L’adoption d’héritiers adultes, secret de la longévité des entreprises japonaises <!-- --> | Atlantico.fr
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Le président de l'entreprise centenaire Mitsui .
Le président de l'entreprise centenaire Mitsui .
©Reuters

Histoires de famille

50 000 entreprises japonaises ont plus de 100 ans d'existence, et beaucoup d'entre elles sont construites sur des structures familiales.

Sébastien Lechevalier

Sébastien Lechevalier

Sébastien Lechevalier spécialiste de l'économie japonaise. Il est maître de conférences à l'EHESS, président de la Fondation France-Japon de l'EHESS et directeur du réseau français des études asiatiques.

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Atlantico : 50 000 entreprises japonaises ont plus de 100  ans d'existence. Le pays a pourtant connu des hauts et des bas au courant du XXe siècle et, globalement ouvert à l'économie de marché, n'empêche pas la faillite d'entreprises en situation de banqueroute. Qu'est-ce qui dans l'organisation interne des sociétés japonaises permet cette longévité en économie ouverte ?

Lechevalier Sebastien : Plusieurs facteurs institutionnels et organisationnels ont joué historiquement pour limiter les faillites d'entreprises. Ces facteurs ont évolués au cours du temps et n'ont pas été décisifs pendant les mêmes périodes.

Pour résumer, la structure familiale de beaucoup de ces entreprises ainsi les règles et pratiques de succession empêchant une dispersion du capital ont joué un rôle majeur. Pendant la période d'après guerre, le système dit de la banque principale - selon lequel une majorité d'entreprises avait une banque de référence avec laquelle elle entretenait une relation de long terme et qui l'aidait en période de difficulté - a été un facteur important, tout comme le système des participations croisées entre entreprises qui évitait les risques de prise de contrôle par d'autres entreprises et l'éventuelle restructuration. Enfin, on l'oublie trop souvent, mais un grand nombre de ces entreprises plusieurs fois centenaires ont su se réinventer tout au long de leur existence. C'est le cas de Mitsui dont les origines remontent à la période d'Edo (XVIIe siècle) et qui vendait initialement des produits alimentaires comme  le miso. 

Beaucoup d'entreprises à la durée de vie à trois chiffres ont comme point commun, entre autres, d'être gérées – du moins officiellement – par une même lignée familiale. Qu'apporte ce mode de transmission à ces entreprises ? N'est-il pas aussi "contre-productif" comme on l'imagine souvent d'un point de vue plus occidental ?

Comme indiqué précédemment, c'est là un facteur clef. La structure et la succession familiales ne sont en aucun cas la panacée et de nombreux cas de faillites existent. Cependant, cela a été également un facteur de stabilité, d'allongement de l'horizontemporel de l'entreprise. De plus, les solutions organisationnelles sont généralement équilibrées.

Ainsi, dans le cas de Toyota, la famille Toyoda garde en partie la main sur le management et, régulièrement, un membre de la famille, prend la direction opérationnelle mais l'entreprise fait également appel à des personnes extérieures à la famille sur la base de leurs compétences.

C'est cet équilibre qui permet de dépasser l'arbitrage entre stabilité et  efficacité.

Au mois de janvier 2015, Minoya Kichibee entreprise agroalimentaire de fruits de mer a fait faillite après 465 ans d'existence. Une entreprise de confiserie traditionnelle, Surugaya en a fait de même en 2014 après 533 ans d'activité... La longévité peut-elle se poursuivre dans un contexte d'environnement économique constamment fluctuant, et plutôt peu propice au Japon depuis vingt ans ?

Je ne vois pas le nombre de faillites de ces entreprises augmenter de façon sensible, dans le court terme, même dans un contexte de libéralisation et d'ouverture accrue.

Les pays occidentaux qui n'ont qu'une poignée d'entreprises dépassant le siècle d'ancienneté pourraient-ils s'inspirer des pratiques qui permettent une telle durée de vie ? Les spécificités japonaises sont-elles exportables ou sont-elles intrinsèquement liées au Japon ?

Cette longévité des entreprises n'est pas une spécificité japonaise. Elle a été permise par un certain contexte historique et institutionnel qui est susceptible d'évoluer. Elle est souvent perçu de façon négative comme le signe d'un manque de concurrence et d'émergence de nouveaux acteurs. Je réfute cette interprétation. La France ne fait pas beaucoup mieux que le Japon du point de vue de la création durable de nouvelles entreprises, et dans le même temps, la longévité de ces entreprises est beaucoup moins marquée.

L'important est que cette longévité des entreprises repose sur leur capacité à se diversifier ou à se réinventer et non pas leur maintien à flot de façon artificielle.

Propos recueillis par Damien Durand

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