Berlin aurait espionné Paris pour la NSA : une pratique courante mais qui en dit long sur l'autonomie européenne<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
Les services de renseignement allemands sont accusés d’avoir espionné des officiels français et des hauts-fonctionnaires de la Commission européenne pour le compte de la NSA.
Les services de renseignement allemands sont accusés d’avoir espionné des officiels français et des hauts-fonctionnaires de la Commission européenne pour le compte de la NSA.
©Pixabay

Mouchards

Les services de renseignement allemands sont accusés d’avoir espionné des officiels français et des hauts-fonctionnaires de la Commission européenne pour le compte de la NSA.

Eric Denécé

Eric Denécé

Eric Denécé, docteur ès Science Politique, habilité à diriger des recherches, est directeur du Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R).

Voir la bio »

Atlantico : Dans alliés politiques et économiques qui s'espionnent entre-eux, est-ce que c'est courant ? A quels objectifs cela répond-il ? Quelles en sont les enjeux ? 

Eric Denécé :Oui, c’est un grand classique de l’espionnage. Si les pays occidentaux coopèrent étroitement en matière de lutte antiterroriste, la guerre secrète entre alliés fait rage sur plan économique. De plus, la grande majorité des services européens - à l’exception notable des français - sont régulièrement instrumentalisés par les Américains, quand ils ne veulent ou ne peuvent agir directement. C’est un rôle d’auxiliaire que jouent régulièrement Britanniques et Allemands. Il convient au passage de rappeler que le BND est le seul service de renseignement d’Europe qui ait été créé par les Américains, à partir de l’organisation de renseignement du général Reihnart Gehlen, l’ancien chef du 2e bureau de la Wehrmacht en Russie. En 1946, les Américains ont récupéré et financé ses réseaux, qui ne sont passés sous contrôle du gouvernement d’Allemagne fédérale que plusieurs années plus tard. Ce service a donc un fort tropisme pro-américain.

Les services de renseignements fédéraux allemands et la DGSE collaborent par ailleurs de manière très étroite... Comment les deux organismes s'organisent-ils pour jouer à ce double jeu ?

En effet, depuis plusieurs décennies, dans le cadre du rapprochement politique franco-allemand, les services de renseignement des deux pays se sont mis à collaborer plus étroitement. Cela a été d’autant plus facile que DGSE et BND ont tous les deux des structures comparables : ce sont des services "intégrés", c’est-à-dire des agences qui sont à la fois en charge de la recherche humaine, de la recherche technique et de l’analyse. A noter cependant que le BND dispose de moyens plus importants (près de 8 000 hommes) que le DGSE (une peu moins de 6000). Ainsi, un véritable partage des tâches s’est opéré au fil du temps. LA DGSE ne suit qu’accessoirement l’Europe de l’Est et la Russie, spécialité du BND. En revanche, les Allemands ne s’intéressent guère au Maghreb et au Sahel. Les deux services échangent donc leurs renseignements sur les zones qu’ils ne couvrent pas. Mais cela n’a pas que des avantages : au début de la crise ukrainienne, la DGSE était dépendante des informations allemandes…Donc notre politique étrangère aussi. Heureusement, la DRM suivait aussi ce dossier.

Ce n'est pas la première fois qu'un scandale de cette nature éclate. Ce type de scandale doit-il être considéré comme une fatalité ? Comment y répondre, et sur quel plan ?

Ce n’est ni la première ni la dernière fois que nous observerons l’espionnage entre alliés ; Ce n’est pas une fatalité, c’est une constante… et jusqu’à un certain point, une nécessité. Mais notons toutefois que les Américains s’y livrent d’une façon absolument débridée et scandaleuse, cherchant toujours à tout savoir et à tout contrôler. Ce qui est regrettable et condamnable, c’est le fait que nos alliés européens se prêtent à ce jeu. Cela resterait logique et acceptable qu’ils le fassent pour défendre leurs intérêts propres, mais pas pour Washington. Cela en dit long sur l’autonomie européenne.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !