités.

Quels sont les secteurs qui pourraient en pâtir ?

Tous les secteurs sont impactés. L’immobilier capte une grande partie de l’épargne nationale et crée un effet d’éviction, Les grandes entreprises françaises doivent se financer de plus en plus à l’étranger ce qui leur coûte plus cher que si elles trouvaient des ressources sur le territoire national. Le poids de la pierre a entrainé le surdéveloppement du secteur du bâtiment, secteur qui est donc très vulnérable au retournement de situation. En effet, étant le nombre important d’entreprises du bâtiment, la concurrence est féroce en cas de crise. Les constructeurs marginaux n’ayant pas de trésorerie sont très fragiles.

Quelle catégorie de population en ferait le plus les frais ?

Les particuliers amoureux de la pierre peuvent être les premières victimes. L’immobilier offre un rendement assez moyen. Après impôt, en fonction du type d’investissement, le rendement tourne entre 1 à 3 %. Il ne faut pas oublier que le propriétaire foncier devra subir une kyrielle d’impôts nationaux et locaux. Par ailleurs, les dispositifs fiscalement aidés (Duflot) peuvent donner à d’importantes déceptions. Le logement peut être construit dans une zone peu attractive ou peut être de mauvaise qualité rendant sa revente difficile. De même, les investissements dans les résidences étudiantes ou de dans les maisons de retraite (dispositif Censi/bouvard) dans des villes sans étudiant ou attirant peu les retraités peuvent se révéler peu rentables….

>>> Lire également Sécuriser sa retraite grâce à l'immobilier, mode d'emploi (et pourquoi ce n'est pas qu'à la portée des super riches)

Les Français sont tout à la fois obnubilés par les réductions d’impôt et par la pierre. De ce fait, ils ont une tendance à considérer que l’immobilier vaut de l’or surtout quand il est défiscalisé. Même si les taux d’intérêt restent bas, il faut rester vigilants avec ce type de placements.

Est-ce déjà le cas ? Quelles conséquences peut-on observer ?

De nombreux Français se sont engouffrés dans la pierre en espérant d’importantes plus-values ; or les prix de l’immobilier stagnent depuis plusieurs années. Nous pourrions connaître un mouvement de baisse comme en 1992-1995, les prix avaient alors chuté de 50 % en raison de la hausse des taux d’intérêt. Justement une remontée des taux est envisageable après 2016 ; en outre, avec le vieillissement de la population, de nombreux biens feront l’objet de transmission dans les prochaines années ce qui pourrait conduite à des baisses de prix.

Quels mécanismes permettrait d'éviter une dérive ? Comment inciter les épargnants à investir dans le système productifs tout en s'assurant un minimum de sécurité ?

De nombreux rapports ont souligné qu’il faudrait revoir la politique d’aide au logement. Le mieux serait d’arrêter le dopage afin de restaurer la vérité des prix. IL faudrait en outre augmenter l’offre au niveau du foncier afin de relancer la construction et de peser sur les prix. Il faut cesser de faire de l’immobilier une valeur refuge. Par ailleurs, pour améliorer le financement de l’économie réelle, il faudrait comme chez nos partenaires créer un régime obligatoire de retraite par capitalisation. Au moment où les régimes complémentaires doivent trouver des solutions afin d’assurer leur pérennité, il serait rationnel d’instituer un régime général professionnel d’épargne retraite. Cet étage pourrait être cogéré par le patronat et par les syndicats afin de rester dans la logique française de la Sécurité sociale. Mais, ce serait une réelle avancée pour les futurs retraités et pour le financement de l’économie. 

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