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"Il y a comme une contradiction à dénoncer l’abondance des sondages et à revendiquer en même temps le besoin de s’exprimer"
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Opinions publiques

Après avoir épinglé l'Elysée il y a 2 ans, la Cour des Comptes vient de relever l'augmentation de 40% des dépenses d'études et de sondages du gouvernement entre 2006 et 2010 qui sont passées de 4,57 à 6,4 millions d'euros. De quoi alimenter bien des fantasmes sur un marché qui pourtant ne représente pas la majorité de l'activité des sondeurs.

Alain Renaudin

Alain Renaudin

Alain Renaudin dirige le cabinet "NewCorp Conseil" qu'il a créé, sur la base d'une double expérience en tant que dirigeant d’institut de sondage, l’Ifop, et d’agence de communication au sein de DDB Groupe.

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Atlantico : Un récent rapport de la Cour des Comptes indique que les dépenses d'études et de sondages de Matignon et du gouvernement ont augmenté d'environ 40 % entre 2006 et 2010. Vous avez dirigé l'institut de sondages IFOP. En quoi consiste précisément le travail des sondeurs ?

Alain Renaudin : Le sondage politique ne représente que 10 à 15% de l’activité des grands instituts de sondages, comme l’IFOP, IPSOS ou la Sofres. L’immense majorité de leur temps est consacré à des activités de sondages marketings, qui sont également bien plus rémunérateurs que les sondages politiques.

Les sondages qui ne sont pas publiés représentent la majeure partie du travail des instituts de sondage. Parmi ces sondages, il y a deux catégories :

  • Les enquêtes marketing qui font l’essentiel des activités économiques.  Notons aussi que beaucoup d’institut d’études ne font pas du tout d’enquête pol. Bien souvent, les enquêtes politiques sont nécessaires aux instituts de sondages, en termes de notoriété. 
  • Les enquêtes politiques non publiées commandées par les partis politiques ou les cabinets permettent d’avoir des indicateurs par exemple de notoriété ou de cote d’image pour un élu qui voudrait se lancer dans une campagne électorale locale.
    Cela peut aussi concerner des baromètres de suivi sur la satisfaction liée au système de santé. Ils peuvent aussi servir à guider les politiques sur des thèmes de campagne et mesurer la réaction des Français par des enquêtes quantitatives ou qualitatives sur leurs préoccupations. Les sondages peuvent aussi évaluer la pertinence ou pas de revendiquer telle ou telle filiation politique.

    Il faut démystifier tout cela, les sondages qui ne sont pas publiés n’ont rien à cacher, ils servent à évaluer l’opinion publique, comprendre quelles sont les attentes des Français avant de se lancer dans tel ou tel cheval de bataille. Parfois aussi, les commandes s'attaquent plus au fond et interrogent les traits d’images ou le caractère ou les qualités associées à tel candidat.

Ce sont des outils de pilotage, qui sont également commandés par des marques qui souhaitent connaître le degré de satisfaction de leurs clients, l’image qu’ils véhiculent etc.

Nous menons des enquêtes de satisfaction, d’image de marques, de tests de nouvelles offres, qui évaluent les positionnements des consommateurs.

Ne vous détrompez pas, l’essentielle de l’activité des instituts repose sur les enquêtes marketing, les équipes sont tout le temps à l’affût des tendances des consommateurs, de répondre à des briefs clients des clients, trouver la meilleure méthodologie pour offrir la meilleure réponse.

Comment expliquez-vous hausse des dépenses des cabinets qui commandent toujours plus de sondages ?

Plusieurs éléments expliquent ce phénomène. Le premier c’est l’actualité, qui joue sur la commande de sondages. Ces derniers mois, l’actualité a été très dense, et très consommatrice de sondages. Je pense notamment à l’affaire Strauss Kahn et à la primaire socialiste, deux événements très médiatisés. Dans ces moments-là, les leaders politiques ont besoin de savoir comment l’opinion réagi, pour se positionner par rapport à elle.

La chute du prix des sondages est le deuxième facteur explicatif : si on compare les deux périodes pré électorales de 2007 et d’aujourd’hui, les sondages coûtent également moins chers qu’il y a cinq ans. Le développement du « online », c’est-à-dire la possibilité de sonder les internautes en quelques minutes a permis de baisser les coûts des sondages. Le fait de travailler sur Internet a également permis une plus grande réactivité de la part des sondeurs.

Enfin,la presse est également très friande de sondages, parce que les médias cherchent bien souvent le scoop et que certains sondages représentent des informations exclusives. Je crois que cette quête s’est même intensifiée ces derniers temps. Je pense notamment au sondage qui donnait Marine Le Pen en deuxième au premier tour de la présidentielle, cette information a fait les choux gras de la presse quotidienne et a suscité beaucoup de réactions. Les sondages sont donc un outil supplémentaire à la disposition des médias qui en consomment beaucoup. 

Les instituts de sondage évoluent dans un univers ultra concurrentiel, comparable à celui des médias. C’est à celui qui aura la question la plus originale, la première réaction à tel événement etc.

Je crois que cette tendance ne va pas s’arrêter là, je suis à peu près certain qu’il y aura encore plus de commande de sondages lors de la prochaine élection présidentielle dans 5 ans.

Que répondez-vous aux critiques qui s'agacent de la multiplication des sondages ?

Il y a comme une contradiction à dénoncer l’abondance des sondages et à revendiquer en même temps le besoin de s’exprimer. Pour moi le sondage est ni plus ni moins qu’un outil d’intermédiation, d’interface entre l’opinion et les hommes politiques. Nous ne devrions pas nous plaindre que les hommes politiques recourent trop au sondage parce que ce sont des thermomètres de l’opinion qui ne sont pas inutiles. Cependant, la politique ne doit pas naviguer à vue en mettant les sondages à la barre de leurs convictions politiques.

Cette démocratie participative ouvre le risque d’une opinion publique défavorable à une décision politique qui s’impose. L’ensemble des partenaires européens a tremblé quand le premier ministre Grec, George Papandréou a annoncé son projet de référendum, qui est une sorte de sondage grandeur nature, parce que cela a rappelé à tout le monde que cette décision politique nécessaire est impopulaire. Et l’opinion publique ne doit pas dicter le politique. Pour moi, le problème ce n’est pas la sur utilisation des sondages mais le fait que les hommes politiques veuillent mesure l’opinion publique trop « à chaud » sur tous les sujets d’actualité.

Relativisons tout de même, les sondages commandés par les politiques et les médias, qui représentent la partie immergée de l’iceberg représente une activité économiques qui a plutôt moins augmenté que la moyenne des autres activités des instituts de sondage.

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