Montre au volant
Votre smartwatch va-t-elle vous conduire au poste de police ?
Au Canada, un homme a écopé d'une amende pour avoir utilisé sa smartwatch au volant. La question de l'utilisation de ce type d'objet en conduisant se pose en France.
Atlantico. Un automobiliste canadien a récemment écopé d’une amende pour avoir utilisé sa smartwatch au volant. En l'état actuel de la législation, cela pourrait-il être le cas en France ?
André Roulleaux-Dugage : Oui, au visa des articles R412-6 ou R423-17 du Code de la Route, qui permet à un Agent de Police Judiciaire de caractériser ce type de comportement (défaut de maîtrise du véhicule ou défaut de vigilance), ceci indépendamment des fonctionnalités particulières de ce type d'ordinateur portatif.
Quel type de risques spécifiques les montres connectées peuvent-elles poser ?
André Roulleaux Dugage : Principalement le défaut de maîtrise du véhicule ou la perte de vigilance, mais la législation peut évoluer autrement au gré des revendications des associations de sécurité routière et aboutir à l'interdiction formelle de ce type d'équipement. Si, en outre, ce smartwatch permet de localiser les radars, il y a infraction au décret Fillon no 2012 3 du 3 janvier 2012 si ce smartphone est assimilé à un GPS. Au moment de la discussion autour du décret Fillon (dont les dispositions en matière de GPS à notre connaissance n'ont été adoptés qu'en France, en tout cas, pas dans les pays limitrophes de la France), il était question pour certaines associations de sécurité routière de purement et simplement interdire les GPS au volant pour des motifs particulièrement invasifs et absurdes. Le Premier Ministre de l'époque, heureux adepte du sport automobile parait-il, y a mis le hola et c'était une bonne chose. Il est bon aussi de rappeler que pour appréhender les fonctionnalités de ce type d'équipements électroniques, seul un officier de police judiciaire serait habilité à notre sens à y procéder, s'agissant d'une fouille ou d'une mise sous scellés. Un simple agent ordinaire de police judiciaire ne serait pas habilité à notre sens pour ce genre d'actes.
Jean-Baptiste Souffron : Plutôt que de parler de risques, on devrait commencer par faire remarquer qu’elles sont moins intrusives qu’un téléphone portable et qu’elles permettent de savoir qui vous appelle sans avoir besoin de lever les mains du volant.
En France, on parle d’interdire le kit mains-libres, il était pourtant présenté comme une avancée majeure en terme de sécurité routière. Quelle différence avec le GPS où regarder sur un écran est nécessaire en plus d’écouter des instructions orales ?
André Roulleaux Dugage : La perte de viligance est une notion subjective. Si on voulait pousser le bouchon plus loin, on pourrait également interdire au conducteur de discuter avec ses passagers ou d'écouter la radio... La législation est évidemment trop floue en la matière, ce qui pose un problème de constitutionnalité, notre principe de légalité imposant à l'Administration de définir de manière non équivoques, c'est à dire très précises, les comportements contrevenants susceptibles d'être valablement sanctionnés pénalement. Notre droit pénal routier français, victime d'une réglementation de plus en plus foisonnante, est loin d'être exemplaire à cet égard.
Quelle est concrètement la mortalité routière associée aux objets connectés au volant ?
André Roulleaux Dugage : C'est un épiphénomène. Les deux syndromes dangereux dominants sont l'alcool ou la fatigue au volant, ensuite les SMS ou jeux électroniques au volant, le reste est de moindre statistique.
De manière générale, on assiste à un durcissement des réglementations vis-à-vis de tout ce qui peut distraire le conducteur. Objets connectés et sécurité routière sont-ils forcément incompatibles ?
André Roulleaux Dugage : Non évidemment. Ce devrait être en réalité le contraire : plus les équipements vous informent sur le véhicule et son environnement, plus le véhicule devrait être considéré comme étant sécure. On assimile trop certains équipements à des gadgets dangereux en considérant de manière très jacobine que le conducteur est fondamentalement présumé dangereux. D'où l'inflation législative en la matière, alors que les statistiques en matière d'accidents ne varient pas singulièrement. En réalité, la cause première de la diminution des morts sur les routes résultent plus de l'évolution technologiques, notamment autour des structures des véhicules, que de l'inflation législative. Il y a beaucoup de démagogie derrière tout ça. On est dans le "mal français".
Jean-Baptiste Souffron : Si on se positionne à moyen terme, la généralisation de l’intelligence embarquée ne peut avoir que des effets bénéfiques pour la sécurité. Pouvoir téléphoner depuis sa voiture, c’est aussi pouvoir prévenir de son retard et éviter un excès de vitesse qui aurait été dangereux. Disposer d’une smartwatch ou d’un smartphone dans sa voiture, c’est aussi pouvoir connecter sa conduite en 4G et accéder à des aides qui améliorent grandement la sécurité et la qualité du transport comme Waze par exemple. Développer l’autonomie des véhicules permettra aussi de minimiser les risques posés par le facteur humain qui est aujourd’hui la principale cause de mortalité sur la route. Et dès lors que le nombre de voitures connectées sera suffisant, elles pourront commencer à se relier les unes aux autres et améliorer ainsi les conditions de sécurité générale sur la route. Concrètement, si la caméra d’une voiture connectée repère un conducteur qui traverse en dehors des clous, elle pourra exploiter le smartphone ou la smartwatch de son conducteur pour prévenir les voitures qui sont derrière qui pourront ainsi ralentir avant même d’avoir le visuel du piéton en danger. Et ce sera la même chose pour les canards qui traversent sur l’autoroute.
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