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"Les Indignés et les hackers d'Anonymous se rapprochent de plus en plus"
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Indignation numérique

Contrairement à l'annonce d'une partie de ses membres, Anonymous ne s'est finalement pas attaqué à Facebook ce week-end. Autrefois geeks, les hackers se muent désormais de plus en plus en militants politiques...

Frédéric Bardeau

Frédéric Bardeau

Frédéric Bardeau est le fondateur et Vice-Président de l'agence LIMITE, pure player entièrement spécialisé en communication responsable.

Il est l'auteur de Anonymous : pirates informatiques ou altermondialistes ? (FYP, 2011)

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Atlantico : Le groupe de hackers Anonymous ne s’est pas attaqué à Facebook comme l'un de ses membres l'avait laissé entendre. Il reprochait au réseau social la mauvaise gestion de la vie privée de ses membres. Est-ce le signe d’une politisation accrue des hackers ?

Frédéric Bardeau : Les hackers ont toujours été plus ou moins politisés. Le message principal est très libertaire, principalement basé sur la réappropriation de la technologie. Cependant, il est vrai que la cybercriminalité, le déphasage de site et la recherche de failles constituaient l’activité principale des grands groupes de hackers.

On a pu observer, en reconstituant les actions d’Anonymous et d’autres groupes de hackers, qu’effectivement il existe une accélération phénoménale du nombre d’actions et une politisation accrue de ces actions. Je pense que la rupture s’est opérée au moment de l'affaire Wikileaks. Il y a clairement un avant et un après Wikileaks. Julian Assange est d’ailleurs la représentation parfaite de ce mouvement qui passe du hacking technique pur et dur (son pseudo était « mandax », même s’il ne l’a jamais confirmé) à un activisme politique. Il est passé d’une logique de technicien à une logique de journaliste. La technique n’est plus une fin, c’est un moyen.

Anonymous a déclaré sur son compte Twitter vendredi que l'opération Facebook était un "fake". Le groupe a indiqué que l'annonce de cette opération n'était revendiqué que par des membres isolés du groupe. La communauté des hackers est-elle homogène ou non ?

Il n’y a pas d’unité politique du hacking. Cette campagne anti-Facebook n'a effectivement pas fait l’unanimité au sein de la communauté des hackers, ni même au sein du groupe Anonymous. Beaucoup ont dit qu’il ne fallait pas détruire le messager. Pour eux, Facebook sert la cause d’Anonymous en ralliant de nombreuses personnes, la campagne est donc contreproductive.

Le message « mainstream » des hackers découle de « l’éthique hacker », très bien décrite dans des ouvrages comme La déclaration d’indépendance du cyber espace de John Perry BarlowLe message est libertaire : la technologie et l’information doivent être libres. Les utilisateurs doivent avoir accès à toutes les cartes pour pouvoir maitriser la technologie. Ils se concentrent aussi beaucoup sur la défense de la vie privée, et les questions autour de la neutralité du réseau. Tous ces thèmes constituent la base invariante des revendications « mainstream » des groupes de hackers. C’est d’ailleurs le fondement de la lutte anti-Hadopi de ces dernières années.

Comme tout le monde peut se revendiquer Anonymous, il y a clairement des marginaux. Par exemple, des noms et numéros de téléphone de policiers ont été publiés en Autriche et au Mexique. Toute une partie des hackers activistes s'est soulevée contre ce genre de pratique. Certains hackers légitiment aussi la pratique des DDOS (pratique qui consiste à saturer un serveur web de requêtes de manière à le rendre indisponible). Ils considèrent cela comme une véritable manifestation virtuelle, un sit-in numérique. D’autres, au nom de « l’éthique hacker », considèrent les DDOS comme une violation de la neutralité du réseau et de l’accès à Internet. Il y a donc de grosses divergences sur des sujets majeurs au sein même de la communauté des hackers.

Toute proportion gardée, peut-on comparer l’organisation en réseau des groupes de hackers type Anonymous à celle de groupes terroristes comme Al Qaïda ?

C’est une comparaison qui est souvent faites par les spécialistes de cyber-sécurité mais que je ne trouve pas judicieuse. Si Al Qaeda fonctionne comme une espèce de bannière qui permet aux groupes locaux de se revendiquer de l’organisation sans forcément avoir une autorisation écrite du leader, il y a quand même une homogénéité politico idéologique et religieuse, ce qui n’est pas du tout le cas des Anonymous. Ce que les Anonymous font en Amérique latine ou en Autriche n’a rien à voir avec les pratiques des Anonymous italiens ou américains.

Les Anonymous partagent-ils les idées des « groupes d’indignés » qui fleurissent un peu partout dans le monde ?

Selon moi, il existe une porosité de plus en plus importante entre « les indignés », les groupes de hacking comme Anonymous et les mouvements du type « Occupy Wall Street ». Les indignés de la Puerta del Sol de Madrid ont été soutenus par les hackers espagnoles. Ils leur ont même monté un système de téléphonie libre qui couvrait toute la place. Des ponts concrets ont été établis entre les organisations. Anonymous soutient officiellement « Occupy Wall Street », les masques de Guy Fawkes (emblème du groupe Anonymous) ont envahi les groupes de « protesters » de New-York à Auckland, d’Athènes à Madrid.

Peut-on imaginer le rassemblement de tous ces groupes sous une bannière commune ?

Il est difficile de prédire avec certitude l’avenir de ces mouvements, mais il est tout de même possible d’élaborer trois scénarios probables :

  • La première piste est celle du « hacking pur ». L’absence d’unité du mouvement des hackers et le manque de cohésion générale du projet font qu’ils ne pourront pas s’interfacer avec les mouvements « d’indignés ». La proximité avec certaines organisations extrémistes pourrait faire imploser le mouvement. On pourrait alors envisager une véritable marginalisation du mouvement, dont les membres seraient traqués comme de véritables criminels.
  • La deuxième piste, la plus probable, est celle de la société civile. On verrait alors les hackers aux services des ONG et des mouvements sociaux. Ils pourraient devenir un véritable bras armé numérique et un soutien logistique pour toutes ces organisations.
  • La troisième piste est politique. A l’instar du Parti Pirate à Berlin, on pourrait imaginer la création d’un Parti Pirate international qui engloberait les membres des groupes type Anonymous et les « indignés ».

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