Grand nettoyage à la Chancellerie : Christiane Taubira en pleine opération verrouillage de la haute magistrature<!-- --> | Atlantico.fr
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Christiane Taubira est en pleine opération verrouillage de la haute magistrature.
Christiane Taubira est en pleine opération verrouillage de la haute magistrature.
©Reuters

Copinage et compagnie

Un train de nominations est en préparation place Vendôme. Les fidèles seront bien lotis. Qu’ils soient membres du cabinet de Christiane Taubira, ou qu’ils aient été dans le passé membres des équipes de Pierre Arpaillange ou d’Elisabeth Guigou. C’est une règle intangible depuis des lustres : la proximité avec le pouvoir en place est souvent payante.

Gilles Gaetner

Gilles Gaetner

Journaliste à l’Express pendant 25 ans, après être passé par Les Echos et Le Point, Gilles Gaetner est un spécialiste des affaires politico-financières. Il a consacré un ouvrage remarqué au président de la République, Les 100 jours de Macron (Fauves –Editions). Il est également l’auteur d’une quinzaine de livres parmi lesquels L’Argent facile, dictionnaire de la corruption en France (Stock), Le roman d’un séducteur, les secrets de Roland Dumas (Jean-Claude Lattès), La République des imposteurs (L’Archipel), Pilleurs d’Afrique (Editions du Cerf).

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  • Etre ou avoir été membre du cabinet de Christiane Taubira est un bon tremplin : Jean-François Beynel, directeur des services judiciaires, devrait être promu premier président de la Cour d’appel de Rouen
  • Avoir été en disgrâce sous la droite l’est tout autant : Robert Gelli, au purgatoire à Nîmes pendant plus de dix ans, pourrait être promu procureur général à Paris à la place de François Falletti que la garde des Sceaux souhaitait débarquer en janvier 2014
  • Avoir été en poste à la Chancellerie sous Elisabeth Guigou n’est pas non plus un inconvénient : Patrick Poirret devrait succéder à Robert Gelli comme directeur des affaires criminelles et des grâces
  • Exception qui confirmerait la règle : un ancien du cabinet de Rachida Dati, Frédéric Fèvre, procureur de Lille, devrait décrocher un poste de procureur général.

A la Chancellerie, les grandes manœuvres pour la promotion de hauts magistrats battent leur plein. Christiane Taubira y veille de près, tout comme Matignon et bien sûr l’Elysée. On cherche des candidats de qualité, sans négliger le petit plus qui fait qu’il vaut mieux, par ces temps qui courent, ne pas apparaître, à tort ou à raison, comme affidé de l’UMP, par exemple. Effectivement, quelques proches du pouvoir ou qui ont jadis appartenu aux cabinets d’Elisabeth Guigou, voire de Pierre Arpaillange- qui n’était pas socialiste mais qui a été le garde des Sceaux de Michel Rocard (1988-1990)- se voient offrir de belles promotions. Parmi les postes qui devraient se libérer prochainement : celui de directeur des services judiciaires. Un poste clé. Il joue un rôle considérable dans le développement de la carrière des magistrats. Son titulaire actuel est Jean-François Beynel, ancien président du tribunal de Castres, puis de Mulhouse jusqu’en juin 2012 date à laquelle il entre au cabinet de la garde des Sceaux. Autant dire un parcours classique qui devrait déboucher, à moins d’un coup de théâtre, sur son arrivée à la Cour d’appel de Rouen comme premier président. Pour lui succéder, indice que le cordon ombilical demeure entre Elysée et Chancellerie- il existe depuis des lustres-, c’est Françoise Tomé, conseillère justice à la présidence de la République depuis septembre 2014 qui pourrait le remplacer. Cette magistrate très appréciée, qui fut chef de cabinet de Pierre Arpaillange, avait été pressentie en mars 2013 pour succéder à Christian Vigouroux- démissionnaire dix mois après avoir été nommé- comme directrice du cabinet de Christiane Taubira. Un autre ancien du cabinet d’Arpaillange, François Cordier, fin connaisseur du droit de la presse- il fut responsable de cette section au parquet de Paris- pourrait être promu premier avocat général à la Cour de cassation, l’un des plus hauts postes du parquet. A la Cour d’appel de Rouen encore, une nouvelle procureure générale est attendue : Anne Berriat, actuelle directrice adjointe du cabinet de Christiane Taubira. Ancienne du cabinet d’Elisabeth Guigou, (1997-2000) elle est réputée pour être peu impressionnable. On a eu un échantillon, lorsqu’en plein débat en juin 2014, à l’Assemblée nationale, sur la prévention de la récidive, elle s’est fait houspiller par la garde des Sceaux. Mais elle a tenu tête.

