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Introduction du "say on pay" : quand les actionnaires se rebiffent et font enfin entendre leur voix
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Sursaut démocratique

L’introduction récente du "say on pay" dans le code de régulation Afep-Medef conduit les assemblées générales à se prononcer sur la rémunération des dirigeants d’entreprise.

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan est consultant en stratégie et président d’une association qui prépare les lycéens de ZEP aux concours des grandes écoles et à l’entrée dans l’enseignement supérieur.

Avocat de formation, spécialisé en droit de la concurrence, il a été rapporteur de groupes de travail économiques et collabore à plusieurs think tanks. Il enseigne le droit et la macro-économie à Sciences Po (IEP Paris).

Il écrit sur www.toujourspluslibre.com

Twitter : @erwanlenoan

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Les capitalistes, c’est bien connu, sont une espèce de rapaces néfastes, qui a partie liée avec le grand patronat, dans une promotion éperdue des valeurs bassement matérielles et pécuniaires, dont la pire déclinaison se développe aux Etats-Unis. Il suffit d’allumer sa télévision ou de feuilleter les pages des meilleures publications françaises pour s’en rendre compte : la nuée capitaliste, motivée par son intérêt égoïste n’apporterait que souffrances et injustices si elle n’était pas maitrisée et régulée par le Saint Empire Etatique. De recherches de bonus en rémunérations faramineuses, les marchés donneraient ainsi régulièrement la nausée par leurs excès salariaux.

Le narratif est usé jusqu’à la corde, mais il prospère pourtant. En dépit des réalités. Car s’il est un mouvement significatif dans la gouvernance des entreprises ces dernières années, c’est la montée en puissance du pouvoir des actionnaires, scrutateurs sévères et avisés de la performance des entreprises, moteurs d’une autorégulation qui se révèle probablement plus puissante que de nombreuses réglementations absconses.

Les assemblées générales récentes ont donné lieu à de petites révolutions dans le capitalisme français : chez Sanofi, les rémunérations des dirigeants ont suscité quelques sifflets, chez Renault à peine 60% des actionnaires ont approuvé la rémunération de Carlos Goshn… Les actionnaires se rebiffent et ils font entendre leur voix.

A l’origine de ce sursaut démocratique dans le capitalisme : l’introduction récente du "say on pay" dans le code de régulation Afep-Medef, qui conduit les assemblées générales à se prononcer sur la rémunération des dirigeants d’entreprise. Cette pratique, venue de chez nos voisins anglo-saxons, a introduit un contrôle plus fort des PDG par leurs actionnaires, obligeant par le même mouvement à plus de transparence.

Ces nouveaux modes de gouvernance, qui renforcent la démocratie actionnariale, ont été promus par des groupes militants, notamment les fonds activistes. Regardés avec méfiance – si ce n’est hostilité – par une partie des entreprises, ces organisations – dont le dynamisme vire parfois à la croisade et engendre de lourdes batailles judiciaires – ont décidé de prendre le pouvoir et de mener la vie dure aux PDG, en renforçant sans cesse leurs exigences et le contrôle qu’elles exercent. Il s’agit d’un véritable bouleversement intellectuel qui s’est produit sur les dernières décennies outre-Atlantique et qui se développe désormais en Europe.

Dans un capitalisme français qui était habitué à une gestion traditionnelle, distante et pas nécessairement animée par la volonté de se dévoiler (parler de salaires, c’est vulgaire), c’est une révolution. Elle est profondément concurrentielle : c’est la logique de performance des marchés qui est à l’œuvre. Le PDG efficace est récompensé, le moins efficient remercié ou sanctionné. Le marché, c’est l’efficacité.

Car si les propriétaires atomisés des grandes entreprises protestent, ce n’est pas nécessairement par goût altruiste d’une arbitraire obligation morale, mais bien parce qu’ils jugent les résultats des dirigeants sensés les enrichir. C’est, pour simplifier à outrance, la logique de la main invisible d’Adam Smith qui est à l’œuvre : la conjugaison des intérêts personnels fait contrepoids au pouvoir des dirigeants et les soumet à une surveillance constante. Le marché, c’est la démocratie.

La logique du marché est participative et démocratique. C’est parce qu’ils pensent à leurs intérêts égoïstes (cette valeur que défendait Aynd Rand) que les actionnaires parviennent à promouvoir un résultat optimal pour la collectivité : soumis à leur contrôle, les PDG sont contraints à l’optimisation et la performance, laquelle doit engendrer un effet positif sur l’ensemble de l’économie. L’entreprise mieux gérée croît, crée de l’emploi. L’actionnaire enrichit investit, consomme. Le marché redistribue ainsi la richesse, en imposant des mécanismes de performance constants.

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