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Hélie Denoix de Saint Marc méritait mieux que Robert Ménard et Manuel Valls
©REUTERS/Christophe Ena/Pool

La guerre d’Algérie : une guerre qui ne passe pas

Il avait été résistant, soldat, partisan de l’Algérie française. Un homme droit et respectable. Pourquoi avoir jeté son nom dans le caniveau où coulent les polémiques les plus bêtes ?

Benoît Rayski

Benoît Rayski

Benoît Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.

Il est également l'auteur de Là où vont les cigognes (Ramsay), L'affiche rouge (Denoël), ou encore de L'homme que vous aimez haïr (Grasset) qui dénonce l' "anti-sarkozysme primaire" ambiant.

Il a travaillé comme journaliste pour France Soir, L'Événement du jeudi, Le Matin de Paris ou Globe.

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A Béziers, la rue du 19 mars 1962 (date des accords d’Evian qui signèrent la fin de la guerre d’Algérie) s’appelle désormais rue du Cmdt Hélie Denoix de Saint Marc. Devant une foule heureuse, et quelques centaines de contre-manifestants, le maire de la ville à qui on doit cette initiative a plastronné. "L’Algérie, c’était notre paradis !" Sans doute, mais pas pour tout le monde…

Ainsi la guerre d’Algérie et ses fantômes reviennent une nouvelle fois hanter le débat français. Cette guerre, il y a deux façons de la raconter. L’une, en vigueur de l’autre côté de la Méditerranée et hélas aussi en France, toujours marquée par une culpabilisation post-coloniale, consiste à proclamer que les hommes du FLN étaient des chevaliers sans peur, sans reproches, sans tâches et que l’armée française (sans oublier les "colons") était un ramassis de brutes tortionnaires. L’autre, notoirement plus minoritaire et assez bien représentée par le discours du premier édile de Béziers, soutient que les rebelles du FLN étaient des monstres assoiffés de sang qui empêchaient les musulmans d’aimer la France, ce qui était, paraît-il, leur plus profond désir.

Il y aurait une autre façon de faire le récit de la guerre d’Algérie. Ne pas cacher le fait que la torture fut érigée en système par l’armée française. Ne pas dissimuler que les insurgés du FLN rivalisèrent d’atrocités (les femmes éventrées d’Orléanville) et de massacres. Dire que Ben M’hidi, un des chefs de l’insurrection, fut ignominieusement pendu par les parachutistes du général Aussaresses. Qu’un merveilleux écrivain arabe du nom de Mouloud Feraoun fut assassiné par des tueurs de l’OAS. Que cette guerre fut une abomination. Qu’elle vit l’éclosion de brutes et aussi d’hommes d’honneur.

Le général Pâris de Bollardière qui démissionna de l’armée, écœuré par la torture, en fut un. Hélie Denoix de Saint Marc, d’un engagement différent, en fut un autre. Un des plus jeunes résistants de France. Déporté à Buchenwald d’où il fut libéré agonisant. Il s’engagea dans l’armée, partit pour l’Indochine. Et là, il dut sur ordre de ses supérieurs abandonner à leur sort (donc à la mort) les villageois qui l’avaient rallié.

Un véritable crève-cœur. Et c‘est parce qu’il ne voulait pas que la même tragédie se répète avec les harkis qu’il rejoignit le putsch des généraux en Algérie. Pour cela, Hélie Denoix de Saint Marc passa cinq ans en prison. Il fut réhabilité en 1978. Puis, longtemps après, Nicolas Sarkozy le fit grand croix de la Légion d’Honneur, ce qui n’était que justice.

Il a raconté sa vie, ses choix et ses épreuves dans un livre émouvant, Toute une vie. Une phrase, une seule de ce livre suffit à dire qui était Hélie Denoix de Saint Marc. "Un ami m’a dit un jour : "Tu as fait de mauvais choix puisque tu as échoué." Je connais des réussites qui me font vomir." Pas un homme d’extrême droite. Un homme d’une extrême droiture.

On ne peut en dire autant du maire de Béziers qui, avec la mémoire d’Hélie Denoix de Saint Marc, fait de la politique spectacle. Pourvu qu’on parle de sa ville et donc de lui-même… Sa célèbre affiche avec un énorme flingue et ces mots "la police municipale a un nouvel ami" témoigne en faveur de ses incontestables talents publicitaires.

Quant à Manuel Valls, qui a vu dans les événements de Béziers l’apparition d’une France "rance", il fait, lui, de la politique hystérisée par sa crainte de voir arriver le FN en tête des élections départementales. Le premier ministre sait-il seulement de quel arsenal langagier est tiré le mot qu’il a employé ? "Rance", "moisi" sont des marqueurs de la vieille et traditionnelle extrême droite française. Ils servirent à insulter Léon Blum d’abord, Robert Badinter ensuite. Qu’Hélie Denoix de Saint Marc repose en paix. Loin, le plus loin possible de tout ça. 

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