Un autre poste aiguise les appétits : celui de procureur général près la Cour d’appel de Paris. C’est non seulement l’un des plus prestigieux de la magistrature, mais surtout son titulaire supervise toute l’action publique des tribunaux de la région parisienne. Or, c’est là que sont instruites les affaires politico-financières les plus sensibles du moment. Depuis janvier 2010, François Falletti, haut magistrat à l’intégrité et à la probité intellectuelle unanimement reconnues, occupe la fonction. Pourtant, en janvier 2014, au prétexte qu’il n’affichait pas une sensibilité proche de Christiane Taubira – il a été directeur des affaires criminelles et des grâces sous la droite-, on a voulu l’éjecter. Uniquement à cause de cette question de …sensibilité. Mais il s’est rebellé, en menaçant de saisir le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) afin qu’il lui "assure sa protection". La tentative d’éviction a échoué, entrainant une reculade de la garde des Sceaux. Falletti est donc resté. Mais aujourd’hui, l’heure de la retraite a sonné. Il doit partir. Pour le remplacer, deux noms circulaient avec insistance, ces derniers jours : celui de François Feltz, actuel patron de l’inspection des services judiciaires et celui de Robert Gelli, directeur des affaires criminelles et des grâces depuis le mois de septembre 2014. C’est le second qui, en toute logique, devrait l’emporter, Feltz devant rejoindre la Cour de cassation comme premier avocat général. Une sorte de revanche pour Gelli, ancien conseiller Justice de Lionel Jospin à Matignon (1997-2002). Lequel sera resté plus de dix ans, de 2002 à 2012-un record- à languir comme procureur près le tribunal de Grande instance de Nîmes… alors que la droite – Chirac, puis Sarkozy- détenait les rênes du pouvoir. En deux ans et demi, le purgatoire infligé à Robert Gelli a été réparé, puisque, quelques mois après l’élection de François Hollande, il succédait, en décembre 2012, à Philippe Courroye-- dont la gauche judiciaire réclamait le limogeage- à la tête du parquet de Nanterre… Avant d’être promu, à peine deux ans plus tard, à une direction stratégique de la Chancellerie, celle des affaires criminelles et des grâces.

La succession de Gelli devrait échoir à Patrick Poirret, actuel procureur général à Nancy, en poste à la chancellerie sous Elisabeth Guigou. Une fonction capitale que celle de directeur des affaires criminelles : c’est lui qui insuffle la politique pénale du gouvernement et surtout qui est courant de toutes les procédures judiciaires du pays. En revanche, sur l’autre poste envié de la magistrature, celui de procureur de la République à Paris, pas de changement prévu : François Molins, qui a géré, fort bien, l’affaire Cahuzac et les attentats de janvier- ne devrait pas bouger. D’abord parce qu’il n’en éprouve guère le désir- au grand dam de la garde des Sceaux ? Ensuite parce qu’il sait que procureur à Paris est synonyme de pouvoir. Une inconnue : comment, au jour le jour, s’entendra-t-il avec Gelli, son supérieur hiérarchique, les deux magistrats, ce n’est un secret pour personne, étant de sensibilité différente. Preuve, en tout cas, que l’on peut récompenser des magistrats de qualité, mais qui n’appartiennent pas à l’écurie socialiste, Frédéric Fèvre pourrait quitter le Parquet de Lille – c’est lui qui a requis un non-lieu en faveur de DSK dans l’affaire du Carlton- pour un poste de procureur général. Fèvre fut en effet, conseiller en charge de l’organisation judiciaire au cabinet de Dominique Perben et directeur adjoint du cabinet de Rachida Dati.

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